EVOLUTION MORPHO-SEDIMENTAIRE ET IMPACTS DES OUVRAGES DE PROTECTION SUR LE LITTORAL DE RUFISQUE

EVOLUTION MORPHO-SEDIMENTAIRE ET IMPACTS DES OUVRAGES DE PROTECTION SUR LE LITTORAL DE RUFISQUE

Lithostratigraphie de la région d’étude 

L’histoire géologique du bassin a commencé avec son ouverture suivie de la première transgression au Jurassique moyen – supérieur, qui a été recoupé par le sondage DKM2 au sud de Dakar. Il correspond à des calcaires néritiques souvent biodétritiques, parfois oolithiques ou dolomitiques (Castelain 1965). Au Crétacé Inférieur (du Berriasien à l’Aptien), la sédimentation carbonatée domine mais on note une arrivée de matériaux détritiques dans la partie ouest du bassin. Au centre, les dépôts essentiellement gréseux, alternent avec des argiles silteuses dont l’épaisseur s’amenuise vers l’est. C’est une séquence carbonatée constituée de calcaires micritiques avec intercalations de marnes dolomitiques et une séquence clastique silteuse et gréseuse à grains fins (Roger et al., 2009d). Dans la région de Dakar, on trouve une alternance d’argiles et de grès silteux azoïques. Dans la partie offshore, au large de la Guinée, ce sont des dépôts terrigènes (sables et grès) qui dominent (Ly, 1985). Le passage du Crétacé inférieur au Crétacé supérieur qui correspond aux étages de l’Albien au Cénomanien est marqué par une sédimentation argileuse à l’ouest. Le sommet du Crétacé supérieur est représentée dans le horst de Diass par les séries campano-maastrichtiennes qui révèlent des variations eustatiques du niveau marin qui seraient liées à des épisodes tectoniques (Khatib et al., 1990; Sow, 1992) et constituent les plus anciennes formations connues à l’affleurement (Sow, 2007) sous forme de sables fins, de grès et siltites argileuses observées sur le littoral (Sarr, 1998).

Le Tertiaire

L’Eocène inférieur à supérieur

 L’Eocène inférieur et moyen est marqué par une importante transgression et une sédimentation biochimique à faciès alternants marno-calcaires riche en Discocyclines, 28 oursins et mollusques relayés à la fin de l’Eocène moyen par des calcaires à nummulites. Au cours de la transgression yprésienne la mer envahit tout le bassin. Les affleurements composés essentiellement d’argiles blanches feuilletées à attapulgite qui passent verticalement à des marno-calcaires à lentilles fossilifères sont limités à la falaise de Thiès et dans la presqu’île du Cap-Vert, s’observent dans la Formation de Reubeuss (Roger et al., 2009d). Entre le Cap des Biches et Rufisque, l’Eocène inférieur et moyen affleurent sous forme de calcaires, de marnes, d’une alternance marno-calcaire, riches en faunes littorales. Dans la région de Rufisque les affleurements de l’Eocène moyen sont représenté par la Formation de Bargny avec deux membres (figure 14) (Roger et al., 2009d). : le Membre du Cap des Biches et le Membre de Rufisque. – Le Membre du Cap des Biches représente la base du Lutétien. C’est une unité composée d’une alternance de bancs marno-calcaires et a livré une faune marine constituée de foraminifères planctoniques (Acarinina cf. praetopilensis, A.collactea, Subbotina linaperta, S. cf. hagni, S. eocaena, S. roesnaesensis, Morozovelloides cf. crassatus,Guembelitrioides nuttali)), associés à de fréquents foraminifères benthiques indicateurs de la biozone P10 (base du Lutétien). Elle est coiffée par une alternance de calcaires micritiques gris jaunâtres et de couches marneuses d’épaisseur pluridécimétriques, qui s’enrichissent progressivement vers le haut en horizons silicifiés stratiformes qui affectent préférentiellement des horizons calcarénitiques à éléments phosphatés (clastes, coprolithes et pellets) et Discocyclines (Discocyclina senegalensis) – Le Membre de Rufisque formé par 3 m d’alternance marno-calcaires à dominante marneuse. Il a été identifié dans la carrière de la cimenterie de Bargny. A cette endroit, il renferme des fossiles de poissons, de fréquents foraminifères planctoniques comme Pseudoglobigerinella bolivariana, Morozovelloides, et d’abondants foraminifères benthiques typique du Lutécien. Au nord de cette carrière, on note dans les marnes blanches feuilletées la présence de bancs de calcarénite/calcirudite à abondants pellets phosphatés et discocyclines et une microfaune à foraminifères planctoniques (Morozovelloides crassatus…) et benthiques. A l’Eocène supérieur la mer se retire de l’ensemble du bassin mais persiste dans la presqu’île du Cap- Vert jusqu’à l’Oligocène. Non connu à l’affleurement, les dépôts sont constitués à Yoff par des argiles riches en foraminifères benthiques (Siphonodosaria, Bolivines, Uvigérines) (Castelain, 1965) et d’argiles contenant des foraminifères planctoniques sur le plateau de Thiès (Brancart et Flicoteaux, 1971; Flicoteaux, 1980). 

