La gestion de l’eau

La gestion de l’eau

Une gestion de l’eau en fonction de l’offre Cette section évalue, à petite échelle (delta du Sénégal), la mise en œuvre de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau au Sénégal. Dans ce cadre, il s’agit de répondre à deux questions majeures : – quelle gouvernance de l’eau à travers des institutions agissant à différentes échelles spatiales s’avère souhaitable et possible ? Et – quelle gestion intégrée de la ressource (gestion multidimensionnelle assurant le meilleur équilibre entre la demande et l’offre) est à mettre en œuvre dans un délai raisonnable ? 

Une gestion de l’eau par filières

Définition de la gestion par filières 

La gestion par filières est fondamentalement liée à une gestion par l’offre. Elle s’attache à la satisfaction en quantité et en qualité de tous les besoins (GHIOTTI, 2007). Dans le delta, il s’appuie sur l’articulation besoin / offre dans un contexte de relative disponibilité de l’eau (politique de grands barrages). Cette stratégie de gestion est d’autant plus prégnante et durable que le fleuve Sénégal n’est aujourd’hui que partiellement maîtrisé. Ce qui veut dire que l’offre et la demande peuvent corrélativement augmenter et s’ajuster. En effet, environ 50 % des eaux du fleuve transitent par Manantali (affluent du Bafing) ; les autres affluents (Bakoye, Falémé, etc.) n’étant pas régularisés (cf. Fig. 51). De même, un volume d’eau important est rejeté en aval du barrage de Diama, dans la zone estuarienne (env. 60 % du volume d’eau transitant par Bakel1 ). La gestion par filières est articulée dans un triptyque : une politique de grands barrages, l’usage (filière) et l’État comme acteur dominant, et cela en fonction des logiques propres à chaque acteur qui génère des dynamiques potentiellement contradictoires avec les dynamiques globales (ou vice versa), mais en assurant la reproductibilité qualitative et quantitative de la ressource (GHIOTTI, 2005). La gestion par filières est une organisation de gestion basée sur une ressource spécifique (l’eau par exemple) et des filières comprenant un ensemble de normes, savoir-faire et procédés en s’appuyant sur des institutions qui assure le fonctionnement et le financement d’investissement souvent lourd (CALVO-MENDIETA, 2005). En fonction de toutes ces logiques économiques et politiques, l’eau est gérée selon quatre filières dites utiles : l’urbaine, l’industrielle, l’agricole (GHIOTTI, 2007) et la navigation. Ces filières font référence à cinq usages : l’eau potable pour les agglomérations urbaines et les espaces ruraux, les agro-industries (CSS1 , GDS2 , SOCAS3 , etc.), les zones écologiques (Parc de Djoudj, Parc de Diawling, le Ndiael, etc.), l’agriculture irriguée et la navigation. Ce modèle est au croisement des logiques mercantilistes et productivistes de fractionnement des usages sur la base d’une segmentation des milieux naturels (GHIOTTI, 2007) alors que les logiques actuelles vont plutôt dans le sens d’une Gestion Intégrée des Ressources en Eau. Ce modèle se traduit alors par l’attribution, à chaque usage, d’un volume d’eau (logique de quantification des besoins) à l’échelle de l’OMVS et la segmentation/hiérarchisation du milieu naturel à l’échelle du delta (arbitrage des conflits potentiels). Son ancrage est largement lié à la politique de maîtrise de l’offre mise en place dans le delta depuis les années 1980 et qui est destinée à satisfaire les besoins des différents usages tout en ignorant le cadre strict du bassin versant ou hydrologique (transfert d’eau hors bassin versant). Le cadre de la gestion dépasse alors le cadre strict des bassins versants. L’organisation de l’espace se fait à trois niveaux : – les barrages qui structurent l’espace hydraulique scindé en plusieurs biefs (retenue d’eau douce) ; – les réseaux d’irrigation, à travers les stations de pompage, qui structurent, à toutes les échelles, l’espace hydroagricole (économique) ; – les réseaux d’eau potable, pour les zones urbaines qui créent de nouveaux territoires de l’eau ou qui recomposent les rapports socioculturels par rapport aux ressources et à leur support spatial. Les réseaux d’irrigation et de drainage, de transfert de l’eau et les retenues d’eau douce sont imbriqués dans des territoires économiques traditionnels (mobilité sylvopastorale et agricole). Cette juxtaposition des territoires est le résultat d’une gestion par filières qui n’a pas su prendre en compte les différents usages et aspects locaux de l’eau (foncier, organisation socioanthropologique) en présence. Les filières modernes sont exclusives (eau potable, agribusiness, irrigation) dans la répartition des ressources hydriques. Les filières traditionnelles (élevage extensif, agriculture pluviale et de berge, pêche, anciennes dépressions alimentées par la crue du fleuve) sont peu ou pas prises en compte dans la répartition de l’offre. La gestion des ressources en eau dans le delta du Sénégal est structurée autour de l’offre. Celle-ci renvoie à la gestion des ouvrages hydrauliques, des retenues/réservoirs d’eau douce, mais aussi à celle des zones de drainage. Cet ensemble forme un système gravitaire commandé depuis l’amont (barrages de Manantali et Diama).

