Etude des mécanismes de génération des mouvements saccadiques chez l’homme

Etude des mécanismes de génération des mouvements saccadiques chez l’homme

Les régions corticales et sous-corticales impliquées

La commande motrice 

Du colliculus supérieur aux motoneurones Une saccade est produite par la décharge de neurones moteurs situés dans le tronc cérébral, ou motoneurones. Ils activent les fibres motrices des muscles extra-oculaires. Ces motoneurones ont une décharge de type «impulsion-échelon» (pulse-step). La décharge impulsionnelle (pulse) correspond au signal phasique qui induit le déplacement rapide des yeux. La décharge de type échelon (step) est le signal tonique maintenant les yeux dans leur nouvelle position, suivant chaque saccade. La décharge phasique a une durée proportionnelle à la durée de la saccade et une fréquence proportionnelle à la vitesse de la saccade. La décharge tonique a une durée proportionnelle à la durée de la fixation et un niveau de fréquence proportionnel à l’excentricité des yeux. Cette modulation de fréquence composée d’une bouffée d’activité phasique suivie d’une décharge tonique, provient de l’activité de différents types de neurones des générateurs saccadiques répartis dans le tronc cérébral. Les derniers neurones dits prémoteurs, qui produisent l’activité phasique et déclenchent le déplacement de l’œil vers sa nouvelle position, sont appelés neurones « excitateurs phasiques ». Ils sont situés dans la formation réticulée pontique (Medullary Reticular Formation), près du noyau abducens (abducens nucleus) pour les mouvements horizontaux et leurs équivalents pour les mouvements verticaux se trouvent dans la formation réticulée mésencéphalique (Midbrain Reticular Formation) (voir Figure 2.11). Il y a ainsi deux générateurs saccadiques, un pour les mouvements horizontaux et un autre pour les mouvements verticaux. Plusieurs types de neurones au sein des générateurs saccadiques sont activés lors de la production d’une saccade. On recense les neurones toniques (Tonic Neurons), les Short-Lead Burst Neurons (SLBN), les Excitatory Burst Neurons (EBN), les Inhibitory Burst Neurons (IBN), les Long-Lead Burst Neurons (LLBN) et enfin, les neurones omnipauses (OPN). Nous ne décrirons pas ici tous les différents patterns d’activation de ces neurones, mais uniquement 23 ceux responsables de l’amplitude et la vitesse des saccades, ainsi que ceux responsables de la fixation.Tout d’abord, les Short-Lead Burst Neurons, ne montrent aucune activité durant la fixation et leur bouffée d’activité se fait avant le début d’une saccade et s’achève quelques millisecondes avant la fin de la saccade. Le taux et la durée de chaque bouffée est en corrélation avec l’amplitude et la vitesse des yeux. Les Excitatory Burst Neurons établissent des synapses de type excitatrices avec les motoneurones du noyau abducens3 ainsi qu’avec les neurones toniques. Ces neurones fournissent la principale activité excitatrice responsable de la décharge de type impulsion des motoneurones, c’est-à-dire le signal phasique induisant le déplacement des yeux. Les Long-Lead Burst Neurons déchargent avant le début d’une saccade, et leur pic d’activité maximal est atteint au moment du déclenchement de la saccade. Ces neurones ont un rôle essentiel dans le codage de l’amplitude de la saccade. Les neurones omnipauses, qui ont une activité tonique durant les fixations et les mouvements oculaires lents, reçoivent des signaux des neurones de la région rostrale du colliculus supérieur ainsi que d’autres aires corticales, telles que le Champ Oculomoteur Frontal (Frontal Eye Field – FEF) (Figure 2.12).**

