Indicateurs d’une fausse allégation d’agression sexuelle

Définition d’une fausse allégation d’agression sexuelle

Il existe beaucoup de définitions qui tentent d’expliquer ce qu ‘est une FAAG et celles-ci varient d’une étude à l’ autre, créant ainsi un manque de consensus (Hunt & Bull, 2012; Kelly, 2010). En effet, les auteurs ne s’ entendent pas tous sur le terme utilisé pour décrire le phénomène des fausses allégations ni sur la façon de classer ces dossiers dans les milieux policiers. Par ailleurs, la littérature fait davantage état de définitions légales et policières du phénomène. Certains parlent d’ allégations sans corroboration, c’ est-à-dire lorsqu ‘ il n’ y a aucun élément qui permet de confirmer l’évènement (8inder & McNiel, 2007). Ces auteurs mentionnent deux catégories de cas sans corroboration, soit : (1) lorsque la présumée victime et le présumé agresseur se contredisent par rapport au moment de l’ événement; et (2) lorsque les deux protagonistes disent qu’il s’ est passé quelque chose, mais que leur interprétation de l’événement diffère complètement. Le terme «non fondé» est aussi utilisé par certains auteurs pour désigner une FAAG. Gross (2008) explique que, selon le Federal Bureau of Investigation (FBI), un cas est considéré comme étant non fondé lorsque l’enquête ne révèle aucun élément de preuve suffisant ou lorsque la plainte est fausse.

De plus, cet auteur mentionne que malgré le fait que les F AAG soient souvent classées comme étant non fondées, ce ne sont pas tous les dossiers de cette catégorie qui s’avèrent être faux. Par exemple, un acte sexuel qui n’a laissé aucune blessure physique peut être classé dans les dossiers non fondés dû au manque d’éléments qui permettent de confirmer l’évènement. Dans ce cas, il ne s’agit pas d’une fausse allégation puisque l’acte a eu lieu, il n’ y a seulement pas assez de preuves incriminantes. Donc, le fait de considérer les dossiers non fondés comme étant des fausses allégations peut rendre difficile l’ estimation de leur prévalence puisqu’ elles sont surreprésentées. Katz et Mazur (1979) définissent la F AAG comme un mensonge délibéré par une présumée victime accusant un homme d’un viol qui ne s’est pas produit. J1s ajoutent qu’il peut aussi s’ agir d’ une allégation imaginaire en laquelle la personne croit. La définition proposée par ces auteurs ressemble à celle donnée par Kanin en 1994, soit qu’une fausse allégation de viol consiste en ce qu ‘ une victime rapporte intentionnellement un cas de viol même si celui-ci ne s’ est jamais produit. Hedges (2002) indique plutôt qu’ une allégation est considérée fausse lorsqu’il est impossible d’ établir un lien direct et clair entre les actions de la personne accusée et les dommages subis par la présumée victime.

De son côté, Gross (2008) suggère que les cas considérés comme de fausses allégations devraient se limiter exclusivement aux situations où la personne plaignante a intentionnellement élaboré les allégations de viol ou encore lorsqu ‘ une plaignante qui a réellement été violée accuse consciemment la mauvaise personne. St-Yves (2007) suggère trois critères qui permettent de classer une plainte comme étant non fondée, soit: l’aveu de la présumée victime concernant la fausseté de l’ allégation, le manque de concordance entre la preuve scientifique et les faits rapportés par la présumée victime ainsi que son manque de crédibilité. En ce qui concerne le dernier critère, l’ auteur mentionne qu’il est possible de mettre en doute le fondement d’ une allégation d’agression sexuelle s’ il y a évidence que la victime souffre de trouble délirant ou si elle fait des allégations pour une raison spécifique ou inappropriée. Il est toutefois précisé que ce dernier critère doit être considéré avec prudence puisque l’ interprétation des comportements de la victime peut parfois reposer sur des jugements non fondés. Finalement, les écrits sur le sujet suggèrent que la définition d’ une fausse allégation ne devrait pas se limiter aux situations dans lesquelles la victime laisse tomber ses accusations. En effet, Hunt et Bull (2012) rapportent que dans certains cas, la victime qui a réellement été violée peut décider de retirer sa plainte ou de rapporter que celle-ci était fausse.

