Etude expérimentale de la cinétique et des mécanismes d’altération de minéraux apatitiques
Le modèle de la double couche
Stern en 1924 a apporté des modifications au modèle de la couche diffuse en décomposant l’interface solide-solution en deux parties (figure 6-c) : – la première partie est une couche dite compacte (couche de Stern) d’épaisseur d, matérialisant la distance minimum d’approche des ions hydratés ou non. Cette couche est donc exempte d’ions et peut être identifiée à un condensateur plan de capacité constante. – la deuxième partie de l’interface est constituée par la couche diffuse, dont les caractéristiques sont les mêmes que dans le modèle de la couche diffuse. Le plan séparant la couche compacte de la couche diffuse est appelé plan de Stern. Cependant, les ions de la couche de Stern ne sont pas tous équivalents : certains sont directement liés à la surface par des liaisons chimiques (ils sont chimisorbés), d’autres sont simplement physisorbés. Cette considération a conduit Grahame à subdiviser la couche de Stern de manière à distinguer les ions sorbés dans le plan de surface des ions sorbés dans un plan plus externe (ces derniers ayant gardé leur sphère d’hydratation).
Le modèle de la triple couche
Ce modèle postule donc l’existence de trois plans dans la région interfaciale (figure 6-d) : – le premier correspond à une couche où seuls les ions présentant une interaction forte avec la surface (ions spécifiquement adsorbés) peuvent se loger, en perdant partiellement ou totalement leur sphère d’hydratation. Les complexes ainsi formés, appelés complexe de sphère interne possèdent une énergie de liaison importante. Ce plan peut être défini comme un condensateur plan où les ions déterminent la charge σ0 et sont soumis au potentiel ψ0. – le deuxième plan comprend, comme la couche de Stern, les ions hydratés retenus par les forces électrostatiques. Ces ions, présentant une affinité plus faible pour la surface que les ions spécifiquement sorbés, forment des complexes sphère externe. Du point de vue électrique, cette couche se comporte comme un deuxième condensateur de capacité constante, les ions positionnés déterminent la charge σ1 et subissent le potentiel ψ1. – un troisième plan noté d, délimite la partie de la couche diffuse la plus proche de la surface. Il correspond à la distance maximale d’approche des contre-ions. Les ions positionnés dans ce plan sont soumis au potentiel ψd et à la charge σd. La condition de l’électroneutralité du système impose la relation suivante : σ0 + σ1 + σd = 0 (71). Les différents modèles de complexation de surface sont illustrés ci après.
CONCLUSION : RELATIONS ENTRE CINETIQUE DE DISSOLUTION ET SPECIATION DE SURFACE
Suivant l’hypothèse de base de la Théorie de l’Etat Transitoire, lors de la réaction chimique qui se produit à la surface d’un solide, les réactifs doivent passer par un maximum d’énergie libre (complexe activé) avant d’être transformés en produits. Le processus de dissolution est contrôlé par des réactions de décomposition à la surface du solide. La cinétique d’adsorption des réactifs étant en général grande devant la cinétique de décomposition du complexe activé, cette dernière étape contrôle la vitesse de dissolution loin de l’équilibre. Dès lors, la théorie de l’état transitoire fournit un cadre pour l’étude des interactions minéral/solution (dissolution et recristallisation) à condition de pouvoir déterminer la nature du complexe activé. Or Stumm et Furrer, 1987 ; Wieland et al., 1988 et Schott, 1990 ont montré que le complexe activé, ou son précurseur qui est en équilibre avec lui, pouvaient être caractérisés si on connaissait la spéciation surfacique du solide. La chimie de coordination apparaît alors comme l’outil complémentaire à la TST idéal puisqu’elle permet de calculer la distribution des espèces en surface à partir des constantes intrinsèques de (dé)protonation des groupements hydroxyles surfaciques, des constantes de complexation des différents sites surfaciques par les ions du solvant et des potentiels de surface. La dissolution des oxydes complexes est constituée d’une succession de réactions d’échange métal/protons. L’espèce surfacique formée par la dernière protonation est le précurseur du complexe activé. Stumm a proposé que la probabilité de trouver une espèce surfacique complexée avec nH+ où n représente l’ordre de la réaction est proportionnelle à la concentration surfacique des protons à la puissance n. De ce fait, la concentration du complexe activé est proportionnelle à la concentration surfacique en H+ ou OH- à la puissance n. La vitesse de dissolution catalysée par les protons H + r s’exprime donc de la façon suivante : ( )n S H H C H r = k + (72) avec H k la constante de vitesse et ( ) S C H la concentration surfacique en H+. Si n est entier dans le cas d’un oxyde simple, il peut être fractionnaire dans le cas d’un oxyde complexe puisque plusieurs types de cations centraux sont impliqués dans le processus de (dé)protonation. La chimie de coordination permet ainsi de relier la cinétique de dissolution à la spéciation surfacique des solides qui est interprétée selon les concepts de la double couche électrique entourant les solides aqueux. Les modèles de complexation de surface ont permis de reproduire avec succès les résultats expérimentaux obtenus par titrages et mesures potentiométriques en particulier sur les oxydes (Furrer et Stumm, 1986 ; Wieland et al., 1988 ), les silicates (Guy et Schott, 1989 ; Cadoré, 1995 ; Pokrovsky et Schott, 2000 a et b) et des carbonates (Pokrovsky et al., 1999 ; Pokrovsky et Schott, 1999).
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