La maladie de Parkinson

Cours la maladie de Parkinson, tutoriel & guide de travaux pratiques en pdf.

Neuropathologie

Dégénérescence du système Daergique

L’une des déficiences pathologiques des plus évidentes dans la MP est la perte de neurones DAergiques au niveau de la substance noire pars compacta (SNpc) (Kordower et al., 2013; Capriotti and Terzakis, 2016). La dégénérescence des projections DAergique de la SNpc vers le striatum engendre une diminution importante de la dopamine (DA) dans ce sentier cérébral (Calon et al., 2003). La partie ventrolateral de la SNpc reliée à la partie dorsale du putamen dans le striatum est sans doute la plus touchée, comptabilisant 95 % des pertes en neurones DAergiques (Damier et al., 1999). Des études ont d’ailleurs montré qu’une altération pathologique menant à une perte modérée ou sévère des cellules DAergiques dans cette région serait à l’origine de la bradykinésie et de la rigidité (Dickson et al., 2009).
À partir des années 80, la description des modèles de voies décrivant l’architecture entourant les ganglions de la base a représenté une avancée décisive dans le domaine des neurosciences (Penney and Young, 1986; Albin et al., 1989; Prensa et al., 2003). Aujourd’hui, nous savons que la voie de signalisation vers les ganglions de la base via le striatum, le globus pallidus interne (GPi) et la SN pars reticula (SNr) est principalement touchée dans la MP. L’activité des neurones épineux moyens du striatum se traduit par la transmission du signal vers le GPi et la SNr via une synapse γ-aminobutyric acid (GABA)ergique (voie directe). Il en résulte une inhibition de l’activité inhibitrice dirigée vers le thalamus. Il existe également une voie vers le globus pallidus externe via plusieurs synapses GABAergiques passant par le noyau sous-thalamique (voie indirecte) qui vient amplifier le signal inhibiteur dirigé vers le thalamus. On retrouve donc une voie directe qui agit de manière excitatrice sur le cortex et une voie indirecte exerçant une fonction inhibitrice sur le cortex (Redgrave et al., 2010).
Lors de condition physiologique, la DA relâchée par la voie nigrostriale module la transmission corticostriale au niveau des neurones épineux moyens exprimant les récepteurs à DA, D1 ou D2, qui vont mener à l’activation ou à la suppression du mouvement, respectivement (Kravitz et al., 2010; Tritsch and Sabatini, 2012; Calabresi et al., 2014). En plus de jouer un rôle dans le contrôle moteur, plusieurs recherches suggèrent que la DA provenant de la SNpc pourrait jouer un rôle important dans l’apprentissage moteur (Faure et al., 2005; Bromberg-Martin et al., 2010).
Plusieurs voies ont été proposées pour expliquer la vulnérabilité et la dégénérescence des neurones DAergiques. L’augmentation du nombre de synapses par neurone, par exemple, pourrait accroitre la vulnérabilité de ces cellules en les surexposant à des stimulations de d’autres populations de neurones (Hindle, 2010). De plus, un déséquilibre dans l’homéostasie de la DA synaptique pourrait induire l’accumulation de ce neuromédiateur dans le cytoplasme des neurones, augmentant le taux d’oxydation et de production de dérivés réactifs de l’oxygène (ROS) (Bisaglia et al., 2007). On note également que la neuromélanine présente dans les neurones DAergiques pourrait quant à elle lier les métaux toxiques, comme le fer, et contribuer à la neurodégénérescence (Sian-Hülsmann et al., 2011; Zucca et al., 2017). Finalement, il a été montré que les neurones DAergiques sont plus susceptibles à l’action des médiateurs inflammatoires comparativement aux autres types de neurones (Herrera et al., 2005).

