Etude et validation d’un spectromètre gamma pour la mesure de la composition chimique des surfaces planétaires

Etude et validation d’un spectromètre gamma pour la mesure de la composition chimique des surfaces
planétaires

Interaction du rayonnement gamma avec la matière 

Lorsqu’ils traversent la matière, les photons γ peuvent subir diérents types d’interactions en fonction de leur énergie et du milieu en présence (densité, type d’atome, etc.) : l’eet photoélectrique, la production de paires électron-positron, la diusion Compton (dite aussi inélastique ou incohérente), la diusion Rayleigh (dite aussi élastique ou cohérente), la photodésintégration ou encore la diusion nucléaire résonante (ou eet Mössbauer ). Parmi ces processus, seuls les trois premiers sont signicatifs et décrits ci-dessous. L’eet photoélectrique Dans une collision photoélectrique, le photon incident cède totalement son énergie Eγ à un électron fortement lié de l’atome cible. Le photoélectron est éjecté avec une énergie cinétique Ee = Eγ − Le (1.1) Où Le est l’énergie de liaison de l’électron dans l’atome. Le niveau d’énergie vacant (généralement dans une couche K ou L) est alors rempli à partir de niveaux supérieurs via des transitions (émissions X caractéristiques ou électrons d’Auger). La section ecace de cette interaction dépend du numéro atomique de la cible (c’est-à-dire de la taille du nuage électronique) et de l’énergie du photon incident : σEP = C · Z 4 E3 γ (où C est une constante) (1.2) L’eet photoélectrique est prépondérant pour les rayons γ de basse énergie (E≤ 0.2 MeV). a) Effet photoélectrique b) Diffusion Compton c) Production de paire Photon γ incident électron éjecté Photon γ incident électron positron β+ Photon γ incident électron éjecté θ φ Photon γ diffusé Fig. 1.4: Principales interactions des photons γ avec la matière. 23 Chapitre 1 La spectroscopie de rayonnement gamma : principe et utilisation en planétologie La diusion Compton Il s’agit de l’interaction d’un photon d’énergie Eγ avec un électron libre ou peu lié (énergie de liaison Le  Eγ). L’interaction, bien qu’inélastique au sens strict, peut être décrite comme une collision élastique (gure 1.4 b), où l’électron recule avec une énergie cinétique Ee et le photon gamma est diusé avec une énergie E 0 γ . Les deux grandeurs E 0 γ et Ee = Eγ − E 0 γ peuvent se calculer par les relations de conservation : E 0 γ = Eγ 1 + Eγ me·c 2 (1 − cos θ) (1.3) Où me est la masse au repos de l’électron (me · c 2 = 511 keV) et θ l’angle de diusion du photon gamma, mesuré par rapport à sa direction d’incidence. La probabilité pour un photon de subir une diusion Compton augmente linéairement avec le nombre Z d’électrons disponibles par atome cible. La production de paire Dans un champ électrique comme celui d’un noyau atomique, un photon gamma peut être totalement absorbé et son énergie partiellement réémise sous forme d’une paire électronpositron. Cette conversion requiert que l’énergie Eγ du photon incident soit supérieure au seuil de 2 · me · c 2 = 1022 keV. L’énergie résiduelle Eγ − 1022 keV se retrouve sous forme d’énergie cinétique répartie entre les deux particules. La section ecace de ce processus σP P augmente proportionnellement avec le carré du nombre atomique Z et avec l’énergie Eγ du photon incident. Section ecace d’interaction et coecient d’atténuation La probabilité pour un photon incident de déposer partiellement ou totalement son énergie dans la matière par un processus donné peut être exprimée par une section ecace atomique exprimée en cm2 ou en barns. La probabilité totale σ pour qu’un photon d’énergie donnée soit absorbé par un atome peut être exprimée par la somme des sections ecaces σEP , σDC et σP P dénies pour chaque processus d’interaction (respectivement l’eet photoélectrique, la diusion Compton et la production de paire) : σ = σEP + σDC + σP P (1.4) La probabilité d’interaction du photon peut aussi être exprimée macroscopiquement par le coecient d’atténuation linéaire, µ (en cm−1 ), produit de la section ecace par la densité atomique na (en cm−3 ) : µ = σ · na = σ · ρ · NA Mmol (avec de même µ = µEP + µDC + µP P ) (1.5) Où ρ et Mmol sont la masse volumique et la masse molaire du matériau considéré et NA le Nombre d’Avogadro. 24 La spectroscopie de rayonnement gamma : principe et utilisation en planétologie Chapitre 1 Notons qu’il est également pratique de dénir un coecient d’atténuation massique µ 0 = µ/ρ exprimé en cm2/g. La gure 1.5 illustre le détail des principales contributions dans le coecient d’atténuation massique des photons γ dans le cas du germanium. Energie du photon gamma [MeV] Coefficient d’atténuation [cm²/g] Diffusion Compton (ou inélastique) Diffusion de Rayleigh (ou élastique) Effet photoélectrique Production de paire (noyau atomique) Production de paire (électrons) Total Fig. 1.5: Atténuation des photons γ dans le germanium (source : www.physics.nist.gov). Considérant un faisceau parallèle de photons incidents sur un matériau d’épaisseur x (en mm), la relation entre le ux transmis et le ux incident est une simple loi d’atténuation exponentielle : I(x) = I0 · e −µ·x (1.6) On appelle longueur d’atténuation, notée x1/2 (E) (en cm), l’épaisseur de matériau telle que le ux de photons transmis est divisé par deux par rapport au ux incident : x1/2 = ln 2 µ = 0.693 µ (1.7) D’après cette relation, la longueur d’atténuation dans le germanium est de 0.4 mm à 50 keV et de 4 cm à 8 MeV. Ainsi, pour pouvoir détecter avec une statistique raisonnable des photons γ ayant une énergie de plusieurs MeV, un détecteur à base de germanium devra avoir typiquement une épaisseur de plusieurs centimètres. Dans le cas d’un milieu contenant plusieurs éléments chimiques ayant une distribution homogène, le coecient d’atténuation total est la somme des coecients µi des diérents éléments : µ = X i µi et µ 0 = X i wi · µ 0 i (avec wi = ρi ρ ) (1.8) 25 Chapitre 1 La spectroscopie de rayonnement gamma : principe et utilisation en planétologie 

