Financer l’innovation en agriculture familiale

Financer l’innovation en agriculture familiale : Le cas des cultures en semis direct sous couverture végétale (SCV) à Madagascar

La modernisation durable des agricultures familiales du Sud repose largement sur leur capacité à intégrer, donc à financer l’innovation. Dans un contexte libéralisé, ce financement est sensé s’opérer par des mécanismes de marché. Mais le manque d’accès à des services financiers adaptés (crédit, épargne, assurance) reste aujourd’hui un obstacle majeur à un développement équitable de l’innovation en agriculture. Innover en agriculture conduit les ménages à une prise de risque élevée, requière des investissements de moyen et de long terme, dépassant les capacités d’autofinancement et de garantie de la majorité des ménages agricoles. Par ailleurs, l’innovation peut comporter une dimension d’intérêt général dont la légitimité d’un financement individuel par les ménages peut être questionnée. Alors que la problématique du financement de la trésorerie de l’activité agricole et des investissements agricoles est maintenant abondamment documentée, la question du financement de l’innovation en agriculture familiale reste peu explorée. Une étude conduite à Madagascar en 2007 a permis d’éclairer cette problématique à travers l’analyse du financement des cultures en semis direct sous couverture végétale (SCV) par les ménages agricoles de la région du Lac Alaotra. Cette étude est disponible en version PDF sur demande. Le BIM d’aujourd’hui ne reprend pas spécifiquement la problématique du non remboursement de crédits solidaires, mais revient brièvement sur les enseignements de cette étude au regard de la question « Quels dispositifs institutionnels pour le financement de l’innovation en agriculture familiale ? ». Les pistes de réflexion esquissées ici seront approfondies et documentées à partir de l’étude dans un article avenir.
L’étude support de cet article s’est appuyée sur une méthode de recherche articulant l’analyse du contexte institutionnel, l’étude des systèmes de financement et l’analyse économique des ménages agricoles innovateurs. Le Lac Alaotra se situe dans la région du moyen est de Madagascar, au nord-est de la capitale Antananarivo, à environ 250 km de celle-ci. Sa région est une vaste zone de plaines entourée par un ensemble de collines ou tanety culminant entre 1100 et 1500 m d’altitude et caractérisé par un processus d’érosion assez agressif, les lavaka. Les plaines ont fait l’objet d’importants aménagements hydro agricoles dans la seconde moitié du XXe siècle, faisant de cette région l’un des « greniers à riz » de Madagascar, comptant plus de 100 000 ha de rizières dont 30 000 ha de périmètres irrigués et le reste en périmètre traditionnel sans maîtrise de l’eau. C’est l’une des rares zones de Madagascar excédentaires en riz, avec une production de 300 000 tonnes de paddy pour la campagne 2004/2005, soit 9 % de la production nationale. La croissance démographique est de l’ordre de 4,2 % par an depuis une vingtaine d’années, bien supérieure à la moyenne nationale (autour de 2,7 %). La forte pression démographique induit une pression foncière croissante ; les cultures qui s’étendent sur les collines posent de graves problèmes d’érosion et d’ensablement des périmètres d’irrigation. De plus, depuis le désengagement de l’État, la maintenance des réseaux hydrauliques devient plus difficile, et les rendements ne semblent plus progresser. C’est dans ce contexte que le Projet de protection et de mise en valeur des Bassins versants du Lac Alaotra (BV Lac), financé par l’AFD, expérimente et diffuse les systèmes de culture en semis direct sous couverture végétale. Les systèmes de culture en SCV sont des techniques culturales basées sur la suppression du travail de la terre (en particulier du labour), la couverture permanente du sol par de la biomasse végétale (morte ou vivante) et le “semis direct” à travers cette biomasse (Cirad 2000). Dans ces systèmes, la couverture doit jouer un rôle de protection du sol contre l’érosion, de protection des cultures contre la sécheresse, de frein au développement des adventices et de production d’une biomasse végétale importante pour la culture. Dans la région du Lac Alaotra à Madagascar, les systèmes de culture SCV sont développés en zone sèche et en zone irriguée. Des effets positifs sont attendus au niveau des ménages (amélioration de la durabilité écologique, technique et économique des systèmes de production), mais aussi en termes de biens communs (protection des bassins versant, limitation de l’ensablement des rizières irriguées).

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