Le colliculus supérieur 

Les différentes couches : les cartes sensorielles et motrices Le colliculus supérieur intègre les informations visuelles et les transforme en réponses motrices ; il joue donc un rôle prépondérant dans l’intégration sensori-motrice liée au déclenchement des saccades. Non seulement il reçoit des afférences des autres aires liées à la production des saccades, ainsi que d’autres aires corticales impliquées entre autre dans le traitement des informations visuelles, mais il projette également sur les aires motrices du tronc cérébral, où se trouvent les générateurs saccadiques. Le colliculus supérieur possède une structure stratifiée. Chacune des différentes couches fournit des informations dans le but de produire les mouvements appropriés. La couche superficielle du colliculus supérieur reçoit des afférences provenant des axones des neurones de la rétine, formant ainsi une carte topographique. Chaque site va être activé par la présence d’un stimulus dans une région précise du champ visuel. En revanche, les neurones se trouvant dans les couches plus profondes, les couches « motrices » vont générer des bouffées d’activité qui vont commander l’exécution d’une saccade. Ainsi, l’activation des différents sites de la carte motrice génère des vecteurs de saccade différents en fonction de la position des stimuli sur la carte sensorielle (Figure 2.13). Les cartes visuelles et motrices au sein du colliculus supérieur sont donc composées de cellules répondant à un stimulus précis dans une région spécifique du champ visuel.Comme nous venons de le voir, le colliculus supérieur est composé de différentes couches ; il envoie des commandes aux générateurs saccadiques ou neurones pré-moteurs afin de réguler la commande motrice. On distingue principalement les couches superficielles, les couches profondes ainsi que les couches intermédiaires. Les couches superficielles sont purement visuelles et reçoivent des afférences directement de la rétine ou indirectement via le cortex visuel. Les neurones situés au niveau de la partie rostrale répondent à des stimuli visuels proches de la fovéa. A l’inverse, les neurones situés dans la partie caudale sont activés par des stimuli plus périphériques. Ces couches projettent vers les couches sensori-motrices profondes (Hall & Lee, 1997 ; pour une revue, Sparks & Hartwich-Young, 1989) Les couches profondes jouent un rôle principalement dans l’orientation du regard, non seulement lorsque la tête est fixe, mais également lorsque l’on doit réaliser des mouvements coordonnés de la tête et des yeux. Au niveau de la partie caudale du colliculus supérieur, les neurones codent pour des saccades de grande amplitude, tandis que dans la partie rostrale, ils codent pour des saccades de faible amplitude. Chaque neurone code donc pour une orientation limitée dans le champ visuel. Concernant les saccades verticales, il a été observé que ce sont les neurones se trouvant principalement sur les axes médians et latéraux (selon si elles déplacent les yeux vers le haut ou vers le bas, respectivement) qui déchargeraient. D’après Robinson (1972), leur exécution nécessiterait l’activation coopératrice des neurones des deux colliculi, l’un codant pour les saccades dans l’hémichamp droit et l’autre codant pour les saccades dans l’hémichamp opposé. Les couches intermédiaires du colliculus supérieur reçoivent de nombreuses afférences de la part de différentes régions, c’est en cela que l’on qualifie le colliculus supérieur de structure intégrative. Les couches intermédiaires du colliculus supérieur reçoivent des afférences provenant du cortex pariétal latéral ainsi que du cortex frontal, notamment des champs oculomoteurs frontaux, du cortex préfrontal dorsolatéral et des champs oculomoteurs supplémentaires ; elles reçoivent aussi des afférences en provenance des ganglions de la base. Les projections efférentes sont en direction de la formation réticulée, le thalamus ainsi que vers le cervelet (pour une revue voir Munoz & Everling, 2004). Les couches intermédiaires du colliculus supérieur contiennent des neurones de projection, appelés «neurones tectoréticulo-spinaux» qui se projettent vers la formation réticulée et qui sont des neurones importants dans la production des mouvements d’orientation des yeux ainsi que de la tête. Une partie de ces neurones décharge une bouffée d’activité avant et pendant la saccade. Ces neurones tecto-réticulo-spinaux se projettent directement sur les neurones excitateurs 27 phasiques, ainsi que sur les neurones impliqués dans la production de la saccade. La décharge des neurones tecto-réticulo-spinaux code pour une variable dynamique qui est en relation avec ce que l’on appelle l’erreur motrice, c’est à dire la différence entre la position de l’œil à un moment donné et celle qu’il doit atteindre pour diriger la fovéa vers le stimulus cible. Chacun de ces neurones code pour une direction donnée de la saccade. Ainsi une saccade horizontale est produite par les neurones tecto-réticulo-spinaux qui se projettent seulement sur les neurones du générateur horizontal dans le tronc cérébral. Une saccade verticale est produite par les neurones tecto-réticulo-spinaux qui se projettent seulement vers le générateur vertical dans le mésencéphale. Une saccade oblique est produite par les neurones tecto-réticulospinaux dont l’axone se partage vers les deux générateurs. 

