La « performance » des salariés dans les relations de service et ses mesures

La « performance » des salariés dans les relations de service et ses mesures

La performance : un concept Kaléidoscopique

Quel que soit le secteur d’activité, le concept de la performance se présente comme une notion très problématique. Bien que le terme soit largement utilisé et mobilisé, sa définition ne parvient pas à faire l’unanimité parmi les praticiens comme parmi les chercheurs. L’explication se trouve notamment dans son caractère polysémique (Louart, 1996 ; Gauzente, 2000). Le vocabulaire des chercheurs autour du terme « performance » n’est pas stabilisé et fait de celui ci un concept mal défini. C’est un « mot-valise » qui représente un construit basé sur des divergences selon les auteurs et qui a reçu plusieurs acceptations (Saulquin, 2000). Gauzente (2000) nous renvoie aux origines étymologiques du concept en soulignant que le terme français et le terme anglais sont proches et signifient l’accomplissement pour évoquer par la suite l’exploit et le succès. De leur côté, Le Boulaire et Retour (2008, p. 4) rapportent les propos de Bourguignon (1996) qui, à partir de l’analyse étymologique et sémantique du concept, il relève trois sens s’articulant autour du mot performance : « a) La performance est un succès. La performance n’existe pas en soi; elle est fonction des représentations de la réussite, variable selon les entreprises et les acteurs. b) La performance est résultat de l’action, évaluation ex post des résultats obtenus. c) la performance est action, se lisant comme le processus qui mène au succès ». Ces trois éléments annoncent que la performance est une question de représentations qui peuvent différer d’une entreprise à une autre, et/ou d’un acteur à un autre. De plus, l’appréhension de la performance passe par la détermination de l’instant où elle sera évaluée. 158 Deux options se présentent : soit une appréciation au cours de l’action (du processus), ou bien, appréciation de l’action a postériori. Les procédures d’évaluation de la performance témoignent du -et reflètent le- caractère polysémique de ce concept. Morin et al. (1994) [in Gauzente, 2000] recensent quatre grandes approches de l’évaluation de la performance: – Economique : Elle repose sur la notion centrale d’objectifs à atteindre. Ces derniers traduisent les attentes des propriétaires dirigeants. Ils sont donc souvent énoncés en termes économiques et financiers. – Sociale : Elle est basée sur les préceptes de l’école des relations humaines. Elle met l’accent sur les dimensions humaines et la cohésion au sein de l’organisation. Elle invoque l’idée selon laquelle les objectifs sociaux permettent d’atteindre les objectifs économiques et financiers. – Systémique : Elle est développée par opposition aux approches précédentes qu’elle considère comme trop partielles. Elle met en avant l’efficacité organisationnelle selon le degré auquel elle remplit ses objectifs sans obérer ses moyens et ressources et sans mettre une pression indue sur ses membres. – Politique : Elle repose sur une critique des précédentes approches. Cette approche se veut plus relative en soulignant l’idée que chaque individu peut avoir ses propres critères pour juger la performance d’une organisation. Gauzente (2000) souligne qu’en réalité, deux voies majeures sont distinguées pour concevoir la performance : l’approche par les buts (par les objectifs) et l’approche par les ressources (les moyens). Cependant, il ajoute qu’un troisième modèle, dit de la satisfaction des parties prenantes, est évoqué mais considéré comme marginal. 

La performance dans les relations de service et ses critères de mesure

La performance est très problématique dans le monde des relations de service. Cela n’est pas surprenant puisque nous avons vu que les définitions mêmes de la relation de service sont délicates. Parmi les définitions et les conceptions proposées (David, 2001 ; Zarifian, 2002), on trouve aux côtés des organisations, le client, positionné comme juge de la validité et de l’utilité de la prestation. Incontestablement, la performance de la relation ne peut pas être validée uniquement selon la perception de l’organisation. Elle doit prendre en compte la perception du client (Zeithaml et al., 1990). Ainsi, on est en présence, d’un côté, des objectifs de performance fixées par l’organisation, et de l’autre, de la perception qu’a le client de la performance du service. De plus, bien qu’il soit censé s’aligner sur les objectifs de la performance définis par l’organisation, le salarié a sa propre échelle de perception de la performance de la relation de service (Blancero et Johnson, 2001). La perception de la performance peut être donc, parfois, « triple ». D’ailleurs, cela peut être supposé et compris à travers la présentation de David (2001) (cf. section 2 (En quoi consiste l’activité de l’agent?)) où il présente l’« effet utile » de la relation comme un concept « tripartite », concernant à la fois le client, l’organisation et le salarié. A partir de là, on peut dire que la performance dans la relation de service est, définitivement et par excellence, une question de perception. En fait, la plupart des travaux que nous avons mobilisés depuis le début de ce chapitre ont évoqué, avec des degrés de réflexion et d’approfondissement divers, la question de la performance dans les services. Malgré la diversité des sensibilités et des courants, tous ces travaux ont pointé que la question de la performance du service est délicate à traiter. Elle est même présentée comme question préoccupante, tant au niveau de sa conception qu’au niveau des critères de son 161 évaluation. Voyons donc en quoi consiste cette difficulté, et quels sont les critères les plus utilisés dans ces entreprises.

