Évaluation du potentiel énergétique lié à l’activité temporo-mandibulaire

Au Canada, environ 4,6 millions de personnes éprouvent une perte auditive en 2012-2013 selon Statistique Canada 2012-2013 (Feder et al. (2015)). De ce nombre, une grande partie ne peut pratiquer leurs activités quotidiennes sans avoir recours aux prothèses auditives. Ces appareils, qui ne cessent d’évoluer en fonctions, comme les connectivités BluetoothR et les filtres de réduction de bruit, consomment continuellement de l’énergie. L’alimentation énergétique de ces appareils se fait généralement par des piles de type «bouton» à usage unique pendant environ 16 heures par jour. Pour la majorité des utilisateurs, la miniaturisation de ces appareils pose problème. Le remplacement des piles est une manoeuvre qui demande dextérité et patience. De plus, ces piles, étant donnée leur faible autonomie, doivent être changées régulièrement, soit environ une fois par semaine. De même, le moment où l’utilisateur doit effectuer le remplacement n’est pas déterminé à l’avance, l’utilisateur doit toujours être prêt pour un remplacement s’il veut pouvoir continuer de percevoir le son durant une réunion importante. Les impacts environnementaux et monétaires dus au grand nombre de piles consommées et jetées, soit environ une centaine de piles par an par appareil auditif, sont aussi des enjeux pour la société actuelle et pour les personnes souffrantes de pertes auditives.

Il est donc essentiel de trouver une solution de remplacement au mode d’alimentation actuel. Qu’elle soit passive ou active, l’énergie du corps humain est une source disponible (Mateu & Moll (2005)). Par exemple, certaines montres actuellement commercialisées sont alimentées par l’énergie cinétique liée au mouvement du poignet de son utilisateur. La gamme de montres Sequent watch (https ://sequentworld.com/) en est un bon exemple. Ces montres consomment très peu d’énergie. L’énergie générée par la dynamique du poignet est alors amplement suffisante. Les appareils auditifs, quant à eux sont en constante évolution et seront amenés à consommer de moins en moins d’énergie grâce aux nouvelles technologies qui en réduisent la consommation. À terme, ils pourraient être alimentés par l’énergie du corps humain. Il existe un réel potentiel énergétique dans la région de la tête pour l’alimentation des prothèses auditives (Goll et al. (2011)). Des preuves de concept de récupérateurs d’énergie situés au niveau de la tête ont été réalisées pour recharger les piles de divers dispositifs, dont les prothèses auditives. La récupération d’énergie est le sujet principal de cette étude. Cependant, l’élargissement des connaissances en matière d’énergie disponible et de déformation du conduit auditif  est primordial à l’avancement de la recherche et à la conception de microrécupérateurs énergétique intra-auriculaire.

L’essor des technologies portables et leurs alimentations

L’arrivée sur le marché des wearables (technologie portable) est indéniable. Plus de 59.3 millions d’unités ont été vendues dans le monde en 2018 selon la Internationnal Data Corporation (Llams et al. (2019)), incluant les smartchwatches, les écouteurs intelligents et les bracelets intelligents. Certaines montres actuellement commercialisées permettent de détecter le rythme cardiaque et la pression artérielle. Ces technologies portables permettront même de contrôler nos appareils avec la pensée. Selon Pemberton Levy (2015) les wearables sont au sommet de l’engouement pour la technologie. Cinq ans séparent encore aujourd’hui et l’adoption de cette technologie par le grand public.

Beaucoup de travail est encore nécessaire avant l’intégration complète des wearables dans le marché de consommateurs. L’alimentation de ces technologies portables est l’une des causes. Les capteurs utilisés dans les wearables, bien que très peu énergivores et petits, ont pour la plupart tous la même nécessité d’être alimentés par une source de courant continu. Cependant, l’utilisation des piles pour les dispositifs connectés portatifs pose certains problèmes : l’autonomie et la portabilité. Le marché des hearables, est lui aussi, en pleine expansion avec l’arrivée par exemple des écouteurs sans-fils intelligents (Airpods, Apple, Ca, É.-U.) ou encore des appareils auditifs Bluetooth (Opn S, Oticon, Copenhagen, DK). Hunn (2016) mentionne qu’un des défis importants pour les hearables (dispositif connecté et portable porté à l’oreille) reste la technologie d’alimentation. La prothèse auditive, adoptée il y a plusieurs années possède les caractéristiques d’une technologie portable (hearable) et est soumise au même problème d’autonomie et de portatibilité.

