Etude expérimentale du fonctionnment cavitant d’une pompe lors de séquences de démarrage rapide

Depuis une vingtaine d’années, le Centre National d’Etudes Spatiales (C.N.E.S.) et la Société Nationale d’Etude et de Construction des Moteurs d’Avion (S.N.E.C.M.A.), deux acteurs incontournables de l’activité spatiale française et européenne, portent une attention particulière au fonctionnement des pompes lors de démarrages rapides. L’étude de tels fonctionnements a été confiée à l’équipe E.N.S.A.M. du Laboratoire de Mécanique de Lille (L.M.L). Ce dernier a acquis une expérience reconnue en la matière avec notamment la réalisation de trois thèses successives, Ghelici [11], Picavet [15], Bolpaire [1] ainsi que du post-doctorat de Dazin [5, 6]. Ce mémoire de doctorat s’inscrit pleinement dans la continuité de ces travaux. L’aspect novateur de cette nouvelle étude réside dans la prise en compte supplémentaire du phénomène de cavitation, qui peut se produire sous certaines conditions lors de la phase transitoire d’un démarrage rapide. Ce phénomène nuit aux performances hydrauliques (et structurales) de la pompe en provoquant des fluctuations de débits et de pressions pouvant aboutir à son désamorçage. L’objectif général consiste à caractériser le phénomène afin de mieux en contrôler les effets .

LES DEMARRAGES RAPIDES DE POMPES

Les démarrages rapides de turbopompes constituent une problématique principalement rencontrée dans le secteur spatial. Le moteur Vulcain par exemple, qui assure la propulsion de l’étage principal d’Ariane 5, est composé d’une turbopompe hydrogène (TP LH2) et d’une turbopompe oxygène (TP LOX) qui alimentent la chambre de combustion en ergols liquides. Les turbopompes sont entraînées par une turbine alimentée par des gaz de combustion créés dans un générateur de gaz, alimenté en ergols par prélèvement en sortie des pompes (cycle à flux dérivé) .

Lors du démarrage des turbopompes, le temps nécessaire pour que celles-ci atteignent leur vitesse finale de rotation (13000 tr/min pour la TP LOX et 33000 tr/min pour la TP LH2) est inférieur à deux secondes. Le caractère fortement transitoire de ce phénomène fait que les turbopompes fonctionnent éloigné de leur domaine stabilisé. Or l’allumage de la chambre de combustion intervenant durant cette phase, il est important de prédire avec précision le comportement instationnaire des pressions, des débits et des vitesses de rotation.

Avant 1990 ([19], [20]), le fonctionnement instantané hors cavitation des turbomachines était analysé à partir des caractéristiques quasi-stationnaires, ce qui est approprié pour des transitoires « lents » mais pas pour des transitoires « rapides». La première collaboration entre le CNES et le LML sur les démarrages rapides de pompes a permis d’écrire l’expression de la hauteur totale de la pompe durant un transitoire rapide en intégrant à la fois l’accélération angulaire du rotor et l’inertie du fluide (Ghélici [11]). Cette expression, basée sur l’équation de la dynamique écrite pour une particule fluide située sur une ligne de courant entre l’entrée et la sortie de la roue, constitue le premier modèle des démarrages rapides de pompes hors cavitation. Les travaux sur le banc DERAP (DEmarrages RAPides) mis en place au LML ont aussi permis la caractérisation expérimentale de l’influence de paramètres tels que la vitesse de rotation finale, l’accélération angulaire, le débit final et la longueur du circuit durant des séquences de démarrages rapides de pompes centrifuges. Un retard temporel de la montée du débit comparée à la montée en vitesse est ainsi constaté et attribué à l’inertie du fluide dans les conduites.

Dans les travaux suivants menés au LML sur les démarrages rapides hors cavitation, Picavet [15] et Bolpaire [1] ont cherché à mieux connaître l’écoulement à l’intérieur de la machine dans le cas d’un démarrage rapide. Ils ont en particulier mené des expériences pour caractériser le phénomène de recirculation. Ce phénomène, qui apparaît pour les pompes centrifuges fonctionnant à débit partiel, voit l’écoulement dans la conduite d’aspiration prendre à sa périphérie une composante axiale négative. Il est souvent accompagné de prérotation (apparition d’une composante tangentielle de vitesse en périphérie de la conduite d’aspiration). Picavet [15] et Bolpaire [1] se sont tous deux intéressés à ce phénomène en régime stationnaire et en régime transitoire. En régime stationnaire, la technique du fil de laine utilisée par Picavet [15], ainsi que des observations de microbulles ou des mesures de capteurs de pression statique en paroi utilisés par Bolpaire [1] ont montré que la recirculation apparaît pour des débits de l’ordre de 0,7 Qd et que l’étendue axiale de ce phénomène pouvait atteindre 5 fois le diamètre de la conduite pour les très bas débits (0,1 Qd). Dans le cas d’un démarrage rapide, une zone de recirculation apparaît quel que soit le débit final atteint. Ceci s’explique par le fait que la pompe passe par des points de fonctionnement à faible coefficient de débit pour lesquels l’écoulement est désadapté. Toutefois, cette zone reste d’extension très limitée par rapport au cas stationnaire. Il est probable que la courte durée du transitoire ne permet pas à ce phénomène de s’installer.

En 2005, Dazin [5] propose un modèle fonctionnel permettant de prédire l’évolution de la hauteur totale de la pompe ainsi que le couple interne au cours d’un démarrage rapide. Ce modèle, basé sur les équations de quantité de mouvement et d’énergie appliquées à une turbomachine, présente l’avantage d’être général car il permet potentiellement de prendre en compte la nature compressible ou incompressible du fluide ainsi que la géométrie de la pompe. La hauteur totale expérimentale de la pompe au cours d’un démarrage rapide hors cavitation est ainsi correctement modélisée avec un écart relatif inférieur à 5%. Ce modèle n’a pas été testé dans le cas d’un démarrage rapide en cavitation car il nécessite de caractériser préalablement le comportement de la roue en régime cavitant, ce qui n’a encore jamais été fait.