L’alpha-synucléine et les corps de Lewy

Bien que les causes des maladies neurodégénératives, dont le Parkinson, soient aussi nombreuses que leur diversité, la grande majorité d’entre elles ont en commun l’agrégation de protéines. Les maladies neurodégénératives, appelées protéinopathies, sont également caractérisées par de mauvais enchevêtrements de protéines principalement au niveau cytosolique (tel qu’observé dans la MP) et au niveau extracellulaire (par exemple, la maladie d’Alzheimer) (Rubinsztein, 2006). Dans la MP, l’α-Syn fut identifiée comme étant une protéine importante, notamment par la découverte de mutation sur le gène SNCA, comme discuté à la section 1.1.2.2 (Polymeropoulos et al., 1997; Spillantini et al., 1997).
L’α-Syn est une protéine soluble de 140 acides aminés identifiés dans plusieurs maladies surnommées « Synucléinopathies » (Snead and Eliezer, 2014). La fonction ou les fonctions physiologiques de l’α-Syn restent pour l’instant inconnu. Cependant, on reconnaît sa présence aux terminaisons présynaptiques ainsi que son association aux vésicules synaptiques. Lorsque la protéine est surexprimée ou sous-exprimée, on remarque une déficience dans la transmission synaptique, suggérant des rôles dans la régulation du relargage des neurotransmetteurs. L’α-Syn pourraient donc jouer sur la fonction synaptique et/ou la plasticité synaptique (Withers et al., 1997; Lee et al., 2008; Watson et al., 2009; Lashuel et al., 2012). Des études semblent également montrer qu’elle pourrait avoir une interaction directe avec la DA (Souza et al., 2000; Perez et al., 2002; Butler et al., 2015; Fakhree et al., 2016). Sous forme phosphorylée ou ubiquitinée, l’α-Syn se lie à d’autres protéines telles que la synphiline-1, l’ubiquitine et Cdk5 pour former des agrégats (Wakabayashi and Takahashi, 2000; Kawamata et al., 2001; Fujiwara et al., 2002; Tofaris et al., 2003; Nonaka et al., 2005). L’α-Syn peut exister sous différentes structures incluant une forme monomérique soluble, une forme tétramérique pliée en hélice-α résistante à l’agrégation, une forme polymérique soluble ou une forme fibrillaire regroupé en feuillets β pouvant mener à la formation d’enchevêtrements protéiques appelés corps de Lewy (Bartels et al., 2011; Volpicelli-Daley et al., 2011; Fauvet et al., 2012).
Pour le moment, nous ignorons toujours le rôle des corps de Lewy dans le développement de la maladie, bien qu’il s’agisse d’une des principales caractéristiques neuropathologiques de la MP (Holdorff et al., 2013; Rodrigues e Silva et al., 2010). Certains pensent que ces agrégats sont générés dans le but de protéger les neurones de la toxicité induite par la protéine pathologique. D’autres suggèrent plutôt que l’accumulation serait elle-même toxique et qu’elle altérerait le fonctionnement cellulaire (Harrower et al., 2005).
L’évolution des agrégats d’α-Syn au cours de la progression de la MP fût décrite par Braak en 2003 et illustrait l’apparition des premières inclusions dans le bulbe olfactif, expliquant la perte d’odorat comme premier symptôme du Parkinson (Braak et al., 2003). Des lésions sont ensuite détectées au niveau du noyau dorsal des nerfs glossopharyngien et vague expliquant plusieurs troubles non moteurs tels que l’hypotension, des troubles de déglutition et plusieurs autres problèmes touchant le système nerveux autonome au début de la maladie (Braak et al., 2006).
Suite aux nombreuses études post-mortem effectuées démontrant les stades évolutifs des agrégats selon différents niveaux de la maladie, la recherche s’est penchée sur la technique de propagation de la protéine. L’une des hypothèses les plus populaires est celle du prion-like spread, suggérant une transmission de cellule à cellule où la protéine démontre des propriétés infectieuses (Bernis et al., 2015; Brundin et al., 2016; Verma, 2016). Il a également été démontré que les cellules pourraient utiliser leur système d’exocytose et d’endocytose pour générer des vésicules transportant des protéines agrégées comme l’α-Syn (Emmanouilidou et al., 2010; Danzer et al., 2012; Candelario and Steindler, 2014). Ce mode de propagation physiologique serait d’ailleurs grandement augmenté lorsque le lysosome est affecté, comme dans la MP (Zhang et al., 2009; Alvarez-Erviti et al., 2011). Complémentaires à ces études, les analyses de tissus post-mortem provenant de patients ayant reçu des greffes de cellules fœtales ont révélé des inclusions de corps de Lewy au sein des neurones greffés, appuyant les hypothèses de propagation intercellulaire (Kordower et al., 2008; Chu and Kordower, 2010).