Les différentes catégories de neurones

Les couches motrices profondes et intermédiaires contiennent des neurones, qui vont tout d’abord coder l’information visuelle reçue pour ensuite déclencher la commande motrice. Selon Munoz et Wurtz (1993a, 1995a), ces populations neuronales sont au nombre de trois: les neurones de fixation, les neurones de type « burst » et les neurones de type « buildup ». Ces neurones ont supposément des fonctions motrices distinctes, bien que l’existence de neurones codant spécifiquement pour la fixation est discutée comme nous le verrons cidessous. Les neurones liés à la programmation d’une saccade sont de deux types: les neurones burst et les neurones buildup. Les neurones « burst » ont été uniquement identifiés chez le primate non humain. Ces neurones ont un taux de décharge très lent durant les fixations et présentent des pics d’activité juste avant le déclenchement d’une saccade. Ce seraient des cellules de mouvement dont la particularité serait de décharger juste avant une saccade vers un stimulus visuel. Les neurones de type buildup montrent quant à eux une phase de décharge entre le moment où la cible visuelle apparaît et le moment où la saccade est générée. Ces neurones sont appelés buildup car ils montrent une lente augmentation de leur activité avant la saccade. Les neurones de type buildup seraient localisés dans des couches plus profondes du colliculus supérieur que les cellules de type burst. Selon Munoz et ses collaborateurs (Munoz & Wurtz, 1992; Munoz & Wurtz, 1993a, 1993b) les neurones de fixation se trouveraient dans la partie rostrale du colliculus supérieur. Ces auteurs ont par ailleurs proposé le terme de «centre de fixation », qui décrirait 28 la fonction de la région rostrale du colliculus supérieur que ce soit chez le chat ou chez le primate non humain. En effet, chez le primate non humain, il a été observé que ces cellules appartenant à la zone rostrale du colliculus supérieur seraient actives lorsque l’animal fixe un point dans l’espace et inactives durant les saccades (Munoz & Wurtz, 1992). L’injection d’un agoniste du GABA, le muscimol, dans cette région supprime l’activité neuronale, conduisant à des difficultés dans le maintien de la fixation et à une réduction de la latence des saccades vers une cible visuelle. Inversement, l’injection de bicuculline, un antagoniste du GABA, dans cette même région provoque l’effet inverse, soit la prolongation de la fixation et l’augmentation de la latence des saccades. Munoz et Wurtz (1993a-b) suggèrent qu’il y a une relation de type « push-pull » entre les cellules situées dans la région du pôle rostral et les cellules situées dans le reste des couches profondes du colliculus supérieur. Leur hypothèse est que l’activation des cellules de fixation serait nécessaire pour maintenir la fixation visuelle et qu’un désengagement de l’activité de ces cellules serait une condition préalable pour la production d’une saccade (Figure 2.14). Une question encore non résolue est la taille de cette « zone de fixation ». Comme décrit par Munoz et Wurtz (1992), elle sous-tendrait environ 2 degrés au centre du champ visuel. Toutefois, d’autres travaux ont rapporté que des cellules avec des propriétés semblables à celles des neurones de fixation pouvaient être observées dans une plus vaste région du colliculus supérieur, celle-ci s’étendant sur environ 10 degrés du champ visuel (Gandhi & Keller, 1997). Cette inhibition de la production de saccades par les neurones de fixation se ferait via des projections excitatrices sur les neurones omnipauses du générateur saccadique (voir Section 2.2.3.1 ; Pare & Guitton, 1994) et des projections inhibitrices sur les neurones pré-moteurs (EBNs et IBNs) du tronc cérébral.  

