Incidence des modes de vie

Incidence des modes de vie

Les liens entre travail et santé étant désormais en grande partie établis, il convient maintenant d’examiner plus en détail l’incidence que peuvent avoir d’autres facteurs – sociaux – sur la santé des individus, et au final sur la longévité. Il est donc temps de voir, à présent, dans quelles mesures les modes de vie propres aux groupes sociaux, c’est-à-dire les différentes habitudes alimentaires, les diverses addictions (alcool et tabac principalement), certaines pratiques (activités physiques, sédentarité, loisirs…), exercent également, à leur façon, des effets propres sur l’espérance de vie. Il semble en effet que cet ensemble de conduites, de comportements, de manières de consommer, de s’occuper de soi, etc., tendent à favoriser et à accentuer (ou au contraire à prévenir et à ralentir, selon les modes de consommation et les pratiques), au sein de certaines populations, le risque de maladies. Bien que les modes de vie, en apparence, semblent répondre de choix individuels, c’est à dire de comportements volontaires, mesurés et consentis – de la part des acteurs/agents – , nous verrons en réalité que le libre arbitre ou la pure volonté individuelle en matière de consommation, de pratiques, n’intervient quasiment pas. Essentiellement car ces choix restent largement soumis au poids des déterminismes sociaux, à la force du social qui « impose » aux individus, qui inscrit dans le corps de ces derniers un certain type de pratiques, de modes de consommation propres à leur condition, c’est-à-dire des conduites et des styles de vie spécifiques que leur condition sociale, économique et culturelle leur permet (sociologiquement parlant) ou ne leur permet pas d’acquérir et d’intégrer.

Alimentation, Conduites alimentaires

En matière de consommation alimentaire, des différences significatives entre hommes et femmes ont déjà pu être observées1. Cependant, si effet de genre il y a sur les différents types de régimes alimentaires, il n’en reste pas moins que le rapport à l’alimentation, allant de la nature même des produits ingérés jusqu’à la construction sociale du goût, reste traversé par des effets de classe qui sont hautement révélateurs de la dimension sociale, culturelle – et pas seulement économique – d’ un acte, celui de manger, qui pourtant paraît comme le plus « naturel » qui soit. Avant d’analyser les principes et les déterminismes qui régissent les conduites alimentaires, voyons d’abord la variation des types de consommation que l’on peut retrouver dans l’espace social – c’est-à-dire toute la diversité des aliments consommés en fonction de l’appartenance sociale – ainsi que les effets que ces pratiques peuvent avoir sur la santé.

Les disparités en matière de consommation alimentaire, notamment entre groupes sociaux, ne sont évidemment pas un fait nouveau. Besoin primaire par excellence, indispensable à la survie de l’organisme et donc au maintien, à l’équilibre de la structure physique et psychique de l’individu2, manger reste pourtant un acte fondamental devant lequel les hommes ne sont pas égaux. Historiquement d’abord, on se souvient à quel point les gens de petite condition – le « menu peuple » – éprouvaient parfois de grandes difficultés à se nourrir convenablement, sans ingérer des substances d’une grande toxicité pour leur santé. Les pauvres, s’ils ne mourraient pas de faim en période de crise de subsistance ou de disette, succombaient toutefois largement aux effets de la malnutrition. On a cependant aussi vu combien les excès, la « goinfrerie » des riches pouvaient occasionner quantité de décès prématurés chez eux. La relation, profondément inégalitaire, que nouent les hommes avec ce besoin primaire qu’est l’alimentation a longtemps été marquée, dans le passé, par des inégalités de fortune3. L’argent, en effet, permet de satisfaire les besoins fondamentaux – manger, se loger, dormir, se vêtir, se soigner, etc. -, alors que l’indigence prive les individus de ces ressources indispensables à leur propre conservation. Bien que cette règle, qui veut que le capital économique, ou plus exactement l’argent, détermine en premier lieu la qualité du rapport à l’alimentation, soit certainement encore en vigueur dans certains pays en « voie de développement »4, il semblerait toutefois que les différences de régimes alimentaires entre catégories sociales, au sein de notre société, ne soient pas seulement le produit de contraintes financières, même si celles-ci pèsent encore lourdement dans l’accès aux besoins les plus élémentaires.

 

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