La crédibilité de la plaignante St-Yves et Beauregard (2015) mentionnent que le fait d’accuser faussement une victime d’avoir menti peut être délicat puisque le traumatisme lié à l’agression peut alors devenir plus intense et le lien de confiance établi entre cette dernière et l’enquêteur de police peut être brisé. Néanmoins, la perception de la crédibilité de la victime peut être influencée par un certain nombre de facteurs, notamment des changements dans sa version des faits (Burgess & Hazelwood, 2001), de son statut civil ou occupationnel (Page, 2010) ainsi que des antécédents criminels du présumé agresseur et de sa réputation (Binder & McNiel, 2007). De son côté, Bénézech (2007) fait état des caractéristiques personnelles de la victime, qui sont utilisées de façon unanime par les procureurs de la Couronne pour déterminer la crédibilité de la plainte. Parmi celles-ci se trouvent la cohérence, la sincérité, le comportement adéquat ainsi que la facilité, pour la plaignante, à se souvenir et à communiquer. La cohérence fait référence au fait que la victime est logique dans ses déclarations, entre ses déclarations et celles des témoins et dans son comportement après l’ agression. Pour ce qui est de la sincérité, la victime est considérée comme étant digne de confiance lorsqu ‘ elle raconte les faits exactement, et ce, sans ajouter d’ éléments superflus. Le comportement adéquat de la victime fait référence au fait qu ‘ elle n’ est pas agressive devant la défense, elle est confiante et relaxée, elle ne démontre pas d’animosité exagérée, elle montre du désarroi mais elle n’ est pas en retrait lorsqu ‘ elle doit expl iquer l’agression et elle est curieuse quant aux procédures judiciaires.

En ce qui a trait à la facilité à se souvenir et à communiquer, les éléments à considérer sont le fait que la victime se rappelle ce qui est arrivé, qu ‘elle soit capable de décrire l’événement de façon intelligente et précise et qu ‘ elle se concentre sur les éléments entourant l’acte plutôt que d’ exprimer son opinion concernant l’accusé. Par rapport à ce dernier élément, Berliner et Loftus (1992) rapportent que la plainte peut être faite immédiatement après le fait, mais parfois il peut y avoir un délai important. Dans les cas d’abus pendant l’enfance, le délai peut s’étendre jusqu’à l’âge adulte. Ainsi, lorsque la victimisation est rapportée plusieurs années plus tard, il se peut qu ‘ il y ait une incohérence et des hésitations dans le discours telles que retrouvées dans les cas de fausses allégations. Jordan (2004) mentionne qu’il y a plusieurs femmes victimes de viol qui doivent se battre pour obtenir une crédibilité aux yeux des enquêteurs de police. Il parle de préjugés à l’égard de celles-ci ainsi que d ‘ une culture et des perceptions policières qui ne sont pas favorables pour ces dernières. Selon cet auteur, ceci ferait en sorte que de nombreuses femmes s’abstiennent de rapporter leur expérience de viol puisque les expériences des victimes continues d ‘être vues de façon erronée. Il faut donc faire attention pour ne pas tomber dans le piège du scepticisme en regard des plaignantes de viol. Puisque la détection des fausses allégations d’agression sexuelle est une tâche difficile à faire sur la base d’ éléments évaluant la crédibilité de la victime, certains auteurs ont tenté de faire ressortir les différences entre les cas d’agressions sexuelles fondées et les cas de fausses allégations. Celles-ci seront présentées dans la prochaine section.

