Evolution petrologique des lithospheres en subduction

Evolution petrologique des lithospheres en subduction

La diffraction de rayons X in situ source synchrotron

La diffraction de rayons X est une des techniques analytiques les plus utilisées dans les expériences de haute pression (pour une revue détaillée, voir Fiquet, 1999). Elle permet une multitude d’opérations, comme la détermination de structure, de symétrie et des paramètres cristallographiques d’une phase cristalline. L’utilisation d’une source synchrotron s’avère indispensable du fait de la petite taille des échantillons. Sa brillance élevée, 1013-1020 photons/s/mm2 /mrad2 /0.1% bande passante pour le LURE (Laboratoire pour l’Utilisation du Rayonnement Electromagnétique, Orsay) et l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility, Grenoble) respectivement, permet l’acquisition de spectres en un temps très court, pouvant descendre jusqu’à 10s. Ce temps d’acquisition réduit est essentiel pour les expériences de diffraction à haute température, où il est difficile d’assurer une bonne stabilité de la température pendant plusieurs minutes. De plus, il permet l’acquisition de données résolues en temps nécessaires aux études cinétiques. 

Principe

La méthode de diffraction des rayons X repose sur la diffusion élastique par un solide monocristallin, polycristallin ou une poudre, d’un faisceau de rayons X incident (λ ∼ 10-9 – 10-11 m). Dans certaines conditions, les photons diffusés par différents plans atomiques parallèles interfèrent constructivement entre eux. Cette condition est décrite par la loi de Bragg (Bragg, 1949; Figure 2.7): 2dhkl sinθ = nλ = n(hc/E) avec dhkl la distance entre deux plans réticulaires parallèles d’indice de Miller h k l, 2θ l’angle entre le faisceau incident et le faisceau diffracté, n un entier et λ la longueur d’onde du  rayonnement incident. Cette dernière peut être exprimée en fonction de h la constante de Planck, c la vitesse de la lumière, et E l’énergie du photon X. Pour un cristal donné les valeurs de dhkl sont fixes. Leur mesure peut s’effectuer soit par diffraction en dispersion d’énergie, soit par diffraction en dispersion d’angle. Ces deux méthodes ont été utilisées au cours de ce travail de thèse. Leur mise en œuvre expérimentale est présentée ci-dessous. Figure 2.7 – Schéma d’une diffraction de Bragg sur une famille de plans hkl séparés par la distance d. La déviation du faisceau est 2θ.

La diffraction X en dispersion d’énergie

La diffraction X en dispersion d’énergie a été utilisée sur la ligne DW11 du LURE, pour l’étude cinétique de la transformation coesite-quartz (Figure 2.8). Cette technique consiste à travailler avec un faisceau polychromatique dit « blanc » (d’énergie comprise entre 10 à 60 keV), en fixant la position du détecteur à un angle 2θ par rapport au faisceau incident de rayons X. Le faisceau incident issu de l’anneau de stockage est collimaté horizontalement et verticalement par un système de fentes avant. A sa sortie, le faisceau d’une dimension de l’ordre de quelques centaines de microns carrés (100 µm × 50 µm), interagit avec l’échantillon mis sous haute pression et température à l’aide d’une presse Paris-Edimbourg. Les fentes arrières placées entre l’échantillon et le détecteur éliminent du faisceau diffracté les pics de Bragg provenant de l’environnement de l’échantillon. L’intensité, c’est à dire le nombre de photons arrivant sur une surface définie par unité de temps, et l’énergie des photons formant le rayonnement sont mesurées par un détecteur solide au Germanium et analysées par une carte multicanal Camberra® . Connaissant l’énergie E du photon X et l’angle de diffraction 2θ, la loi de Bragg donne accès aux distances dhkl caractéristiques de la phase cristalline diffractante. Figure 2.8 – Dispositif de diffraction en dispersion d’énergie sur la ligne DW11 à LURE (Oct. 2001) a) en vue de dessus, b) en vue de côté. Le faisceau polychromatique de rayons X incident est collimaté par un système de fentes avant. L’intensité et l’énergie des rayons diffractés sont enregistrés à une angle 2θ du faisceau incident par un détecteur solide au Germanium. Les fentes arrières éliminent du faisceau diffracté les pics de Bragg provenant de l’environnement de l’échantillon. La diffraction X en dispersion d’énergie présente l’avantage d’utiliser le faisceau provenant de la source dans sa totalité, ce qui permet des mesures sur des échantillons dont les intensités de diffraction sont relativement faibles. En revanche, cette technique est très sensible aux orientations préférentielles, et sa résolution intrinsèque est médiocre du fait du type de détecteur ∆E/E ∼ 1%. 