Table des matières

Chapitre 1
Introduction – Cadre Théorique
1. Préambule à l’étude sur la vision active
2. Les systèmes visuels et oculomoteurs
2.1 Anatomie et propriétés du système visuel
2.1.1 L’œil
2.1.2 Les voies ascendantes : De la rétine au cerveau
2.1.3 Le cortex visuel primaire (V1) et au-delà
2.2 Anatomie et propriétés du système oculomoteur : le système saccadique
2.2.1. Généralités sur le système oculomoteur
2.2.2. Les saccades: Propriétés et dynamique
2.2.3. Les régions corticales et sous-corticales impliquées
2.2.3.1. La commande motrice : Du colliculus supérieur aux motoneurones
2.2.3.2. Le colliculus supérieur
2.2.3.3. Aires supérieures et projections vers le colliculus supérieur.
3. Les propriétés des saccades : données comportementales
3.1 Visée d’une cible isolée
3.1.1. La métrique des saccades
3.1.1.1. Effets des facteurs visuels
3.1.1.2 Effets des facteurs endogènes
3.1.2 La latence des saccades
3.1.2.1 Effet des facteurs visuels
3.1.2.2 L’effet du « gap » et des « offset / onset » visuels
3.1.2.3 Effet des facteurs endogènes
3.1.2.4 Planification motrice anticipée dans des séquences de saccades
3.2 Visée d’une cible en contexte visuel
3.2.1 La métrique des saccades
3.2.1.1 L’effet global sur la précision des saccades
3.2.1.2 L’effet des distracteurs sur la trajectoire des saccades
3.2.2 La latence des saccades.
3.2.2.1. L’effet des distracteurs éloignés sur la latence des saccades.
3.2.2.2. L’effet des distracteurs éloignés : Facteurs temporels et visuels.
3.2.2.3. L’effet des distracteurs éloignés : Facteurs endogènes
4. Les modèles de la génération saccadique
4.1 La métrique des saccades
4.1.1. Mécanismes sous-jacents à l’intégration spatiale
4.1.1.1. Interactions latérales
4.1.1.2. Codage par population (sans interactions latérales)
4.1.2. Modulation endogène de l’activité colliculaire
4.2 La latence des saccades
4.2.1 Compétition Fixation/Mouvement (Findlay & Walker, 1999)
4.2.2 Interactions latérales
4.2.2.1. Les modèles de Trappenberg et al. (2001) et Meeter et al. (2010)
4.2.2.2. Le modèle de Wilimzig et al. (2006)
5. Problématique
5.1 Connaissances actuelles et questions en suspend
5.1.1. Métrique des saccades
5.1.1.1. L’effet global reflète le codage spatial au sein du colliculus supérieur
5.1.1.2. L’effet global : Un rôle des interactions latérales ?
5.1.1.3. L’effet global peut-il aussi refléter des stratégies visuelles ?
5.1.2. Latence des saccades
5.1.2.1. L’effet des distracteurs éloignés : Distance ou excentricité relative ?
5.1.2.2. L’effet des distracteurs proches : Un effet facilitateur ?
5.1.2.3. Autres éléments en faveur de l’hypothèse de fixation
5.2 Objectifs de la thèse
5.2.1. Buts et approche
5.2.2. Présentation des recherches menées et de leurs objectifs
5.2.2.1. Projet N°1 : L’effet des distracteurs proches et éloignés
5.2.2.2. Projet N°2 : Cartographie des champs d’intégration spatiale
5.2.2.3 Projet N°3 : L’intégration spatiale au travers des hémichamps et le rôle des stratégies visuelle
Chapitre 2 : L’effet des distracteurs proches et éloignés sur les caractéristiques des saccades :Remise en question du modèle des interactions latérales.
Chapitre 3 : Cartographie des champs d’intégration spatiale et de leur image au niveau du colliculus supérieur chez l’homme
Chapitre 4 Les limitations de l’intégration spatiale entre les hémichamps visuels et le rôle des stratégies visuelles
Chapitre 5. Discussion générale
1. Cadre général de la thèse
1.1 Rappel du contexte théorique et empirique
1.1.1 La métrique des saccades
1.1.2 La latence des saccades
1.2 Rappel de la problématique et des objectifs
2. Résultats et Discussion.
2.1. La métrique des saccades : L’effet global
2.1.1. Rôle et propriétés des mécanismes d’intégration spatiale
2.1.1.1. Cartographie et caractéristiques des champs d’intégration spatiale
2.1.1.2. Image des champs d’intégration spatiale sur la carte oculomotrice
2.1.1.3. Discussion : L’effet global, un phénomène d’intégration spatiale
2.1.2. Rôle des stratégies visuelles.
2.1.2.1. L’effet global peut aussi refléter des stratégies visuelles
2.1.2.2. L’effet global n’est pas seulement le reflet de stratégies visuelles
2.1.3. Conclusion
2.2. La latence des saccades : L’effet des distracteurs proches et éloignés
2.2.1. Rôle prédominant de l’excentricité des stimuli
2.2.1.1. Distracteur controlateral (ou éloigné)
2.2.1.2. Distracteur ipsilateral (proches et éloignés)
2.2.1.3. D’autres résultats critiques
2.2.2. Favoriser l’hypothèse d’un système de fixation
2.2.2.1. Le rôle limité des interactions latérales
2.2.2.2. Système de fixation ou compétition de buts ?
3. Conclusion et perspectives
Bibliographie

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