La faiblesse des prothèses auditives : la pile bouton 

Au Canada, plus 500 000 personnes ayant une déficience auditive de modérée à grave au Canada porte des appareils auditifs (12% des personnes ayant une déficience auditive) (Feder et al. (2015)). Les fonctions principales des prothèses auditives sont d’éliminer le bruit, d’amplifier la voix et se connecter aux appareils courants. Toutes ces fonctions font en sorte que les prothèses auditives consomment beaucoup d’énergie. Il existe plusieurs types et formes de prothèses auditives. Tous ces types de prothèses auditives ont un point en communs, qu’elle soit intra auriculaire ou derrière l’oreille, ces technologies sont alimentées d’une seule façon, soit par des piles. Les piles utilisées dans les appareils auditifs sont de type boutons. Elles viennent en différents formats, mais elles sont toujours de petite taille et varient entre 5.8 x 3.6 mm à 11.6 x 5.4 mm (Victory, 2019). La densité énergétique des piles zinc-air est très grande, ce qui en fait la source la plus populaire. Paulsen et al. (2004) notent qu’environ 172 Wh sont stockés dans un litre.

L’effet négatif de leurs petites tailles se constate dans l’appréciation des utilisateurs. Comme le mentionne le sondage effectué par Kochkin (2000) la difficulté de manipuler les prothèses auditives et particulièrement les piles est une des raisons principales pour laquelle les 348 personnes sondées laissent leur prothèse auditive rangée dans un tiroir. D’autres raisons d’inutilisation mentionnées sont le coût élevé d’entretien, l’achat de nouvelles piles et la faible autonomie. Cette étude met en valeur la problématique liée aux piles des prothèses auditives. Les piles sont le moyen disponible, mais peut-être que d’autres solutions seraient plus adaptées à la clientèle. Comme mentionné précédemment, les nombreux wearables auront bientôt besoin d’une source d’énergie adéquate et les piles causeront bientôt les mêmes problèmes à ceux-ci, qu’elles causent aux prothèses auditives. De plus, l’ajustement entre le conduit auditif et l’appareil auditif est une source de problème important. L’ajustement joue un grand rôle sur le confort de l’utilisateur, mais aussi sur la qualité du signal transmis. En effet, un mauvais ajustement peut occasionner du feedback dans le signal transmis à l’utilisateur.

Comme montré avant, la durée de vie des piles dans les prothèses auditive est un des principaux points critiqués par les utilisateurs. Actuellement, les piles à usage unique sont la principale source d’énergie des prothèses auditives et durent environ de 3 à 20 jours selon l’utilisation et le modèle. Les piles de types Zinc-Air sont les plus populaires auprès des manufacturiers de prothèse auditive. Ces piles offrent un potentiel stable (1.4 V) dans un format compact et léger. Plusieurs problèmes sont liés directement à l’utilisation de ces piles. L’autonomie est l’un d’entre eux. Les manufacturiers n’offrent que très peu d’information concernant l’autonomie de leurs appareils, car elle dépend grandement de l’utilisation. Par exemple, l’augmentation du gain ou encore la communication avec d’autres appareils va grandement réduire l’autonomie de la prothèse auditive. Une norme régule la détermination de l’autonomie des prothèses auditives (ANSIS 3.22-2003) cependant, pour l’étalonnage, tous les contrôles adaptatifs de la prothèse doivent être éteints (Penteado & Bento (2013)). La norme est utile pour comparer entre eux divers modèles de prothèses auditives, mais très peu représentatives des cas réels d’utilisation. Le cycle d’utilisation journalier d’une prothèse consiste en une demande continue de puissance de 1 mW pendant 16 heures qui sont les heures où l’appareil est actif, notent Passerini et al. (2000).

Dans ce sens, Penteado & Bento (2013) ont comparé plusieurs piles provenant de différents manufacturiers afin d’évaluer le temps moyen de service suggéré par les manufacturiers et le temps de service réel des piles utilisées dans les prothèses auditives. Un temps moyen de service de 270±45 heures (11.25±1.88 jours) est mesuré alors que le temps de service proposé par les manufactures est de 290±161 heures (12.08±6.71 jours). Le temps mesuré ici est pour des conditions de laboratoire. L’autonomie décroît une fois que les fonctions sont activées et que l’environnement n’est pas contrôlé.

La pile rechargeable comme solution pour les appareils auditifs

Une solution alternative aux piles à usage unique est les piles rechargeables. Elles offrent moins de maintenance et pratiquement aucun remplacement n’est nécessaire. De plus, elles réduisent grandement les coûts. Bien que les piles rechargeables lithium-ion soient très répandues dans les produits électroniques grands publics tels que les téléphones portables et les montres intelligentes, elles ne le sont pas dans le domaine des piles boutons. Celles-ci ne représentent qu’une faible partie du marché. Leurs faibles densités d’énergie est l’une des raisons pourquoi elles ne sont pas plus communes dans le marché des piles boutons de petite taille. Cependant, Passerini et al. (2000) ont mis au point une pile d’un format compatible avec les prothèses auditives. Tous les besoins en énergie de la prothèse auditive ont été satisfaits et elle présente une densité d’énergie semblable à celle des piles zinc-air. Cette solution présente toutefois quelques problèmes. Premièrement pour recharger les piles, l’utilisateur doit inévitablement retirer les prothèses de ses oreilles. Il perd alors toute couverture par la prothèse. Deuxièmement, les piles rechargeables offrent actuellement une très faible autonomie. Environ 12 heures d’utilisation normale sont disponibles à l’utilisateur, après quoi l’utilisateur doit recharger ses appareils auditifs. Enfin, en matière d’espace, les piles rechargeables occupent encore beaucoup d’espace. Elles doivent être miniaturisées avant de pouvoir prendre la place des piles zinc-air à usage unique.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LA LITTÉRATURE
1.1 L’essor des technologies portables et leurs alimentations
1.1.1 La faiblesse des prothèses auditives : la pile bouton
1.1.2 La pile rechargeable comme solution pour les appareils auditifs
1.1.3 La pile à combustible pour alimenter les appareils auditifs
1.2 Identifications des activités humaines et évaluation du potentiel énergétique du corps humain
1.2.1 Évaluation du potentiel énergétique du corps humain
1.2.2 Méthodes de mesure de l’énergie dans la région de la tête humaine
1.2.3 Évaluation du potentiel énergétique du mouvement de l’articulation temporo-mandibulaire
1.3 La dynamique du conduit auditif comme source d’énergie
1.3.1 L’anatomie du conduit auditif
1.3.2 La déformation du conduit auditif
1.3.3 La mesure énergétique intra-auriculaire
1.3.4 Microrécupérateurs énergétiques intra-auriculaires
1.4 Conclusion de la revue de la littérature
CHAPITRE 2 IN-EAR ENERGY HARVESTING : EVALUATION OF THE POWER CAPABILITY OF THE TEMPOROMANDIBULAR JOINT
2.1 Abstract
2.2 Introduction
2.3 In-Ear power sensing device
2.4 Energy modeling of the power sensing device
2.5 Experimental measurements
2.6 Results and discussion
2.7 Conclusion
CHAPITRE 3 CARACTÉRISATION DU GISEMENT ÉNERGÉTIQUE
3.1 Introduction
3.2 Caractérisation des propriétés intrinsèques de la source
3.2.1 Caractérisation des propriétés mécaniques de la source
3.2.1.1 Variations de volume à la source
3.2.1.2 Caractérisation de la membrane déformable du bouchon
3.2.2 Évaluation énergétique de la source dynamique
3.2.2.1 Classification des signaux sonores intra-auriculaires liés à l’activité temporo-mandibulaire
3.2.2.2 Déroulement des tests représentatifs d’une journée
3.3 Résultats et discussion
3.3.1 Caractéristiques mécaniques de la source hydraulique
3.3.1.1 Variations de volume à la source
3.3.1.2 Caractéristiques de la membrane du bouchon
3.3.1.3 Puissance exploitable de la source hydraulique
3.3.2 Effet de l’activité dynamique de l’articulation temporo-mandibulaire sur la puissance générée
3.4 Discussion
3.4.1 Sources d’erreurs
3.4.2 Expérimentation
3.5 Conclusion
CONCLUSION

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