La diffraction X en dispersion d’angle

Les expériences concernant la minéralogie des MORB à HP-HT, et la cinétique de déshydratation de l’antigorite, ont été réalisées par diffraction X en dispersion angulaire, en CED et presse Paris-Edimbourg respectivement. Ces expériences ont eu lieu sur la ligne haute Chapitre 2 – Techniques expérimentales 40 pression ID30 de l’ESRF (Figure 2.9). Le faisceau incident est monochromatique de sorte que seules certaines valeurs de θ, correspondant à des plans (hkl) en condition de Bragg, donnent lieu à un faisceau diffracté. Ces faisceaux diffractés sont enregistrés par une plaque image. Un échantillon polycristallin, ou une poudre, dans lesquels les grains présentent statistiquement toutes les orientations par rapport au faisceau incident, diffuse le faisceau en cônes d’angle 2θ. Leurs intersections avec le détecteur plan donne des cercles concentriques (Figure 2.9). Le faisceau monochromatique est produit par un monocristal de silicium Si(111). Les longueurs d’onde disponibles sont comprises entre 0.12 et 0.42 Å. Ce faisceau, focalisé par un système de miroirs KB, peut atteindre une taille minimale de 10 × 10 µm 2 au niveau de l’échantillon. Lors du chauffage laser en CED, la taille du faisceau X est alors inférieure à l’aire chauffée par absorption laser. Ceci permet l’acquisition de spectres au niveau de la zone où règnent la température maximale et de faible gradients thermiques. Lors de nos expériences, un alignement parfait entre le faisceau X, les rayons lasers et le système optique de mesure de la température a donc été réalisé. Figure 2.9 – Dispositif de diffraction en dispersion d’angle sur la ligne ID30 de l’ESRF. Le faisceau incident monochromatique, produit par un monocristal de silicium Si(111), est focalisé pour atteindre une taille de 10 x 10 µm 2 au niveau de l’échantillon. Les cônes de diffraction, d’ouverture 2θ, sont enregistrés par une plaque image. Le détecteur plan utilisé est une plaque image MAR345 , de 345mm de diamètre (résolution de 3450 pixels), située à environ 30 cm de l’échantillon. L’image peut être convertie en un spectre I = f(2θ), en réalisant une intégration sur toutes les valeurs de 2θ, à l’aide du logiciel Fit2D (Hammersley et al., 1996; Figure 2.10). L’obtention d’une image bi-dimensionnelle donne accès à la statistique d’orientation des cristallites, et donc à l’identification d’orientations préférentielles. Ce paramètre est Chapitre 2 – Techniques expérimentales 41 important lorsque l’on utilise l’intensité des pics, comme dans le cas d’un raffinement Rietveld, ou des études cinétiques. Figure 2.10 – Exemple de spectre de diffraction X enregistré à 32,6 GPa, 2350 K. a) Plaque image enregistrée par le détecteur MAR345 b) spectre de diffraction I=f(2θ) obtenu après intégration de la plaque image. 2.2.4 L’acquisition de données résolues en temps Dans le cas d’un assemblage polyphasique, l’intensité des pics de diffraction associés à une phase est proportionnelle au volume de celle-ci au sein de l’assemblage. La diffraction X permet donc de suivre l’évolution cinétique d’une transformation minéralogique en réalisant des spectres à divers stades d’avancement de la réaction. La procédure expérimentale consiste à porter une poudre à proximité des conditions PT attendues pour la réaction, dans une presse Paris-Edimbourg. On fait ensuite varier la température ou la pression (en fonction de la pente de Clapeyron de la réaction) par petits incréments, jusqu’à l’apparition d’une nouvelle phase sur les spectres de diffraction X. Les conditions P-T sont alors maintenues constantes et des spectres enregistrés toutes les 1 à 3 min, jusqu’à la fin de la transformation. Dans le dispositif employé, la résolution temporelle est limitée par la durée d’acquisition des spectres, le temps de lecture et d’enregistrement des données. Une succession de spectres obtenue lors de l’étude de la transition coésite-quartz est présentée Figure 2.11. La procédure de traitement des données cinétiques est détaillée dans le Chapitre 3. a) b) Chapitre 2 – Techniques expérimentales 42 Figure 2.11 – Succession de spectres de diffraction X enregistrée au cours de la transformation coésite → quartz. Les pics de Bragg de la coésite diminuent d’intensité au cours du temps au profit de ceux du quartz.

