Hypothèses du modèle : de la transition théorique à la transition expérimentale

 Hypothèses du modèle : de la transition théorique à la transition expérimentale

Afin d’être interprétable par le modèle de Guillot et al., les conditions expérimentales doivent en respecter les hypothèses. Ainsi, l’écoulement doit être laminaire, ce qui correspond à un nombre de Reynolds inférieur à 1 à l’échelle micrométrique. La gravité doit être négligeable par rapport aux forces capillaires et aux forces visqueuses, respectivement caractérisées par un nombre de Bond et un nombre de Galilée inférieurs à 1. L’hypothèse de lubrification doit être valide, c’est-à-dire que la longueur d’onde des perturbations doit être très supérieure au rayon interne du capillaire. Cette hypothèse permet de négliger la vitesse radiale des deux phases. P. Guillot et al. [65] ont démontré que ce critère est obtenu lorsque x13 est supérieur à 0,3 et, si λ14 est supérieur à 1, x doit être supérieur à 0,6. Les deux fluides doivent également être Newtoniens. Enfin, les équations étant basées sur un écoulement de deux jets coaxiaux, les deux capillaires doivent être parfaitement centrés, comme cela a déjà été précisé. La théorie prédit que la transition entre les instabilités absolues et convectées correspond expérimentalement à une transition entre un régime de gouttes et un régime de jet. Cependant, les observations expérimentales sont plus complexes que cela. Pour les tensions interfaciales dites hautes et intermédiaires (supérieures à 1 mN/m), nous pouvons discerner deux cas. Lorsque le débit externe est faible, la transition se fait en quatre étapes. A débit externe fixé, si nous augmentons progressivement le débit interne, nous traverserons un régime de gouttes, puis un régime de plugs15, suivi d’un régime de jets oscillants se rompant plus loin dans le canal et nous finirons par un régime de jets plats (Figure 36) Au vu des observations expérimentales, la définition de la transition jet-gouttes est aisée dans la zone de jetting. En effet, dans ce cas, la transition expérimentale est en adéquation avec la transition théorique : pour un débit externe fixé, à faible débit interne, nous observons la formation de gouttes et, lorsque le débit interne est augmenté, un jet plat de longueur l dont l’extrémité se rompt en gouttes apparaît progressivement. La théorie requiert l =0 ; néanmoins, nous avons choisi le critère arbitraire l = 6Rc afin de s’affranchir de tout problème d’entrée et d’être certain d’avoir obtenu la transition entre un régime dit de gouttes et un régime dit de jet. La transition étant très rapide en débit, ce critère engendre une incertitude négligeable. Dans le cas de la traversée d’un régime de gouttes, de plugs, de jets oscillants, puis de jet plat, il est délicat de dire si la transition doit être prise entre un régime de plugs et de jets oscillants ou bien entre un régime de jets oscillants et de jets plats (Figure 36). L’existence du jet oscillant montre la complexité de la transition jet-gouttes. On pourrait supposer qu’au premier ordre (analyse linéaire) ce jet est associé à des instabilités absolues. L’observation macroscopique d’un jet oscillant serait alors due à des effets non-linéaires prédominants, correspondant à une instabilité convectée. Dans la mesure où le modèle de Guillot est linéaire, nous pourrions considérer que la transition jet-gouttes expérimentale se situe entre un régime de jets oscillants et un régime de jets plats. Afin de le vérifier expérimentalement, nous avons utilisé un capillaire ayant un traitement de surface hydrophobe et un rayon interne de 265 µm. Le fluide interne est une phase aqueuse (eau distillée + glycérol bidistillé (20,3/79,7) %poids) ayant une viscosité de 47,7 mPa.s et une densité de 1,21 g/cm3 . La phase externe est un mélange d’huile silicone (20 cSt / 500 cSt) (30,3/69,7) %poids ayant une viscosité de 247,3 mPa.s et une densité de 0,97 g/cm3 . La tension interfaciale entre le fluide interne et le fluide externe est de 26,5 ± 2,7 mN/m. Pour  différents débits externes (Qe) fixés, le débit interne (Qi) a progressivement été augmenté et les observations des différents régimes ont été reportées sur le diagramme (Qi-Qe) (figure 39)

Centrage 

Comme mentionné dans le paragraphe I.3.4, le modèle considère deux jets coaxiaux infinis. Le centrage des capillaires est donc a priori primordial. Pour étudier ce point, nous avons utilisé le système de fluides eau+glycérol/huile silicone précédent, ainsi que le capillaire externe de rayon interne égal à 265 µm. Nous avons simplement totalement décentré le capillaire interne, c’est-à-dire qu’il a été positionné contre la paroi interne du capillaire externe, comme cela est illustré par la photographie ajoutée au diagramme (Qi, Qe). Le type des écoulements obtenus pour les différents couples de débits est représenté sur la figure 41. Sur cette même figure, nous avons déterminé la tension interfaciale obtenue en réalisant un ajustement des points expérimentaux grâce à la méthode des moindres carrés. La tension interfaciale ainsi mesurée est de 4,1 ± 0,6 mN/m, ce qui correspond à une erreur de 87 %,comparativement à la valeur mesurée à la goutte pendante qui est de 26,5 ± 2,7 mN/m. Le centrage des deux capillaires constituant le tensiomètre microfluidique est donc primordial. 