 Fonctionnement des spectromètres gamma

 Le principe de la détection d’un photon gamma repose sur la mesure de l’énergie qu’il a cédée (partiellement ou totalement) au matériau sensible via un des mécanismes d’ionisation considérés précédemment. Cette section présente les deux principaux types de détecteurs utilisés en spectroscopie gamma dans le domaine d’énergie de 100 keV à 10 MeV : les scintillateurs et les semi-conducteurs. Un aperçu général est également donné de la chaîne électronique permettant de traiter le signal, de l’impulsion électrique générée dans la partie sensible à l’acquisition du spectre gamma. 

 Les semi-conducteurs 

Dans un solide cristallin, les électrons ne peuvent occuper que des niveaux d’énergie situés à l’intérieur de bandes permises comme les bandes de valence et de conduction. Par dénition, le passage des électrons de la bande de valence à celle de conduction est systématique pour un conducteur et impossible pour un isolant ; dans le cas intermédiaire, dit semi-conducteur, cette transition n’a lieu que suite à une excitation (agitation thermique ou particule ionisante). L’écart entre bandes de valence et de conduction, noté Eg, est typiquement de l’ordre de l’électronvolt pour un semi-conducteur. Bande de conduction Bande de valence Photon γ Energie électronique Photon γ a) Structure des bandes b) Principe de détection + – Haute tension trous électrons Cristal semi-conducteur Dopage p+ de type n Fig. 1.6: Principe du semi-conducteur : structure des bandes et fonctionnement. Si un champ électrique est appliqué dans le semi-conducteur, les électrons présents dans la bande de conduction (et les trous correspondants dans la bande de valence) deviennent mobiles et créent un courant. Le dépôt d’une quantité d’énergie Eγ par un rayonnement ionisant peut se traduire par la création d’un nombre proportionnel de paires électronstrous : Neh = Eγ Weh (1.9) La spectroscopie de rayonnement gamma : principe et utilisation en planétologie Chapitre 1 Où Weh est l’énergie nécessaire pour créer une paire électron-trou. An de drainer les porteurs de charge jusqu’aux bornes du semi-conducteur (électrodes de collecte) sans recombinaison, il est nécessaire de former une zone désertée de tout porteur libre. Ce type de zone, dite zone de déplétion, est obtenue avec les semi-conducteurs par une polarisation inverse des jonctions PN ou PIN. Le tableau 1.3 liste les principales propriétés des semi-conducteurs les plus couramment utilisés. Parmi ceux-ci, le germanium possède la bande interdite la plus étroite et permet de créer le plus grand nombre de porteurs de charge pour un dépôt d’énergie donné, minimisant ainsi la uctuation statistique dans la mesure. Par ailleurs, seul le germanium peut être utilisé avec des volumes importants (plusieurs dizaines de cm3 ). Sa densité et son nombre atomique élevés en font le semi-conducteur le plus approprié pour la détection des rayonnements ionisants dans une plage d’énergie allant de la dizaine de keV à la dizaine de MeV. Notons que les semi-conducteurs composés comme CdTe, CdZnTe ou AsGa sont utilisés plus spéciquement pour la détection de rayonnement X de haute énergie (ou gamma de basse énergie).