Analyse chimique par sonde ionique nanoSIMS

La caractérisation d’un assemblage minéralogique passe par l’analyse chimique (éléments majeurs et traces) de ses différentes phases. La microsonde électronique est la méthode d’analyse élémentaire la plus couramment utilisée. Elle permet une analyse quantitative des éléments majeurs (Z>11) avec une résolution spatiale de 1-5 µm. (pour une description détaillée, voir Heinrich, 1981 ou Reed, 1993). Cette technique est employée avec succès pour l’analyse des échantillons synthétisés en presse multi-enclumes et ParisEdimbourg, avec des tailles de grains généralement supérieures à dix microns. Pour les échantillons de CED-chauffage laser les tailles de grains dépassent rarement un micron; des méthodes d’analyses nanométriques sont alors nécessaires. A l’heure actuelle, seule la microscopie électronique en transmission (ATEM) est utilisée pour l’analyse des éléments majeurs à une résolution spatiale sub-micronique. Cette technique nécessite toutefois un amincissement des échantillons par faisceau d’ions (Ar), ou par FIB (Focus Ion Beam). Cette préparation est difficile à réaliser dans le cas d’échantillon CED dont la taille est de 30 à 100µm. De plus, elle limite l’analyse à une zone réduite, de 10 µm x 10 µm 2 environ, de l’échantillon. La sonde ionique nanoSIMS apparaît comme un outil adapté compte tenu de sa résolution spatiale intrinsèque de 50 nm, et de sa capacité à détecter des éléments en très faibles teneurs, quelques ppm (Hillion et al., 1993). En collaboration avec A. El Goresy, S. Moustefaoui et P. Hoppe du Max Planck Institut für Chemistry (Mainz), nous avons entrepris le développement de cette technique à l’analyse d’échantillons de pétrologie expérimentale. Le fonctionnement de la sonde nanoSIMS 50 Cameca , et la procédure d’acquisition des données sont exposés ci-dessous. Le traitement des cartographies ioniques et les résultats préliminaires de l’analyse chimique quantitative sont présentés dans le Chapitre 3.

Principe et appareillage

La sonde ionique repose sur la détection des ions secondaires émis lors du bombardement d’un échantillon par un faisceau d’ions de haute énergie (Slodzian, 1964). La séparation des ions secondaires en fonction de leur rapport masse/charge s’effectue par spectrométrie de masse. C’est pourquoi on parle aussi d’analyse SIMS, pour Secondary Ion Mass Spectrometry. Une sonde ionique (Figure 2.12) est constituée d’une source d’ions primaires, d’une colonne optique qui génère une faisceau d’ion primaire finement focalisé, d’un sytème d’extraction des ions secondaires depuis la surface de l’échantillon vers un secteur électrostatique qui filtre les ions en énergie, enfin d’un secteur électromagnétique et d’un système de comptage des ions. Chacun de ces dispositifs est présenté succinctement cidessous. Pour plus de détail, on pourra se référer à Hinton (1995). – Source et faisceau primaire Deux types de source ionique sont disponibles sur la sonde Cameca® nanoSIMS 50. Une source duoplasmatron qui produit un faisceau d’ions primaires O- , O2+ ou Ar+ ; et une source d’ions césium Cs+ . Le choix de la source dépend en particulier du rendement d’ionisation et de la taille du faisceau désirés. Pour l’analyse de silicates, nous avons utilisé un faisceau d’ions Oqui conduit à un bon rendement d’ionisation. L’originalité de la sonde nanoSIMS 50 réside dans la configuration co-axiale entre faisceau primaire et secondaire qui réduit la taille du spot d’analyse pour un courant donné (Figure 2.12). Pour des ions O- , un courant de 100 pA a permis d’atteindre une taille d’analyse de 350nm. 