Du fait de la coproduction, la performance dans les relations de service est délicate

Pour Eiglier (2004), du fait de la coproduction, la question de la performance dans les relations de service est particulièrement délicate à traiter. Pour comprendre davantage les difficultés et les enjeux liés à la définition et l’appréciation de la performance, il est important de rappeler les aspects de l’activité inhérents à ce processus de « coproduction ». Il implique essentiellement : a- qu’il existe à la fois des interactions techniques, contractuelles et relationnelles ; b- que l’effet et l’utilité de la prestation sont jugés et par le client référent et par l’organisation ; c- que c’est un processus et une production à la fois (simultanéité de la production et de son processus de réalisation). Ces caractéristiques sont interdépendantes, pour analyser leur impact sur la performance, il est nécessaire de les séparer. Concernant « la présence à la fois d’interactions techniques, contractuelles et relationnelles », cela revient à dire que la performance sera évaluée sur ces différents aspects. Ceci nous rapproche donc de l’idée de Saulquin (2000) selon laquelle la performance est multidimensionnelle. Cependant, on a bien soutenu auparavant que la réussite de la prestation techniques ne dépend pas seulement de la compétence de l’agent, mais également des connaissances et du comportement du client. Celui-ci intercale ses injonctions dans les modes opératoires de la relation de service (Hubault et Bourgeois, 2001 ; David, 2001 ; Jeantet, 2003). Il peut de ce fait être considéré comme un agent officieux qui travaille pour produire la relation de service (Eiglier et Langeard, 1987 ; Beyer, 2001 ; Bouzit, 2001 ; Omrane et Bouillon, 2004). Le travail évalué n’est pas exclusivement celui de l’agent, car une partie (même minimale) est réalisée par le client. La performance de la coproduction relève certes, en grande partie, de la performance de l’agent, mais une partie du travail est à la charge du client, donc une partie la performance de la relation dépend également de la performance de ce dernier.

Les critères d’évaluation de la performance et la difficulté de mesure de la qualité

La littérature fait état de l’existence de deux types de critères pour évaluer la performance dans les services, des critères quantitatifs et des critères qualitatifs. Par exemple, Buscatto (2002) parlant d’une compagnie d’assurance, explique qu’à partir d’une stratégie visant à faire souscrire des contrats d’assurance à de nouveaux clients et les fidéliser dans le temps, les objectifs opérationnels mis au service de la réalisation de cette mission se déclinent sur deux versants. Un versant quantitatif : répondre à un maximum d’appels reçus dans un temps restreint afin tout à la fois d’éviter la perte de clients impatients (temps d’attente trop long) et d’atteindre une rentabilité optimale de l’activité. Un versant qualitatif : assurer la qualité du service au client sous divers paramètres – rapidité, convivialité, efficacité, conseil – afin d’attirer des nouveaux clients et de les fidéliser (ibid., p. 102). La même idée est développée dans l’article de Guery et Mottay (2003), où ils mentionnent deux types de critères de performance dans un centre d’appel d’une entreprise de téléphonie. Les auteurs soulignent tout de même que le critère quantitatif est le plus important dans l’appréciation de la performance globale. De son côté, Zarifian (2002), reprend les deux critères de performance en les associant à des logiques d’échéances temporelles. Selon lui, le critère quantitatif, visant à vendre le maximum de produits/traiter le maximum de relations, s’apprécie à court terme, mais pour maintenir cet objectif quantitatif dans le temps, une relation positive et durable avec les clients s’impose, d’où la nécessité du critère qualitatif (de la relation) dont les résultats se concrétisent à long terme. Notre revue de littérature montre l’existence de ces deux catégories de critères dans toutes les entreprises de service, avec de faibles différences concernant la batterie des critères définis et utilisés à l’intérieur de chacune des deux catégories. Les critères quantitatif ou qualitatif de la relation peuvent toutefois être mesurés ou hiérarchisés selon les entreprises et leurs stratégies, par rapport à la nature de leur activité (secteur marchand ou non- marchand) ou encore entre leur appartenance au secteur privé ou public (Black et al., 2001).

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