Stress oxydatif et facteurs de mort cellulaire

Le stress oxydatif est un événement important dans le processus du vieillissement normal puisqu’on remarque une diminution de la capacité à limiter et réparer les dommages oxydatifs chez les personnes plus âgées (Sohal and Weindruch, 1996). Ce phénomène est en réalité provoqué par un déséquilibre du ratio entre la production de ROS et une mauvaise détoxification, pouvant être induit par une diminution d’antioxydants (Karihtala and Soini, 2007). Le neurotransmetteur DAergique joue un rôle crucial dans ce phénomène puisqu’il produit des métabolites excessivement toxiques. L’autooxydation de la DA, la DA-quinone, est capable de modifier de manière covalente des protéines et résidus essentiels à la survie de la cellule (Ma et al., 2015). Il a notamment été montré que dans la pathophysiologie de la MP, la DA-quinone modifie les monomères d’α-Syn en favorisant leur conversion en forme fibrillaire cytotoxique (Conway et al., 2001). De plus, lors de la transformation de la DA, il y a création de ROS très réactif via le peroxyde d’hydrogène. La formation de ROS peut induire une dysfonction des protéines, des lipides et de l’ADN, résultant en une dégradation membranaire et structurale de la cellule. Cette dernière peut donc être exposée à une augmentation de l’entrée d’ion et une augmentation de la sortie de DA et de ROS, favorisant le stress oxydatif (Lotharius and Brundin, 2002). Finalement, la DA-quinone pourrait causer l’inactivation des transporteurs à DA, inhiber la tyrosine hydroxylase impliquée dans la transformation de la DA et mener à la dysfonction des mitochondries (Kuhn et al., 1999; Lee et al., 2002).
Une perte neuronale dans la MP peut également être associée à une inflammation chronique contrôlée à la base par les microglies, des cellules responsables de la réponse immunitaire innée dans le système nerveux central. Une réaction inflammatoire de ces cellules est perçue dans la SN et le striatum de modèle murin de MP induit par le MPTP ainsi que dans la SN de patients (idiopathique et génétique) (McGeer et al., 1988; O’Callaghan et al., 1990; Machado et al., 2016). Les microglies sont activées comme mécanisme d’autodéfense contre les pathogènes et débris cellulaires en réponse à une toxicité ou une blessure. Lorsqu’elles sont activées, ces cellules relâchent des radicaux libres comme l’oxyde nitreux et l’ion superoxyde qui peuvent contribuer au stress oxydatif dans l’environnement des neurones. Il est proposé comme hypothèse qu’une suractivité ou une activité chronique des microglies augmente drastiquement et de manière incontrôlée la réponse inflammatoire, menant à la neurodégénération par un cercle vicieux d’autoactivation (Qian et al., 2010). Des études ont montré que la SN est sujette à l’augmentation de « tumor necrosis factor » TNF-α, d’interleukine (IL)-1β, de l’interféron-γ, de l’oxyde nitrique synthétase et du complexe majeur d’histocompatibilité II alors que le striatum est caractérisé par une augmentation d’IL-1β, d’IL-2, d’IL-6 et de TNF-α (Hunot and Hirsch, 2003; Stojkovska et al., 2015).

