La ferrite de bismuth, un matériau pérovskite aux multiples propriétés

La ferrite de bismuth, un matériau pérovskite aux multiples propriétés

La ferrite de bismuth (BiFeO3 ou BFO) est un matériau semi-conducteur connu pour faire partie de la famille des rares matériaux qu’on appelle matériaux multiferroïques.(Eerenstein, Mathur, & Scott, 2006; Wu, Fan, Xiao, Zhu, & Wang, 2016) Cet oxyde se démarque des autres matériaux multiferroïques principalement parce qu’il fait partie des quelques très rares matériaux à présenter, à l’état pur, plusieurs ordres ferroïques qui coexistent à température ambiante (Catalan & Scott, 2009; Hill, 2000; Wu et al., 2016).

Ce matériau a été en grande partie étudié pour son intégration dans des dispositifs de mémoire de stockage de l’information dû à ses propriétés à la fois ferromagnétiques et ferroélectriques (Jain et al., 2015; Larousserie, 2013; Nechache, 2009; Prokhorenko, 2015). La découverte du couplage entre ces deux propriétés a rendu ce matériau encore plus attrayant et intriguant pour les scientifiques, qui n’hésitent pas à qualifier ce matériau de « magique et fascinant » (Larousserie, 2013). L’engouement actuel pour la ferrite de bismuth s’explique par le grand nombre de propriétés et de couplages qui ont été découverts, au cours des dernières décennies, dans ce matériau lui permettant ainsi d’être utilisé dans diverses applications.

Depuis sa découverte, il y a près de 60 ans, on lui découvre de nouvelles propriétés tous les 20 ans, cela en fait un matériau très prometteur susceptible de révolutionner l’informatique, l’électronique et la télécommunication dans un futur très proche (Larousserie, 2013).

La structure cristalline de la ferrite de bismuth 

On qualifie la ferrite de bismuth de matériau pérovskite. Cette appellation prend son origine de la structure du minéral de titanate de calcium, CaTiO3, découvert pour la première fois par Gustav Rose et qui l’a nommée en l’honneur du minéralogiste Lev Alekseevich von Perovski (Locock & Mitchell, 2018).

Un matériau pérovskite est donc un matériau possédant une structure cristalline similaire au CaTiO3. Dans la nature, ces matériaux pérovskites se présentent généralement sous la structure quadratique/tétragonale, orthorhombique voire rhomboédrique, selon la qualité de la symétrie de la structure (Brivio et al., 2015; Harari & Baffier, 2015; Perca, 2007). Ces différentes structures cristallines peuvent être assimilées à des structures cubiques distordues (Brivio et al., 2015; Harari & Baffier, 2015; Perca, 2007). Pour décrire ces matériaux pérovskites, on privilégie alors l’emploie de la structure de type cubique. Ainsi on dit qu’un matériau pérovskite possède une structure cubique dans laquelle les cations A et M et les anions X du cristal AMX3 s’organisent d’une manière particulière dans le cristal (Lelièvre, 2017; Wu et al., 2016). La structure idéale de la pérovskite est présentée en figure 1.1. On retrouve les cations sur les sommets et au centre du cube, ils suivent l’arrangement de la structure cristalline de NaCl (Lelièvre, 2017; Wu et al., 2016). Les anions X sont centrés sur chacune des faces du cube formant un octaèdre autour du plus petit cation M central (Lelièvre, 2017; Nechache, 2009; Wu et al., 2016). Le barycentre des charges positives et celui des charges négatives sont alors confondus et centrés dans cette structure idéale.

Dans le cas de la ferrite de bismuth, la position du cation A est attribuée à l’ion de bismuth Bi3+, celle de M est associée au fer Fe3+ et le X à l’oxygène O2+ (Wu et al., 2016). Dépendamment des divers phénomènes qui accompagnent sa cristallisation, cette structure pérovskite peut être déformée et prendre la forme d’un cristal pseudo cubique ou aussi appelée structure cubique distordue : elle est donc non idéale (Guennou, Viret, & Kreisel, 2015). Dans la structure non idéale, on constate un déplacement différent des charges positives (portées par les cations) et/ou des charges négatives (portées par les anions) dans la maille élémentaire du cristal. Cela peut être causé par une orientation particulière des octaèdres MX6 ou par d’autres phénomènes tels que des lacunes d’oxygène ou la substitution partielle du cation M par dopage engendrant un ordre cationique partiel de M dans la structure (Nechache, 2009). Dans cette structure pseudo-cubique, les barycentres des charges ne sont plus confondus.

À température ambiante, la ferrite de bismuth se présente sous la forme d’une structure cristalline dite de pérovskite déformée où le paramètre de maille ap vaut 3,96 Å et l’angle αp vaut 89,47 ° (Dupe, 2011; Ederer & Spaldin, 2005b). En règle générale, elle cristallise suivant la structure de double pérovskites distordues ou suivant la structure de type rhomboédrique distordue de groupe d’espace R3c où le paramètre de maille arh vaut 5,63 Å et l’angle rhomboédrique αrh est de 59,35 °, que l’on peut aussi décrire par la structure hexagonale de paramètres de maille ahex valant 5,58 Å et chex de 13,90 Å de même groupe d’espace (Godara, Sinha, Ray, & Kumar, 2014; Nechache, 2009; Wu et al., 2016) .