 L’Oligocène

 A l’Oligocène on enregistre les premières manifestations du volcanisme tertiaire de Dakar avec la mise en place du sill de pyroxénolite de l’Anse des Madeleines (30,7 ± 2 Ma) (Crévola et al, 1994). Inconnu à l’affleurement dans les autres régions du Sénégal, il correspond à Dakar à des calcaires à Lépidocyclines en blocs emballés dans les tufs volcaniques de l’Anse Bernard et de la Plage Pasteur.

 Le Miocène 

C’est une période qui a longtemps été interprété comme continental où s’est installé une sédimentation détritique sablo argileuse appelée Continental Terminal (Tessier et al., 1975 ; Lappartient, 1985). L’interprétation du dépôt a été progressivement contesté à la suite d’une découverte de faunes marines (Gorodiski, 1958; Flicoteaux et Médus, 1980). Le Continental Terminal a été renommé Formation du Saloum et s’est mise en place à l’interface entre un milieu marin côtier et une frange laguno-lacustre sous influences continentales datée du Miocène moyen à supérieur (Burdigalien). (Roger et al., 2009d). A l’Oligocène-Miocène inférieur, le bassin sédimentaire sénégalais est largement exondé à l’exception du golfe de Casamance. La sédimentation marine continue au Miocène inférieur jusqu’au Miocène supérieur. C’est à l’Oligocène-Miocène qu’est intervenu le volcanisme basique de type fissural qui a mis en place les affleurements observés sur le littoral, entre Mbao et Rufisque. Ils sont constitués, soit de laves d’ankaratrite (filon de Diokoul et îlots de Khoniet) datés respectivement 20,9 ± 0,6 et 13,5 ± 0,2 MA (Cantragrel et al., 1976), soit de tufs bréchiques en pipes (Crévola, 1978) soit de sills (Cap des Biches) datés de 20,5. Ce volcanisme constituerait le haut fond présent au large du Cap des Biches appelé banc des Biches. Pour Roger et al., (2009d), ce filon de Diokoul est une grande coulée de néphélinite mise en place il y a 21,5 Ma. Elle est représentée par un ensemble de dykes et de sills de basanite au Cap des Biches daté de 20,9 Ma ainsi que des brèches associées au réseau de failles nord-sud qui découpent la série sédimentaire. Un pointement volcanique a été daté à 23,74 ± 0,50 Ma au Cap des Biches par Guillou (2008).

Le Pliocène

 Il est caractérisé par un climat humide qui a mis en place une cuirasse ferrugineuse qui se présente sous forme d’un niveau gréseux très compacte, se fragmentant en gros blocs, ou bien argilo-gréseux induré par les oxydes de fer. Ces latéritiques s’observent au toit des coulées volcaniques (basanites) du Cap Manuel datée 5,30 + 0,30 Ma pour la plus récente. La cuirasse est recouverte par la plus ancienne des coulées volcaniques des Mamelles qui a été datée à 1,50 + 0,10 Ma (Cantagrel et al., 1976). 

Le Quaternaire

Le Quaternaire se caractérise par des variations glacio-eustatiques et climatiques, marquées par des transgressions et régressions sur la bordure littorale du bassin. Au cours de la dernière période glaciaire, le niveau marin avait descendu jusqu’à 100 à 120 m en dessous du niveau actuel, alors que lors des périodes interglaciaires il revenait plus ou moins au voisinage du zéro actuel et parfois le dépassait. La dernière transgression holocène enregistrée est celle du Nouakchottien où la mer a atteint +1 à +2 m au-dessus du zéro actuel. Les formations marines, continentales et volcaniques du Quaternaire constituent l’essentiel des affleurements du bassin sénégalo-mauritanien. Le volcanisme quaternaire de Dakar est représenté par un appareil principal très complexe, le volcan des Mamelles et des appareils secondaires constitués de coulées de laves (dont les roches sont des dolérites, des basanites, des néphélinites et des pyroxénolites) ainsi que plusieurs ensembles de coulées et de tufs interstratifiés dans des sables. Des blocs de roches volcaniques non encore datés ont par ailleurs été observés en 2005 sur de la plage de la nouvelle cité SIPRES, au NW du Cap des Biches et en face de l’actuelle sécherie de Grand Mbao. Ce sont des affleurements visibles en marée basse à cause de l’érosion marine. Le Quaternaire continental est représenté par les glacis cuirassés, les terrasses alluviales, les dépôts d’origine lacustre ou palustre (calcaires lacustres, tourbes) et les dépôts éoliens. Les principaux épisodes quaternaires ayant laissé des témoins le long du littoral sont décrits ci-après. 

L’Eémien ou Aïoujien 

 C’est une période qui correspond à l’interglaciaire Riss-Würm. Dans la région de Mbao à Bargny, les dépôts quaternaires de cette transgréssion les plus anciens sont représentés par les grès de plage ou « beach rocks ». Ils sont localisés entre le Cap des Biches et la centrale thermique de la Senelec et à la sortie de Bargny. Les beach rocks du Cap des Biches reposent en discordance sur les marnes yprésiennes. Ils ont tout d’abord été attribués à l’Inchirien par Demoulin et Masse (1969). Cependant, les travaux de Diouf (1989), Diouf et al., (1993) et de Giresse et al., (1988) ont permis de donner un âge plus ancien : Eémien ou Aïoujien. L’âge présumé inchirien 32 correspondrait en fait à la période de recristallisation des grès calcaires. D’une épaisseur de 1 à 1,30 m, ces grès littoraux renferment une faune marine (Mollusques) vers le sommet et se présentent sous plusieurs faciès : grès calcaires à stratifications obliques, calcarénites grossières conglomératiques (Diouf, 1989) 

 L’Ogolien 

L’Ogolien est caractérisé par un épisode glaciaire se traduisant par climat aride et une intensification des alizés continentaux, ce qui a eu pour conséquence la formation de grands massifs (ergs) dunaires longitudinaux orientés NE-SW (Michel, 1973; Barbey, 1982). Le climat est passé d’un type tropical humide à saisons alternées à un type très aride. Il est caractérisé par une régression marine consécutive à la glaciation. Le niveau marin se situait aux environs de 120 m en dessous du zéro actuel. Entre les plateaux de Mbao et de Bargny, l’Erg de Pikine, constitué de dunes longitudinales, est le témoin de cette époque. Entre 18 000 et 11 000 BP il y a une lacune sédimentaire. Au cours de cette période, il se produit cependant une remontée lente du niveau marin entre 15000 et 11000 BP

 Le Tchadien

C’est une période humide qui se situe au début de la transgression holocène suite à la première fusion des glaciers. Elle est caractérisée par un climat plus humide et la formation de lacs peu profonds dans les inter-dunes (Pinson-Mouillot, 1980). Au Sénégal, les dépôts de cette période correspondent à des tourbes dans les dépressions inter dunaires, à des profondeurs variables. C’est également au cours de cette période que les dunes ogoliennes sont démantelées par les eaux de ruissellement et colorées en rouge par des oxydes de fer à la faveur d’un climat aride à la fin du Tchadien (Elouard, 1967). Le niveau marin passe à la cote -5 m vers 7 000 ans BP puis à la cote 0 m vers 6 000 ans BP (Roger et al., 2009a). 

 Le Nouakchottien ou Flandrien 

Il correspond à un climat humide qui a coïncidé avec le maximum de la transgression holocène, atteinte vers 5500 BP. La structure en synclinal a facilité le ruissellement et l’entaille du plateau de Mbao vers la mer (Elouard, 1980). La remontée de la mer crée 33 de nombreux golfes peu profonds dans lesquels se développe une faune marginolittorale où domine Anadara senilis. Le remaniement des ergs par les houles de tempête a entraîné le dépôt de sables dans les golfes. Ainsi se forment des étendues sabloargileuses d’altitude + 1 à + 2 m qui correspond à des terrasses nouakchottiennes. Ces terrasses à Anadara s’observent sur la Petite Côte. Dans le secteur étudié, on les observe dans les cours inférieurs des marigots de Mbao et de Bargny où elles sont constituées de sables vaseux (Lawson, 1970 ; Elouard, 1980).

 Le Tafolien

 Il marque la fin de la transgression holocène. cette régression amorcée dès la fin du Nouakchottien s’accompagne d’une régularisation du littoral, déclenchée par l’installation d’une dérive littorale qui édifie des cordons littoraux riches en minéraux lourds (Bacou et Hebrard, 1958) traduisant un changement du régime de la mer (PinsonMouillot,1980). La mise en mouvement des sables du plateau continental, a contribué à la formation de ces longs cordons littoraux barrant parfois les anciennes dépressions et golfes qui finissent par se fermer.