LE PHENOMENE DE CAVITATION ET SON IMPACT SUR LES DEMARRAGES RAPIDES

Une des contraintes de l’industrie spatiale est de diminuer la masse du lanceur d’une manière générale. La structure des réservoirs n’échappe pas à cette exigence, ce qui impose une pression de stockage des ergols basse. On aboutit ainsi dans le cas de la turbopompe hydrogène à une pression d’aspiration de l’ordre de 2 bar, à peine supérieure à la pression de vapeur du LH2 qui vaut 1,2 bar à 21K. La taille des turbopompes étant réduite pour des raisons d’encombrement, elles sont contraintes d’assurer des vitesses de rotation très élevées afin de fournir la surpression et le débit nécessaires à l’alimentation de la chambre à combustion. Ainsi, un temps de démarrage des turbopompes très court associé à une vitesse de rotation très élevée et une faible pressurisation des réservoirs fournissent des conditions favorables au développement de la cavitation. Par ailleurs, le moteur Vinci, destiné à remplacer le moteur HM7B pour l’étage supérieur d’Ariane 5, pourra être rallumé à plusieurs reprises en apesanteur. Or durant chaque phase de fonctionnement, les réservoirs se vident et leur pression diminue. Ainsi les conditions initiales de pression d’aspiration du démarrage suivant sont plus faibles, ce qui favorise d’autant l’apparition de cavitation.

Lorsque la pression statique d’un liquide descend en dessous de sa pression de vapeur saturante, il se vaporise : c’est le phénomène de cavitation. Il s’apparente au phénomène d’ébullition bien que la transformation thermodynamique mise en jeu soit différente. Contrairement à l’ébullition, qui est due à une augmentation de température à pression constante, la cavitation résulte d’une baisse de pression à température quasi constante .

Ainsi, un contournement d’obstacle, un rétrécissement brusque de section ou encore une aspiration de liquide par une pompe peuvent être responsables de la cavitation. Dans le cas qui nous intéresse, celui d’une pompe, la cavitation peut avoir plusieurs conséquences négatives. La présence d’une poche de vapeur attachée (figure 3) sur un aubage modifie la répartition de pression sur celui-ci, ce qui nuit aux performances globales de la pompe. Cette poche attachée peut aussi être responsable d’une désadaptation du fluide en entrée de roue, qui a pour effet d’augmenter les pertes. Suivant la taille de la poche, la section de passage du liquide dans le canal inter-aube est plus ou moins réduite et le débit fourni par la pompe peut en être affecté. La conséquence ultime peut être un blocage du débit. Dans le cas d’instabilité de cavitation, des poches de vapeur peuvent se former et disparaître à plusieurs reprises. L’implosion de poche de cavitation est un phénomène très rapide qui est souvent associé à une onde de pression de forte amplitude susceptible d’endommager les matériaux avoisinants de manière importante : c’est l’érosion de cavitation . Ce phénomène n’est pas un facteur déterminant dans le cas présent, vu les temps de fonctionnement très réduits.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
I. Les démarrages rapides de pompes
II. Le phénomène de cavitation et son impact sur les démarrages rapides
Chapitre 1 : ETUDE ANALYTIQUE DE L’ORDRE DE GRANDEUR DES TERMES INSTATIONNAIRES LIES A LA CAVITATION
Introduction
I. Présentation du cas d’étude
I.1 Caractéristiques de la roue
I.2 Conditions hydrodynamiques
II. Dynamique du fluide contenu dans la roue
II.1 Equation de couple interne
II.2 Hypothèse de masse volumique moyenne
II.3 Expression des termes instationnaires
III. Ordre de grandeur et comparaison
III.1 Terme pseudo-stationnaire
III.2 Termes instationnaires déjà pris en compte antérieurement
III.3 Importance relative des termes instationnaires directement dus à la présence de cavitation dans la roue Récapitulatif
Chapitre 2 : PRESENTATION DU DISPOSITIF EXPERIMENTAL
I. Présentation générale du banc d’essais
II. Description de la ligne d’arbre
III. Présentation de l’instrumentation
IV. Présentation de la roue centrifuge
Annexes A et B
Chapitre 3 : RESULTATS DES ESSAIS STATIONNAIRES
I. Présentation des essais stationnaires
II. Résultats des essais stationnaires hors cavitation
III. Résultats des essais stationnaires en cavitation
Conclusion des essais stationnaires
Chapitre 4 : ESSAIS DE DEMARRAGES RAPIDES
I. Rapidité de démarrage
II. Présentation des essais de démarrages rapides
III. Résultats des essais de démarrages rapides hors cavitation
IV. Résultats des essais de démarrages rapides en cavitation
IV.1 Présentation des différents types de démarrages rapides en cavitation
IV.1.1 Premier type de comportement : « Fluctuations haute fréquence »
IV.1.2 Deuxième type de comportement : « Oscillations basse fréquence »
IV.1.3 Troisième type de comportement : « Coup de bélier »
IV.2 Cartographie des différents types de démarrages rapides en cavitation
Conclusion partielle
IV.3 Analyse physique des démarrages rapides en cavitation
IV.4 Visualisations de la cavitation instationnaire
IV.4.1 Visualisation de la roue
IV.4.1.1 Cas 2 : « Fluctuations haute fréquence »
IV.4.1.2 Cas 1 : « Oscillations basse fréquence »
IV.4.1.3 Cas 1 : « Coup de bélier »
CONCLUSION GENERALE

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