Les propriétés de la ferrite de bismuth

Comme on a pu le voir précédemment, la structure cristalline de la ferrite de bismuth est à l’origine des diverses propriétés qui lui sont associées. Ce matériau, dit multifonctionnel, présente simultanément des propriétés électriques, magnétiques, mécaniques, thermiques et optiques que je décris ci-dessous. Nous exposerons, tout d’abord, les propriétés électriques et photovoltaïques de la ferrite de bismuth, puis nous présenterons ses autres propriétés.

À l’état massif, la ferrite de bismuth présente un ordre ferroélectrique en dessous de sa température de Curie Tc située à 1103 K (Ghosh, Dasgupta, Sen, & Maiti, 2005). Au-delà de cette température le matériau devient paraélectrique (Jenus, 2014). .

L’ordre ferroélectrique se caractérise par une polarisation électrique spontanée dans le matériau (Cohen, 1992; Prellier, Singh, Simon, & Raveau, 2008). Cette polarisation mesurable à l’échelle macroscopique s’explique au niveau atomique par la disposition des ions dans la maille cristalline (Cohen, 1992; Prellier et al., 2008). Lors du passage aux températures T inférieures à la température de Curie Tc, on observe une distorsion structurale de la maille cristalline du matériau qui perd alors sa forte symétrie (Cohen, 1992; Prellier et al., 2008). La nouvelle position des ions dans cette maille crée une polarisation électrique interne qu’on appelle polarisation rémanente Pr (Catalan & Scott, 2009; Khikhlovskyi, 2010). Dans le cas du BFO, cette polarisation est orientée selon l’axe [111] de la structure pseudo cubique (Catalan & Scott, 2009; Ederer & Spaldin, 2005b; Khikhlovskyi, 2010).

Cette polarisation électrique interne peut être gouvernée par un champ électrique externe qui pourra diriger les dipôles électriques du matériau (Cohen, 1992; Eerenstein et al., 2006). Sous un champ électrique suffisamment élevé, les dipôles vont tous être orientés selon une direction spécifique permise par le réseau cristallin: la polarisation de saturation Ps est atteinte (Acosta et al., 2017). Une hystérésis décrit ce comportement ferroélectrique (Acosta et al., 2017) . Hors champ électrique externe, on retrouve la polarisation électrique interne du matériau c’est-à-dire sa polarisation rémanente (Acosta et al., 2017).

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 ETAT DE L’ART SUR LA FERRITE DE BISMUTH ET INTRODUCTION AUX PHOTODÉTECTEURS
1.1 La ferrite de bismuth, un matériau pérovskite aux multiples propriétés
1.1.1 La structure cristalline de la ferrite de bismuth
1.1.2 Les propriétés de la ferrite de bismuth
1.1.3 Domaines d’application actuels de la ferrite de bismuth
1.2 Les photodétecteurs
1.2.1 Principe de fonctionnement et caractéristiques des photodétecteurs
1.2.1.1 Principe de fonctionnement d’un photodétecteur actif
1.2.1.2 Caractéristiques d’un photodétecteur
1.2.2 Les photodétecteurs en lien avec notre étude
1.2.2.1 Photodétecteurs à base de ferrite de bismuth
1.2.2.2 Photodétecteurs à base de pérovskite organométallique
CHAPITRE 2 OBJECTIF ET MÉTHODOLOGIE EMPLOYÉE
2.1 Objectif
2.2 Méthodologie employée
2.2.1 Sélection des méthodes de synthèse et de dépôt
2.2.2 Sélection du substrat
2.2.3 Protocole suivi pour le développement des couches minces de BFO
2.2.4 Outils de caractérisation structurale, morphologique et optique
2.2.5 Architecture du dispositif
2.2.6 Protocole suivi pour le développement de la couche de pérovskite organométallique pseudo halogénique
2.2.7 Méthode employée pour le développement complet du dispositif final
2.2.8 Réalisation des mesures optoélectroniques
2.2.9 Optimisation des paramètres de synthèse
CHAPITRE 3 RÉSULTATS ET DISCUSSION CONCERNANT LA SYNTHESE DES COUCHES MINCES DE FERRITE DE BISMUTH
3.1 Résultats des caractérisations structurale, morphologique et optique
3.2 Discussion
CHAPITRE 4 CARACTÉRISATIONS OPTOELECTRONIQUES DES DISPOSITIFS À BASE DE BFO DÉVELOPPÉS
4.1 Résultats optoélectroniques des photodétecteurs à base de BFO pur
4.1.1 Expériences préliminaires
4.1.2 Mesures optoélectroniques
4.2 Discussion
4.3 Voie d’optimisation des photodétecteurs explorée par le dopage au chrome
4.4 Discussion des premiers résultats concernant le dopage de la ferrite de bismuth
CONCLUSION

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