Le Dakarien

Il s’agit d’une oscillation positive du niveau qui a entrainé un comblement de lagunes. A cette période humide, sont attribuées les plages à Patella safiana du Cap Manuel, de la Pointe de Fann et des Almadies (Barbey et Descamps, 1967 ; Elouard et al., 1976a), qui sont interprétées d’après Elouard (1967); Elouard et al. (1977) et Descamps et Demoulin (1969), comme des cordons de plage de tempête. Les affleurements quaternaires sont constitués de grès de plage, de dépôts de sables azoïques ou riches aussi en faunes littorales (Brancart, 1975 et 1977 ; Elouard et al., 1976a et b) (figure 15). La côte entre Mbao et le Cap des Biches est une belle illustration de la géologie du graben de Rufisque (Brancart, 1975 et 1977 ; Elouard et al., 1976a).

Le plateau continental : morphologie et sédimentologie Le plateau continental est par définition le prolongement naturel des terres émergées sous les océans. Sa profondeur, est comprise entre 0 et 200 m, cette dernière constituant l’isobathe conventionnel qui limite le plateau continental des grands fonds océaniques. Sa largeur est très variable et les pentes sont souvent homogènes. Les caractéristiques morphologiques et sédimentologiques de la zone côtière sont déterminées en grande partie par celles du plateau continental à savoir : la largeur, la nature des affleurements – produits d’une histoire géologique – la nature des pentes mais aussi les agents climatiques (notamment dans notre zone, les vents) et les facteurs hydrodynamiques (marées, courants et houles). La description du plateau continental s’inspire des travaux de Domain (1977), Masse (1968), Riffault (1980) et Barusseau (1984). Le plateau continental sénégalais est large en moyenne de 40 km. L’isobathe des 200 m, est dans l’ensemble parallèle à la côte mais dessine des sinuosités parfois très marquées qui entrainent des variations importantes de la largeur du plateau continental, de la Mauritanie au Nord à la Basse Casamance au Sud. La présence des canyons au large de la côte sénégalaise a permis à Meagher et al (1977) de subdiviser le plateau continental en trois grands secteurs (figure 16) : – un plateau continental nord qui atteint 50 km au large de Saint Louis (Domain (1977) avec des pentes variant entre 0,2 et 0,4 % ; – au droit de la région de Dakar, sa largeur varie de 1 à 15 km, entre les canyons de Kayar et de Dakar. Ce secteur présente les pentes les plus fortes (1 à 1,5%). – un plateau continental sud qui s’élargit progressivement à partir de Dakar pour atteindre 70 km au droit de Joal et 100 km au large de la Casamance. Dans la baie de Gorée, la largeur est d’environ 46 km et les pentes varient entre 0,3 et 0,6% au large de la baie de Rufisque. Entre Rufisque et Mbour, la morphologie du plateau continental est marquée par l’existence de deux zones de pente et d’épaisseur sédimentaire différentes (Froidefond, 1975): – une zone située entre zéro (0) et 15 m de profondeur caractérisée par de fortes pentes (> 0,5%) et par une couverture sédimentaire meuble, inférieure à 4 m d’épaisseur.

Table des matières

REMERCIEMENTS
ABREVIATIONS
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1: CADRE D’ETUDE
I. Cadre géographique
II. Cadre géologique
III. Le plateau continental : morphologie et sédimentologie
IV. Description géomorphologique du littoral de Rufisque
V. Cadre hydrodynamique
VI. Caractéristiques anthropiques
VII. Les causes de l’érosion côtière et les taux d’érosion des études antérieures du littoral de Rufisque
VIII. Conclusion
CHAPITRE 2: METHODOLOGIES
I. Méthodes topographique et sédimentologique
II. Méthodes d’étude de l’évolution de la ligne de rivage
CHAPITRE 3:EVOLUTION MORPHO-SEDIMENTAIRE DU LITTORAL DE RUFISQUE
I. Analyse morpho-sédimentaire des plages
II. Synthèse et discussion des résultats
III. Les impacts physiques des structures de protections sur le littoral
IV. Conclusion
CHAPITRE 4 : EVOLUTION RETROSPECTIVE DE LA LIGNE DE RIVAGE DE RUFISQUE DE 1954 A 2006
I. Impact des ouvrages de protection sur l’évolution de la ligne de rivage de 1954 à 2006
II. Conclusion
CHAPITRE 5 :CHANGEMENT CLIMATIQUE ET STRATEGIES D’ADAPTATION A L’EROSION
CÔTIERE AU SENEGAL: LES OBSTACLES .
I. Changement climatique et stratégies d’adaptation
II. Les stratégies d’adaptation à l’érosion côtière
III. Les obstacles aux stratégies d’adaptation à l’érosion côtière au Sénégal
IV. Conclusion
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES 205
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES FIGURES
LISTE DES PHOTOS
ANNEXE
TABLE DES MATIERES

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