Introduction aux bactériophages

Introduction aux bactériophages

La virosphère

Une particule virale est une entité biologique capable de se reproduire avec un répertoire génétique minimal. Ces biosystèmes élémentaires possèdent certaines propriétés des systèmes vivants, comme la présence d’un génome ou la capacité de s’adapter aux changements environnementaux. Cependant ils sont dépourvus d’activité métabolique propre ; ils peuvent persister par euxmêmes mais ont besoin d’un hôte approprié pour se développer et se multiplier. Tous les virus sont donc des parasites intracellulaires obligés qui dépendent complètement, pour leur réplication, de la machinerie biochimique des cellules qu’ils infectent. Un virus doit impérativement introduire son génome (ADN ou ARN simple ou double brin) dans une cellule hôte afin d’en assurer l’expression : une fois le génome introduit, la cellule hôte fournit la machinerie métabolique et biosynthétique nécessaire à la formation de nouvelles particules virales complètes, les virions. Les virus infectent des organismes dans les trois domaines du vivant (archées, bactéries et eucaryotes) et constituent l’entité biologique la plus abondante sur la planète. On estime qu’ils surpassent en nombre leurs cellules hôtes d’au moins un ou deux ordres de grandeur [8, 7]. Cette énorme « virosphère » (figure 6.1) 1 est omniprésente (du fond des océans jusqu’aux couches supérieures de l’atmosphère) et vraisemblablement responsable d’une importante pression de sélection sur les organismes cellulaires. Elle fait l’objet de questions fondamentales concernant non seulement le domaine de la virologie mais celui de la biologie en général : comment le domaine des virus est-il organisé, quelle est l’origine des virus et comment ont-ils évolué ? 1. Curtis Suttle, 2005, « Portion de la terre où les virus interagissent avec leurs hôtes » : à l’extérieur de la cellule hôte les particules virales en tant que telles ne sont pas fonctionnellement actives. Le terme virosphère fait référence à l’interaction hôte-pathogène qui confère aux virus les caractéristiques d’un système vivant.  Figure 6.1 – Diversité de la virosphère. (source http ://www.ictvdb.org/ ; ICTVdB : The Universal Virus Database of the International Committee on Taxonomy of Viruses) 

 Les bactériophages

Les virus qui ont pour hôte les eubactéries et les archées sont appelés bactériophages ou tout simplement phages. 

La découverte

Les premiers bactériophages ont été découverts en 1915 à Londres par le pathologiste britannique Frederick W. Twort qui, en travaillant avec des cultures de Micrococcus, a observé que certaines colonies prenaient parfois un aspect muqueux, pâle ou vitreux. Cet aspect vitreux pouvait être induit dans des colonies normales par simple contact avec un peu de matériel des colonies pâles. La transformation pouvait être propagée indéfiniment indiquant la présence d’un agent infectieux transmissible [124]. De façon indépendante, en 1917 Félix d’Hérelle, scientifique franco-canadien travaillant à l’Institut Pasteur, a découvert un microbe qui induisait la lyse des bactéries en culture liquide et la formation de taches claires (qu’il a appelées « taches vierges ») dans des cultures bactériennes sur agar. D’ Hérelle a décrit ces microbes, il a postulé leur multiplication intracellulaire et leur parasitisme obligé et il les a nommés bactériophages [124]. Plus tard, en utilisant le dénombrement de ces taches claires (qu’on appelle aujourd’hui plages de lyse) comme moyen de titrage des phages, il a observé une augmentation de la population virale au fur et à mesure du rétablissement des patients atteints des maladies infectieuses d’origine bactérienne. Ces résultats l’ont conduit à présenter les phages comme des agents bactéricides naturels et comme agents thérapeutiques potentiels [124]. La nature virale des bactériophages a été reconnue définitivement aux alentours des années 1940 après la mise au point du microscope électronique.

Evolution et écologie

L’hétérogénéité des structures et des propriétés biologiques et physicochimiques des virus (hôtes, contenu génétique, mécanismes de régulation, effets physiologiques…) suggèrent qu’ils sont d’origine polyphylétique 2 . Au fur et à mesure que la connaissance sur les virus augmente, il semble qu’on puisse les organiser en un nombre restreint de lignées virales constituées des membres infectant les hôtes des différents domaines du vivant. Chacune des lignées virales aurait évolué à partir d’un ancêtre commun présent sur la terre avant la divergence entre eubactéries et archées-eucaryotes, il y a 3-3,5 milliards d’années. [65, 7, 52, 8]. Sachant que les procaryotes ont précédé d’un milliard d’années l’apparition des premiers eucaryotes, on peut penser que, lors des débuts de la vie sur la terre, les interactions phage hôte étaient les relations biologiques dominantes. Les phages, principaux agents de mortalité, étaient probablement les gardiens de la diversité biologique. Ils ont été des acteurs essentiels du recyclage de la matière organique et des nutriments par la lyse cellulaire et, de ce fait, les conducteurs des cycles énergétiques. Ces mêmes processus caractérisent encore aujourd’hui les principales interactions écologiques entre les phages et leurs hôtes [47, 125]. Les communautés de phages constituent, sans doute, le plus grand réservoir de diversité génétique sur la terre. Au moyen du transfert horizontal des gènes 3 , les phages sont des vecteurs de matériel génétique et permettent l’échange d’ADN entre différentes souches bactériennes. Ils ont donc un impact majeur sur l’évolution des génomes bactériens. 

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