Diagnostic et test clinique

Le diagnostique d’un patient atteint de la MP est actuellement fait à l’examen clinique par le médecin expérimenté. Par la suite, plusieurs tests cliniques permettant d’analyser différents aspects de la maladie peuvent être utilisés afin d’aider le médecin a évaluer la progression de la maladie. Une impression de la sévérité globale est utilisée à des fins de compréhension et de mesure au niveau de la recherche fondamentale et clinique. Depuis la publication de l’échelle de Hoehn et Yahr en 1967, l’évolution de la méthode d’évaluation de la MP n’a cessé de croître (Hoehn and Yahr, 1967). Nous retrouvons aujourd’hui une variété de tests cliniques touchant des aspects très spécifiques à la MP comme le Parkinson’s Fatigue Scale et le Parkinson’s Disease Dyskinesia Scale alors que d’autres vont cibler de manière plus générale la maladie comme le Unified Parkinson’s disease rating scale (UPDRS) et l’échelle de Hoehn et Yahr (H&Y) (Brown et al., 2005; Katzenschlager et al., 2007; Fahn and Elton, 1987; Hoehn and Yahr, 1967). Avec les connaissances accrues que nous avons de la maladie, le nombre de tests cliniques et d’échelles a largement augmenté permettant de donner une valeur diagnostique plus précise à l’aide d’une combinaison de ces évaluations.
Le UPDRS ne fût pas la première échelle d’évaluation du parkinsonisme à être inventé, mais elle est aujourd’hui l’une des plus utilisées (Ramaker et al., 2002). Créé par Fahn et Elton en 1987, le UPDRS suit la progression longitudinale de la MP selon 4 champs principaux (Fahn and Elton, 1987). La première partie évalue les aptitudes mentales, comportementales et l’humeur. Une deuxième section permet une auto-évaluation (si possible) des activités quotidiennes. Une troisième catégorie permet au clinicien d’évaluer la motricité du patient. Finalement, la quatrième section évalue les complications de la thérapie (exemple : les dyskinésies) (Goetz et al., 2008). On note également une cinquième section composée du H&Y où le score vient s’additionner au total des quatre sections précédentes. Parfois, selon l’édition du UPDRS, certains cliniciens vont ajouter une sixième section composée de l’échelle de Schwab and England.
Margaret M. Hoehn et Melvin D. Yahr ont publié une échelle descriptive simple combinant une évaluation des déficits fonctionnels (invalidité) et des signes de détérioration motrice qui aujourd’hui reste l’une des évaluations les plus utilisées pour la MP (Hoehn and Yahr, 1967). Bien que l’échelle fût initialement construite avec 5 niveaux (1-5), on lui a ajouté des variations de 0,5 afin d’augmenter sa précision (Jankovic et al., 1990). L’échelle de H&Y est établie selon le principe que l’ensemble des dysfonctions touchant les parkinsoniens impliquent une motricité bilatérale et un compromis entre balance et démarche. L’augmentation de déficience motrice peut donc être évaluée à partir du comportement unilatéral (Stade 1) suivi d’un comportement bilatéral, mais sans problème d’équilibre (Stade 2), d’une perte de la stabilité posturale (Stade 3), d’une perte d’indépendance physique (Stade 4) jusqu’à l’étape du fauteuil roulant ou l’alitement (Stade 5) (Goetz et al., 2004).
Le Mini-Mental State Examination (MMSE), développé en 1975 par Folstein et McHugh, est un questionnaire qui permet l’évaluation des fonctions cognitives et la capacité mnésique d’un individu. Il s’agit d’un test à 30 points évaluant l’orientation spatiale et temporelle, différentes capacités (apprentissage, concentration, mémoire et calcul), le langage, la reconnaissance et diverses tâches complexes (Folstein et al., 1975). Il est fréquemment utilisé pour évaluer le niveau de démence. Dans plusieurs pathologies telles que les maladies d’Alzheimer et de Parkinson, il est utilisé pour évaluer la progression et la sévérité de la déficience cognitive (Tombaugh and McIntyre, 1992). Une version modifiée du MMSE, appelée Standardized MMSE fut validée en 1991 afin d’optimiser la fiabilité du test principalement chez les patients plus âgés et plus sévèrement atteints par une déficience cognitive (Molloy et al., 1991; Pangman et al., 2000). Le MMSE est donc devenu un outil très utile et répandu puisqu’il a comme avantage d’être facile à utiliser, rapide (environ 5 minutes) et de ne nécessiter aucun équipement spécialisé (Harrell et al., 2000).
Dans une catégorie similaire au MMSE, on retrouve le Addenbrooke’s cognitive examination (ACE) évaluant, par une batterie de tests d’environ 15 minutes, les types de démences aux stades précoces chez les personnes soufrant de la maladie d’Alzheimer, de démence frontaux temporale, de la MP, etc. (Mathuranath et al., 2000). Se basant sur le MMSE, le ACE incorpore davantage de questions notamment au niveau des capacités d’orientation, d’attention, de mémoire, de parole (flux et langage) et d’habiletés visuospatiales (Dudas et al., 2005). Comme la majorité des tests cliniques, le ACE a fait l’objet d’une restructuration permettant d’augmenter sa sensibilité et sa spécificité (Mioshi et al., 2006).
La dépression est très présente (40 %) chez les parkinsoniens et a un impact important sur la qualité de vie des patients (Cummings, 1992; Schrag et al., 2000). Le Beck Depression Inventory (BDI), créé par Aaron T. Beck, est l’un des tests psychométriques les plus utilisés. Il permet de mesurer la sévérité de la dépression. Comportant 21 questions à choix de réponses, le test peut être fait par le patient lui-même (Richter et al., 1998). L’approche de Beck sur la « cognition négative », touchant l’entourage, le soi et l’avenir permet de définir un ensemble de symptômes jouant un rôle majeur dans la dépression comme le désespoir, l’irritabilité, la culpabilité, la fatigue, la perte de poids, etc. (Beck et al., 1961).
En 2006, l’indice clinimétrique Clinical Impression of Severity Index for Parkinson’s Disease (CISI-PD) est proposé afin d’améliorer le diagnostic clinique de la MP. Construite à partir du Clinical Global Impression of Severity, le CISI-PD reflète et résume l’évaluation des autres échelles cliniques en se basant sur les symptômes moteurs, l’invalidité, les complications moteurs et la détérioration cognitive (Martínez-Martín et al., 2006). L’objectif étant d’incorporer des éléments d’échelles déjà existants ainsi que la perception du clinicien afin de créer un instrument puissant pour valider la progression de la MP (Martínez-Martín et al., 2009).
Il existe toutefois un problème considérable avec les tests diagnostiques. Les échelles cliniques ne sont souvent utilisées que lorsque les symptômes sont avancés chez les patients. On sait aujourd’hui que le niveau de mort neuronale du système DAergique peut atteindre l’ordre des 60 à 70 % avant que la maladie ne soit diagnostiquée (Fearnley and Lees, 1991; Dauer and Przedborski, 2003; Cheng et al., 2010). Pour cette raison, il est nécessaire de remédier au manque flagrant de biomarqueurs et d’imagerie neurologique, afin de détecter les dommages neurologiques le plus tôt possible.

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