Mouillage

 Le mouillage est un problème technique pouvant premièrement conduire au décentrage du jet et deuxièmement, à la modification des débits de transition. Ce problème apparaît lorsque le jet se déstabilise en plugs. Ces derniers ont un rayon supérieur à celui du capillaire externe et sont donc susceptibles de mouiller la paroi si le traitement de surface n’est pas adéquat. Lors du mouillage d’un plug, celui-ci ralentit (vitesse nulle à la paroi), les plugs en amont s’agrègent et coalescent pour former un jet entre la buse et le point de mouillage (figure 42). L’écoulement n’est plus axisymétrique donc le modèle de Guillot ne peut plus être appliqué pour traiter les données expérimentales.

Hypothèse de lubrification

L’hypothèse de lubrification conduit à négliger les vitesses radiales de l’écoulement par rapport aux vitesses axiales. Comme mentionné dans le paragraphe I.3, Guillot et al. ont démontré que pour respecter cette hypothèse, le confinement x doit être supérieur à 0,3 (ou 0,6 si le rapport de viscosité λ est supérieur à 1). Reprenons les résultats expérimentaux obtenus sur la figure 40. Cette figure met en évidence le désaccord entre la transition théorique obtenue avec le modèle de P. Guillot et al. et le point expérimental ayant un débit externe de 20 ml/h. Or, pour ce point uniquement, l’hypothèse de lubrification n’est pas respectée. Cela tend à confirmer l’importance de l’hypothèse de lubrification. Néanmoins, nous avons choisi d’étendre notre étude afin de pouvoir généraliser ce premier constat. Pour cela, nous pouvons chercher à obtenir un rapport de viscosité λ supérieur à 1 afin de durcir les contraintes sur le confinement x. Nous avons par conséquent choisi d’inverser les phases internes et externes, ce qui correspond à injecter l’huile silicone dans le capillaire interne et le mélange eau+glycérol dans le capillaire externe. Les résultats expérimentaux obtenus dans ces conditions sont représentés sur la figure 43. Sur ce graphique, seuls les deux débits externes les plus faibles, soit 0,5 ml/h et 1 ml/h respectent l’hypothèse de lubrification. Pour ces deux débits, la tension interfaciale calculée est identique à celle obtenue à la goutte pendante (26,5 mN/m) puisqu’elles sont respectivement de 28,1 et de 22,1 mN/m et que les barres d’erreur de ces trois mesures se recouvrent. Pour les autres points, ne respectant pas l’hypothèse de lubrification, la tension interfaciale moyenne obtenue est de 12 mN/m, soit une erreur globale de 53 % (figure 43).

Inertie : nombre de Reynolds

Pour étudier l’impact de l’inertie, nous devons augmenter les débits de transition jetgouttes. Or, Guillot et al. [37] ont démontré que cela peut être obtenu en diminuant la viscosité de l’une des phases. D’un point de vue expérimental, il est plus aisé de conserver une phase externe relativement visqueuse afin de s’affranchir de tout problème de mouillage. Nous avons, -10 0 10 20 30 40 50 60 70 -0,2 -0,1 0 0,1 0,2 0,3 Pourcentage d’erreur sur l’IFT mesurée Ecart à l’hypothèse de lubrification -10 0 10 -0,2 -0,1 0 Pourcentage d’erreur sur l’IFT mesurée 94 par conséquent, choisi de conserver l’huile silicone en tant que phase externe et de remplacer la phase interne par de l’eau distillée. Lorsque le débit interne est augmenté afin d’observer la transition jets oscillants-jets plats, l’écoulement devient progressivement inertiel. Il résulte de cela un changement des régimes de transition. En effet, le régime de jets plats n’apparaît plus dans la gamme de débits testés (soit pour des débits inférieurs à 130 ml/h). Ceci nous oblige à prendre la transition entre le régime de plugs et le régime de jets oscillants. Cela conduit à une erreur d’environ 44 % sur la tension interfaciale mesurée, comparativement à la valeur mesurée à la goutte pendante (considérée comme étant la valeur de référence). Ces résultats expérimentaux sont représentés sur la figure 45.

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