Les scintillateurs

 La scintillation est un phénomène de uorescence consistant en l’émission prompte ou retardée de photons visibles (voire infrarouges ou ultraviolets) dans un matériau excité par un photon gamma ou une particule énergétique. Les matériaux scintillateurs sont généralement séparés en deux catégories : les scintillateurs organiques (sous forme cristalline, plastique ou en solution liquide) et les scintillateurs inorganiques utilisés sous forme de monocristaux. Les premiers, caractérisés par une réponse très rapide, sont généralement utilisés pour la spectroscopie β et la détection de neutrons tandis que les seconds, possédant un rendement lumineux élevé et une meilleure ecacité (densité et nombre atomique Z élevés), sont préférés pour la spectroscopie gamma. Bande de conduction Bande de valence Photon visible ou UV Photon γ Niveau de recombinaison Niveau de recombinaison Energie électronique Photon γ Photons visibles ou UV eSignal électrique Cristal scintillateur Tube photomultiplicateur Photocathode Dynodes Anode Revêtement opaque et réfléchissant a) Structure des bandes b) Principe de détection Photoélectron Electrons secondaires Fig. 1.8: Principe du scintillateur : structure des bandes et fonctionnement. Tout comme pour les semi-conducteurs, la théorie des bandes des solides cristallins peut être utilisée pour expliquer la scintillation des cristaux inorganiques (gure 1.8). L’absorption d’un photon gamma génère un électron primaire très énergétique et une vacance dans une couche profonde de la structure électronique. La présence dans le cristal d’une espèce dite luminescente introduit des niveaux d’énergie dans la bande interdite qui permettent la désexcitation par l’émission de photons visibles ou ultraviolets. Notons que l’espèce luminescente est généralement un ion dopant dans le cristal (scintillateur extrinsèque) comme dans le cas du NaI:Tl ou, plus rarement, un constituant du cristal (scintillateur intrinsèque ou auto-activé) comme dans le cas du BGO. 

Table des matières

Avant-propos
Table des matières
Introduction
1 La spectroscopie de rayonnement gamma : principe et utilisation en planétologie
1.1 Le rayonnement gamma et la spectroscopie gamma
1.1.1 Le rayonnement gamma
1.1.2 La spectroscopie gamma : principe et applications.
1.1.3 La spectroscopie gamma dans l’espace
1.2 Interaction du rayonnement gamma avec la matière
1.3 Fonctionnement des spectromètres gamma
1.3.1 Les semi-conducteurs
1.3.2 Les scintillateurs
1.3.3 Chaîne de mesure : du photon détecté au signal numérique
1.4 Caractérisation des performances d’un spectromètre
1.4.1 Réponse d’un détecteur à une source ponctuelle mono-énergétique
1.4.2 Efficacité de détection
1.4.3 Résolution en énergie
1.4.4 Rapport signal/bruit et notion de sensibilité
1.5 Emission de rayonnement γ d’une surface planétaire
1.5.1 Processus d’émission gamma dans un sol planétaire
1.5.2 Transport des photons gamma dans un sol planétaire
1.6 Détection en orbite du rayonnement gamma planétaire
1.6.1 Flux transmis de la surface planétaire au détecteur
1.6.2 Résolution spatiale et cartographie
1.6.3 Contribution des sources parasites dans le spectre
2 Etude d’un instrument de spectroscopie gamma dans le cadre d’une mission vers Mercure
2.1 L’exploration de Mercure : enjeux et missions à venir
2.1.1 Les enjeux scientifiques dans l’exploration de Mercure
2.1.2 Les futures missions d’exploration de Mercure
2.1.3 Objectifs scientifiques de la spectroscopie gamma
2.2 Comparaison des instruments MESSENGER/GRS, Bepi-Colombo/MGNS et MANGA
2.2.1 Comparaison des orbites autour de Mercure
2.2.2 Précision des mesures
2.2.3 Spectres synthétiques
2.3 Le projet MANGA
2.3.1 Contexte et évolution du projet
2.3.2 Présentation de l’instrument
2.3.3 Description du spectromètre gamma
2.4 Performances du spectromètre MANGA/GSH
2.4.1 Généralités sur les spectromètres à base de germanium
2.4.2 Analyse de l’efficacité de détection de MANGA/GSH
2.4.3 Champ électrique et déplétion dans un cristal HPGe coaxial
2.4.4 Résolution en énergie
2.4.5 Facteurs altérant la performance des détecteurs HPGe
2.5 Conclusion
3 Etude des dommages radiatifs dans les détecteurs de germanium
3.1 Interaction des radiations avec la matière
3.1.1 Interaction des particules chargées avec la matière
3.1.2 Interaction des neutrons avec la matière
3.2 Les dommages radiatifs et leurs effets dans les détecteurs de germanium
3.2.1 Sources de dommages radiatifs dans l’espace .
3.2.2 Mécanismes de dommage dans les semi-conducteurs
3.2.3 Synthèse des études sur la dégradation des détecteurs HPGe
3.3 Caractéristiques des protons solaires .
3.3.1 Prédiction de la uence de protons solaires pour Bepi-Colombo
3.4 Tests d’irradiation
3.4.1 Conditions de test
3.4.2 Irradiations et recuits du détecteur 1
3.4.3 Irradiations et recuits du détecteur 2
3.4.4 Suivi de l’activation
3.5 Interprétation des résultats
3.5.1 Analyse de la perte d’efficacité
3.5.2 Prédiction de la dégradation des détecteurs HPGe en vol
3.6 Conclusion
3.6.1 Synthèse des études réalisées
3.6.2 Evaluation de la dégradation et scénario de recuit pour l’instrument MANGA
4 Etude du contrôle thermique cryogénique du détecteur HPGe
4.1 Refroidissement des détecteurs HPGe dans l’espace
4.2 Principes de la modélisation thermique des instruments spatiaux
4.2.1 Le découpage en noeuds thermiques
4.2.2 Echanges radiatifs
4.2.3 Echanges conductifs
4.2.4 Les apports et pertes de chaleur
4.2.5 Etablissement du modèle thermique et résolution des équations
4.3 Concept de refroidissement retenu pour la tête de détection gamma de l’instrument MANGA
4.3.1 Choix de la machine cryogénique
4.3.2 Modèle thermique simple de l’instrument
4.4 Tests réalisés sur la maquette thermique
4.4.1 Description de la maquette
4.4.2 Principaux résultats des tests effectués
4.5 Modèle numérique détaillé et comparaison avec les mesures expérimentales
4.6 Bilans thermiques pour l’instrument MANGA
4.7 Conclusion
Conclusion générale
Bibliographie
Liste des figures
Liste des tableaux
Liste des publications
Annexes
A Raies d’émission gamma
A.1 Sources de calibration utilisées en laboratoire
A.2 Principales raies de radioactivité naturelle
A.3 Raies de diffusion inélastique et de capture à la surface de Mercure
B Simulations Monte-Carlo du transport des particules dans la matière
B.1 Présentation de l’outil de simulation Geant4
B.2 Architecture générale du code utilisé
B.2.1 Simulation de l’efficacité de détection du spectromètre MANGA/GSH9
C Analyse de la résolution spectrale d’un détecteur à scintillation
D Conditions et résultats des tests d’irradiation (compléments)
D.1 Campagne 1 – détecteur 1
D.2 Campagne 2 – détecteur 1
D.3 Campagne 2 – détecteur 2
E Publication principale
Abstract (résumé en anglais)

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