Différences entre une vraie allégation d’agression sexuelle et une FAAG La littérature fait état qu ‘à ce jour, il ne semble pas y avoir de profil type d’une victime d’ agression sexuelle ni de profil type de l’ agresseur, ce qui rend difficile la distinction entre une vraie allégation et une FAAG. De plus, il n’ y a pas de scénario typique d’ une agression sexuelle. Celle-ci se produit dans différents contextes et est constituée d’ une variété de circonstances et d’ activités (Berliner & Loftus, 1992). Malgré tout, certains auteurs ont tenté de faire ressortir les différences entre une vraie allégation d’agression sexuelle et une fausse. Les éléments présentés dans la présente section sont davantage des différences remarquées entre une vraie allégation d’agression sexuelle et une fausse plutôt que des indicateurs pouvant prédire la fausseté d’ une allégation. La question des indicateurs des FAAG sera abordée dans la section suivante. D’abord, des auteurs se sont penchés sur les caractéristiques présentes dans les cas d’agressions sexuelles fondées en comparaison avec les cas de FAAG. Dans une étude néerlandaise effectuée en milieu policier, Rassin et Van der Sleen (2005) ont utilisé 43 critères hypothétiques, considérés comme étant des critères de crédibilité, pour différencier une vraie allégation d’agression sexuelle d’ une FAAG.

Pour considérer un dossier comme une allégation fondée, la plainte devait avoir mené à une condamnation de l’agresseur alors que les cas de FAAG devaient avoir mené à la condamnation de la 15 plaignante pour fausse déclaration. À partir d’un échantillon restreint (notamment en raison de la définition stricte utilisée), un total de 41 dossiers de plaintes d’agressions sexuelles impliquant un agresseur inconnu ont été retenus (27 vraies allégations et 14 FAAG). Ensuite, les auteurs ont évalué le pouvoir discriminant de chacun des critères de leur liste en évaluant la sensibilité de chacun des critères (présence dans les vraies allégations d’agression sexuelle), la sélectivité (absence dans les FAAG) ainsi que la valeur diagnostique en divisant les vrais positifs par les faux positifs. Les résultats suggèrent qu ‘aucun de leur critère, pris individuellement, ne permet de distinguer parfaitement une vraie d ‘ une fausse allégation. Cependant, sur le plan qualitatif, leurs résultats sont intéressants puisqu ‘ ils mettent en lumière des caractéristiques qui sont souvent présentes dans des cas d’agressions sexuelles fondées.

Parmi celles-ci se trouvent: l’ allégation qui est instituée par la victime elle-même, l’ allégation qui est effectuée immédiatement après l’ agression, les aspects techniques de l’enquête qui supportent l’ allégation, des blessures à des endroits douloureux (lèvres, mamelons, parties génitales), le comportement approprié selon le contexte, la victime qui s’ attribue une part de responsabilité dans le crime, la description des interactions verbales avec l’ agresseur et la description des interactions non-verbales avec l’ agresseur. En 2006, Marshall et Alison ont voulu évaluer l’ utilité d’ une analyse comportementale structurée afin de différencier les vraies allégations d’ agression sexuelle des FAAG. Le principe de leur analyse est d ‘évaluer la cohérence comportementale des FAAG comparativement à celle des agressions sexuelles fondées. Les auteurs ont utilisé 142 déclarations d’agressions sexuelles fondées et 30 déclarations non fondées d’agression sexuelle. Leurs résultats suggèrent que dans les vraies déclarations, les victimes ont davantage tendance à rapporter un plus grand nombre de comportements sexuels comparativement aux déclarations non fondées. De plus, les vraies victimes rapporteraient davantage de comportements pseudo-intimes (p. ex., baisers, accolades) alors que les fausses victimes déclareraient plus de comportements violents de la part de l’agresseur. Finalement, leurs résultats suggèrent que les déclarations non fondées ont une moins grande cohérence comportementale comparativement aux déclarations fondées.

Table des matières

Sommaire
Liste des tableaux
Remerciements
Introduction
Contexte théorique
Définition d’ une fausse allégation d’agression sexuelle
Prévalence du phénomène
Motivations sous-jacentes aux fausses allégations d’agression sexuelle
La crédibilité de la plaignante
Différences entre une vraie allégation d’agression sexuelle et une F AAG
Indicateurs d’une fausse allégation d’agression sexuelle
Méthode
Définition et cotation des variables à l’étude
Cueillette de données et considérations éthiques
Échantillon et outil utilisé
Analyses statistiques
Résultats
Analyses bivariées
Régression logistique hiérarchique
Discussion
Retour sur l’ objectif principal de l’étude
Limites de l’étude
Forces de l’étude
Recherches futures
Conclusion
Références

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