La filière agricole 

Pour ajuster l’offre au besoin (filière agriculture irriguée), la Commission Permanente des Eaux s’appuie sur les calculs standardisés faits par Gannett Fleming (1978). Cette mission a calculé les besoins des différentes cultures envisagées dans le delta du Sénégal (en faisant abstraction sur la nature des sols et du couvert végétal, mais en tenant compte des besoins évaporatoires). Ces calculs sont fonction de cinq spéculations : la canne à sucre, le riz, la tomate, les cultures maraîchères (légumes, fruits) et le maïs (Fig. 138)La principale culture dans le delta du Sénégal est incontestablement le riz qui a transformé le paysage économique, social et naturel. Le riz est cultivé en contre-saison chaude (contresaison chaude, de février à juillet) et en hivernage (août – décembre). Les besoins sont évidemment plus importants en contre-saison chaude (2 900 ha/m3 ) qu’en hivernage (2 600 ha/m3 ) avec des variations spatiotemporelles. Près de 60 000 ha de riz sont exploités en contresaison chaude et en hivernage dans le delta du Sénégal (Fig. 138). La culture de canne à sucre (filière agro-industrie) est annuelle. Elle est pratiquée par la Compagnie Sucrière Sénégalaise (CSS) sur 8 600 ha. Les besoins tournent, en moyenne, autour de 2 500 m3 /ha, avec de fortes disparités temporelles. En effet, les besoins les plus importants se trouvent en période de contre-saison chaude (avril à juin) ; les besoins étant supérieurs à 2 500 m3 /ha. Les spéculations maraîchères ont un besoin moyen estimé à 1 430 m3 /ha. La production se fait essentiellement en contre-saison froide (CSF) sur près de 3 000 ha pour la tomate, 3 500 ha pour l’oignon et 4 000 ha pour les autres productions (aubergine, pastèque, etc.). La production de tomate est revendue à la SOCAS (Société de Conserves Alimentaires du Sénégal) sur la base d’un contrat de production associant la société de transformation de la tomate et les paysans du delta. La Société de Tomate Séchée (STS), quant à elle, produit, sur 110 ha en goutte-à-goutte, de la tomate industrielle destinée au marché italien. Enfin, les GDS (Grands Domaines du Sénégal) produisent, en culture sous serre, du maïs doux, des haricots verts, etc. Les prélèvements sont estimés à près de 6 000 m3 /jour. En combinant ces spéculations, il apparaît des pics de besoin entre mars – avril et août – octobre. La réponse à ces besoins est donc basée sur le soutien d’étiage qui permet de maintenir un certain niveau d’eau dans le bras principal du fleuve Sénégal. La filière agriculture représente près de 98 % dans la demande en eau dans le delta du Sénégal alors que celle de l’AEP est d’environ 2 %. L’enjeu de la gestion de l’eau dans le delta se situe dans la satisfaction des besoins en période de pointe (CSC) qui coïncide, dans le cycle hydrologique naturel, à l’étiage. Cette gestion est alors articulée à une armature d’ouvrages hydrauliques qui structure un hydrosystème largement artificialisé dans le delta du Sénégal.

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