Table des matières

Introduction
Chapitre 1. Structure et fonctionnement d’une zone de subduction
1.1 Les structures superficielles (0-20 km)
1.2 Signature sismique
1.3 Signature thermique
1.4 Signature métamorphique
1.5 Signature magmatique
1.6 Recyclage de la lithosphère océanique et convection
Bibliographie
Chapitre 2. Techniques expérimentales
2.1 Les dispositifs de haute pression – haute température
2.1.1 La cellule à enclumes de diamant
2.1.2 La presse « gros volume » Paris-Edimbourg
2.2 La diffraction de rayons X in situ source synchrotron
2.2.1 Principe
2.2.2 La diffraction X en dispersion d’énergie
2.2.3 La diffraction X en dispersion d’angles
2.2.4 Acquisition de données résolues en temps
2.3 Analyse chimique par sonde ionique nanoSIMS
2.3.1 Principe et appareillage
2.3.2 Procédure analytique
Bibliographie
Chapitre 3. Traitement des données
3.1 Traitement des données de diffraction X
3.1.1 Identification des phases
3.1.2 Volume des phases
3.1.3 Proportion de phases par raffinement Rietveld
3.2 Analyse des données cinétiques de diffraction X
3.2.1 Construction des diagrammes d’avancement de réaction ξ(t)
3.2.2 Théorie cinétique de la nucléation et de la croissance
3.2.3 Détermination des mécanismes de réaction
3.2.4 Vitesses de croissance
3.2.5 Extrapolation des données cinétiques
3.2.6 Facteurs influant sur la cinétique des réactions
3.3 Développement de l’analyse nanoSIMS aux échantillons de pétrologie expérimentale
3.3.1 Description des échantillons analysés
3.3.2 Les cartographies ioniques
3.3.3 De la cartographie ionique à l’analyse quantitative
3.3.4 Comparaison des analyses ioniques et électroniques
3.3.5 Perspectives
Bibliographie
Chapitre 4. Cinétique de la transition coesite-quartz et exhumation des roches de ultrahaute pression
4.1 Découverte du métamorphisme de ultra-haute pression (UHP)
4.2 Les chemins Pression-Temperature-temps
4.3 La cinétique des réactions de rétromorphose
4.4 Kinetics of the coesite-quartz transition: Application to the exhumation of ultrahighpressure rocks
4.4.1 Introduction
4.4.2 Experimental and analytical methods
4.4.3 Analysis of the kinetic data
4.4.4 Application of the kinetic results to natural examples
4.5 Conclusion
Bibliographie
Chapitre 5. Cinétique de déshydratation de l’antigorite et séismicité intermédiaire
5.1 Les zones à double plans de séismicité
5.2 Origine de la séismicité intermédiaire
5.3 Séismicité et déshydratation des serpentines
5.4 Kinetics of antigorite dehydration: a real-time X-ray diffraction study
5.4.1 Introduction
5.4.2 Experimental methods
5.4.3 Results
5.4.4 Antigorite dehydration rates and subduction zone seismicity
5.5 Conclusions
Bibliographie
Chapitre 6. Pétrologie de la croûte océanique aux conditions du sommet du manteau inférieur
6.1 Devenir des plaques lithosphériques dans le manteau profond
6.1.1 Les contraintes géophysiques, géochimiques et géodynamiques
6.1.2 Les apports de la pétrologie
6.1.3 Pétrologie et densité des MORB dans le manteau inférieur
6.2 Phase transformations of subducted basaltic crust in the upmost lower mantle
6.2.1 Introduction
6.2.2 Experimental details
6.2.3 Results and discussion
6.3 Conclusion
Bibliographie

projet fin d'etudeTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *