Evaluation expérimentale des performances des systèmes de ventilation dans le bâtiment

Avec près de 40 % des consommations en énergie finale, le bâtiment reste aujourd’hui le secteur le plus énergivore en France, malgré les politiques restrictives menées ces dernières années sur les consommations énergétiques. Ces tendances restrictives continuent de croitre sous l’impulsion d’une réglementation thermique de plus en plus contraignante (RT 2012, RT 2020), et de l’apparition de labels énergie carbone (effinergie, BBCA, E+C-, etc) de  plus en plus demandés par les acteurs de la chaine de décision (collectivités, aménageurs, promoteurs, maitres d’ouvrages, preneurs). D’autre part, l’intérêt grandissant pour le confort et la santé de l’occupant implique une redéfinition de la notion de performance du bâtiment qui en plus des critères habituels sur l’énergie, intègre le confort et la santé des occupants. On assiste notamment à l’émergence de nombreuses certifications environnementales telles que HQE, BREEAM ou LEED qui incluent les performances énergie-carbone et les performances liées au confort et à la santé des occupants. On distingue également des certifications exclusivement consacrées au confort et à la santé de l’occupant telle que la certification WELL.

Dans ce contexte, la ventilation dans le bâtiment représente un enjeu et un levier considérable dans la quête au confort et à la santé des occupants. Les systèmes de ventilation ont en effet pour objectif de i) garantir une bonne qualité de l’air en fournissant et distribuant efficacement l’air frais dans la zone occupée (et/ou de respiration) et en diluant (et/ou en dépolluant) les polluants émis par les sources intérieures ; et ii) garantir un confort thermique optimal en maintenant des conditions thermo hygrométriques optimales et des écoulements adéquats pour le bien être des occupants. Cependant, la ventilation est confrontée à deux verrous principaux : i) économies d’énergie ; ii) manque d’outils d’évaluation. Dans le souci d’économies d’énergies, on assiste à l’émergence de tendances constructives qui vont à l’encontre du confort des occupants : imperméabilisation de l’enveloppe ; réduction des débits de ventilation ; restrictions sur le fonctionnement des systèmes CVC. Ce verrou peut être levé par des équipements plus performants (ventilateurs plus performants, réduction de pertes de charges des conduites, imperméabilisation des conduits, récupération d’énergie), une gestion plus intelligente (programmes horaires, détection de présence) ou encore des systèmes innovants (couplage avec l’enveloppe, ventilation hybride, ventilation nocturne, ventilation naturelle, etc). Le deuxième verrou concerne l’évaluation et la prise en compte de la performance de la ventilation et constitue l’objet de cette présente thèse. Les performances de la ventilation sont ici déclinées suivant les principales fonctions de la ventilation, telles que définies précédemment. Les performances dites globales, liées au confort thermique ; et des performances dites intrinsèques liées la fonction « ventilation » qui inclut les taux de ventilation (combien on ventile ?) et l’efficacité de ventilation (comment on ventile ?).

Aujourd’hui, on constate un manque d’outils d’évaluation expérimentale (techniques, méthodes et protocoles), en particulier lorsqu’il s’agit de ventilation naturelle ou mixte. Nombreuses sont les normes qui décrivent des méthodes d’évaluation telles que l’ISO 7730, l’EN 15251 et l’ASHRAE 55 pour le confort thermique et l’ISO 16008 et l’ASHRAE 129 pour l’efficacité de ventilation. En revanche, elles ne sont pas toutes adaptées aux ventilations naturelle et mixte et peuvent parfois présenter des limites pratiques pour les systèmes de ventilation mécanique. L’efficacité de ventilation est aujourd’hui définie uniquement pour des systèmes de ventilation mécaniques par mesures de gaz traceurs à l’extraction. Concernant le confort thermique, les normes préconisent l’utilisation du PMV pour des bâtiments mécaniquement ventilés et l’approche adaptative pour les bâtiments naturellement ventilés en été. Or l’utilisation du PMV se limite à des conditions stationnaires, ce qui n’est pas forcément le cas pour tous les bâtiments mécaniquement ventilés. D’autre part, l’approche adaptative s’applique uniquement pour des bâtiments naturellement ventilés en été. L’objectif de la thèse est d’étudier et de tester les différents outils (techniques, protocoles et normes) pour l’évaluation in situ des performances de ventilation avec comme principales perspectives :
i) L’analyse des limites théoriques des outils existants
ii) L’étude de la faisabilité des outils existants sur différentes stratégies de ventilation : mécanique, naturelle et mixte
iii) L’analyse des limites pratiques des outils pour leur application in situ  .

La ventilation dans le bâtiment est fortement associée à la notion de Qualité du Climat Intérieur (QCI). Ce qui revient souvent à évaluer un système de ventilation sur sa capacité à garantir une bonne qualité de l’air (ventilation hygiénique) ainsi que des conditions de confort thermique satisfaisantes (ventilation pour le confort). Cependant, pour évaluer les performances intrinsèques d’un système de ventilation, il est important de distinguer la finalité d’un système de ventilation (garantir la QCI), de sa fonction intrinsèque (renouveler, distribuer et dépolluer l’air). En effet, la ventilation a pour fonction, le renouvellement et la distribution de l’air intérieur. Autrement dit, il s’agit de dépolluer l’air intérieur par un approvisionnement en air frais (et/ou l’extraction des polluants) et assurer une distribution adéquate des champs de concentration de polluants, des vitesses de l’air et des températures. L’évaluation des performances intrinsèques d’un système de ventilation revient alors à décrire l’écoulement de l’air induit par la ventilation dans un local, impliquant à la fois des considérations quantitatives (combien on ventile ?) et qualitatives (comment on ventile ?).

Les taux de ventilation exprimés en débits de ventilation ou encore en taux de renouvellement de l’air sont aujourd’hui les indices les plus utilisés dans l’expression des performances et des exigences de ventilation [1]. L’utilisation des taux de ventilation est principalement justifiée du fait de sa simplicité tant dans l’expression et le commissionnement, que dans sa polyvalence. Les taux de ventilation peuvent en effet concerner des sujets de santé (qualité de l’air) ; de confort de l’occupant (confort thermique et olfactif) mais surtout des sujets environnementaux (performance énergétique), principal levier aujourd’hui dans le bâtiment. D’un point de vue énergétique la tendance dans le bâtiment consiste aujourd’hui à garantir une maitrise des flux de ventilation. Cela consiste à renforcer l’étanchéité à l’air de l’enveloppe et à maitriser la quantité et la qualité des flux d’air à travers les systèmes de ventilation mécaniques, ce qui permet de maitriser les déperditions énergétiques dues à la ventilation. C’est pourquoi les taux de ventilation prennent une place importante dans le bâtiment avec cette dimension énergétique et donc économique.

Concernant la qualité de l’air, les taux de ventilation sont aujourd’hui largement utilisés pour qualifier la qualité d’un système de ventilation par rapport aux exigences des normes et certification environnementales (HQE, BREEAM, LEED, WELL). Le concept repose sur le fait qu’un débit d’air neuf puisse diluer les polluants générés à l’intérieur d’un local ventilé. De plus, les taux de ventilation peuvent concerner une ou plusieurs zones en assumant des distributions d’air et de polluant homogènes. En revanche, il est important de noter que sur ce thème de la QAI, les taux de ventilation sont limités car il s’agit uniquement de quantifier en se basant sur une hypothèse forte de mélange d’air frais avec l’air vicié. C’est pourquoi, les taux de ventilation doivent être accompagnés d’indices d’efficacité de ventilation lorsqu’il s’agit de QAI, auquel cas, l’évaluation de la ventilation comme moyen d’atteindre une bonne QAI serait erronée. A titre d’exemple, une norme ou une certification qui fixe un débit de ventilation admet des hypothèses fortes sur le mélange de l’air frais avec l’air vicié. Généralement ces normes et certifications admettent un mélange parfait ou une ventilation piston où l’ensemble de l’air neuf serait disponible pour diluer et dépolluer l’air vicié. Or, ce n’est jamais le cas dans le bâtiment (tertiaire et logement).

Table des matières

Introduction générale
Chapitre I « Indices de performances intrinsèques des systèmes ventilation »
I.1.Introduction
I.2. Taux de ventilation
I.2.1. Expression des taux de ventilation : principes et démarches
I.2.2. Expression des taux de ventilation : paramètres et grandeurs physiques
I.3. Efficacité de ventilation
I.3.1. Définitions et concepts
I.3.2. Paramètres d’efficacité de ventilation
Concept d’âge de l’air
Paramètres d’âge de l’air
I.3.3. Indices d’efficacité de ventilation
Indice d’efficacité de renouvellement d’air
Indice d’efficacité de renouvellement d’air par approche bypass
Indice local d’efficacité de renouvellement d’air
Indice de dépollution
Indice de dépollution locale
Indices dérivés
I.4. Techniques et méthodes de mesure par gaz traceur
I.4.1 Mesure des taux de ventilation par gaz traceur
Solution générale de l’équation de continuité
Techniques spécifiques de mesure de taux de ventilation
I.4.2. Mesure des paramètres et indices d’efficacité de ventilation par gaz traceur
Mesure d’âge local de l’air
Age moyen du local
Efficacité de renouvellement d’air
I.4.3. Dispositif de mesure et gaz traceurs
Équipement de gaz traceur
L’injection et la distribution
Échantillonnage et surveillance
I.5 Conclusion
Chapitre II « Confort thermique, théorie et méthodes d’évaluation»
II.1 Introduction
II.2. Les éléments de base affectant le confort thermique
II.2.1. Aspects physiques
Morphologie
Production de chaleur métabolique
Facteur de surface habillée
Transferts de chaleur
II.2.2. Aspects physiologiques
II.2.3. Aspects psychologiques
II.3. Evaluation du confort thermique
II.3.1. Théorie statique
II.3.2. Théorie adaptative
II.3.3. Les normes et les indices d’évaluation du confort thermique
III. Conclusion
Conclusion générale

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