La mobilité des salariés de la filiale

 La mobilité des salariés de la filiale

Le salarié d’une société faisant partie d’un groupe peut effectuer l’ensemble de sa carrière au sein de cette seule société, sans avoir nécessairement des rapports avec d’autres sociétés membres de ce groupe. Mais cette situation devient de plus en plus rare face aux pratiques adoptées en matière des groupes, où le parcours professionnel du salarié le conduit à travailler successivement ou parallèlement pour plusieurs sociétés521. La société mère se trouve souvent dans l’obligation de prendre des mesures économiques qui peuvent affecter son propre personnel ou celui de ses filiales. Elle détache parfois un salarié dans une filiale afin de la contrôler ou de résoudre un problème technique dont la résolution nécessite un spécialiste compétent indisponible, ou pour faire face à l’absence prolongée d’un de ses salariés. Idem pour une filiale confrontée à un surcroît d’activité alors qu’une autre subit une diminution de sa charge de travail. Ce besoin s’impose lors de la création d’une succursale ou d’une filiale, auquel cas la société fondatrice se trouve contrainte d’y adjoindre un certain nombre de ses propres salariés. Dans de telles hypothèses, l’affectation du personnel prend en pratique deux formes légales : le salarié de la filiale peut être employé dans une autre société du groupe de manière temporaire ou définitive (à titre de « prêt »). On parle dans le premier cas d’un détachement du salarié (1ère section), et dans le second d’un transfert du salarié (2e section). Dans les deux cas, l’acte de détachement ou celui de transfert pose en matière de groupes maintes questions sur ses effets relatifs aux rapports entre les trois parties contractantes : le salarié et la société filiale d’origine et la société d’accueil, mère ou sœur. Section I : Le transfert du salarié de la filiale  . Bien que les règles relatives au transfert s’appliquent aux salariés indépendamment de la nature juridique et de la position économique de l’employeur, il apparaît que ce mécanisme contractuel intervient d’une manière plus fréquente au sein de groupes de sociétés, entre société mère et filiale ou entre filiale et co-filiale. Il tend à la mise en application de la stratégie commune du groupe définie par la société mère, ou à une limitation de problèmes financiers posés au niveau du groupe. Force est de constater que le transfert à motif économique constitue en la matière la cause la plus évidente de la mutation des salariés, notamment au cours d’une crise économique mondiale, touchant durement le marché du travail522. Cette situation met donc les salariés devant une alternative brutale : être mobilisés professionnellement et géographiquement, ou être exclus pour motif économique. Souvent l’opération de transfert se réalise à l’initiative de la société mère par l’intermédiaire de ses salariés désignés au sein de ses filiales en qualité de dirigeants. Elle permet de réduire le nombre des employés dans certaines filiales en difficulté afin de combler un déficit de personnel dans d’autres sociétés. Elle peut également procéder ainsi en vue de profiter de personnes étrangères dotées de compétences particulières, en les recrutant dans ses filiales étrangères, pour les transférer ensuite vers la société mère ou vers d’autres filiales à l’intérieur. Autrement dit, cette technique pourrait exercer un rôle positif favorable au groupe de sociétés et conséquemment au pays d’accueil.Plusieurs questions se posent à propos de cette notion : Comment caractériser le transfert de salarié ? Celui-ci, implique-t-il une modification du contrat de travail comportant un changement d’employeur ? Le salarié transféré est-il en mesure de s’opposer à son transfert vers une autre société du groupe ? Le transfert peut-il être prévu au préalable dans une clause contractuelle ? Le salarié peut-il réclamer ses droits antérieurs au transfert à la société d’accueil, ou doit-il se retourner contre la société d’origine ? Y a-t-il lieu de parler dans ce contexte d’un «employeur conjoint» («coemployeur») ? La réponse à ces questions appelle à envisager dans un premier temps la notion juridique de transfert de salariés et à aborder dans un deuxième temps les conséquences qui résultent de cette opération. Sous-section I : Les caractéristiques du transfert de salariés  . En dépit de l’absence de définition légale du transfert de salarié, la doctrine s’accorde sur l’effet essentiel de cette opération : la rupture du contrat de travail avec la société d’origine et la conclusion d’un nouveau contrat avec la société d’accueil. Selon B. Boubli, cette opération se traduit par la mutation d’un salarié d’une société vers une autre sans perspective de retour . Autrement dit, ce terme désigne l’opération par laquelle deux sociétés conviennent du passage définitif d’un salarié de l’une à l’autre . À cet égard, le transfert s’oppose à la mise à disposition d’un salarié auprès d’une autre société qui se caractérise par sa nature temporaire et par le maintien du lien contractuel avec la société d’origine. De ce fait, il n’y a pas de transfert de salarié mais plutôt mise à disposition (dite aussi « détachement de salarié »), lorsque le travailleur demeure soumis à son premier employeur dont il continue de recevoir directement des instructions. Cette technique s’avère en pratique moins adaptée que celle du détachement lorsqu’il s’agit d’un groupe de sociétés où la société d’origine, mère ou filiale, se préoccupe souvent de maintenir son contrôle sur le salarié affecté. La technique la plus adéquate en l’occurrence est le détachement du salarié qui n’interrompt pas l’unité du contrat de travail . Toutefois, le transfert de salariés est une opération triangulaire qui associe trois parties : l’employeur d’origine, le salarié et l’employeur d’accueil . Il pose en pratique plusieurs questions relatives à ses aspects juridiques, à savoir : modification ou non du contrat de travail, nécessité ou non de l’accord du salarié, l’incidence des clauses de mobilité du salarié sur le contrat de travail, et la possibilité de prévoir le transfert du salarié par une convention ou un accord collectif intra-groupe.

Modification ou non du contrat de travail 

 L’appartenance de la filiale employeur à un groupe de sociétés ne vaut pas en soi pour le salarié de disposer de plusieurs contrats de travail car ce dernier n’est en relation contractuelle qu’avec la filiale. Ce principe a été clairement réaffirmé par un arrêt de la Cour de cassation526, rendu en janvier 2010. Selon cette décision, « l’obligation de reclasser les salariés dont le licenciement est envisagé et d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi répondant aux moyens du groupe n’incombe qu’à l’employeur ; qu’il en résulte qu’une société relevant du même groupe que l’employeur n’est pas, en cette seule qualité, débitrice envers les salariés qui sont au service de ce dernier, d’une obligation de reclassement et qu’elle ne répond pas, à leur égard, des conséquences d’une insuffisance des mesures de reclassement prévues dans un plan de sauvegarde de l’emploi». Bien que portant sur le reclassement du salarié, cet arrêt établit dans la pratique une règle générale applicable à toute opération de nature à affecter les salariés des sociétés membres d’un groupe, y compris celle de transfert. Par ailleurs, on est en droit de s’interroger sur la possibilité de maintenir le même contrat de travail avec la filiale d’accueil, avec une simple modification. Autrement dit, estil concevable que le contrat de travail d’origine se poursuive avec un simple changement d’employeur, ou faut-il considérer l’opération comme de nature à rompre le contrat initial et conclure un nouveau contrat ? La réponse à cette question revêt en pratique une importance primordiale, compte tenu du fait que les conséquences juridiques de chacune de ces solutions ne semblent pas identiques. Si l’on décide que le contrat initial se poursuit avec une seule et simple modification d’employeur, les autres conditions de ce contrat n’auront pas à être négociées, soit : la nature de travail, la rémunération, la durée, la clause de non-concurrence (si elle existe), le lieu du travail, notamment ; et inversement si le transfert du salarié rompt le contrat de travail. 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *