La physique du champ magnétique

La physique du champ magnétique

 Le champ magnétique terrestre et la géodynamo Le champ magnétique terrestre est une composante importante du système complexe qu’est la Terre. Il interagit aussi bien avec l’atmosphère, que la biosphère et il est le témoin de la dynamique de la Terre profonde. Il est par conséquent important de comprendre les différentes caractéristiques de ce champ et d’essayer de percer le mystère de son évolution et de son origine. 1.2.1 Description du champ magnétique terrestre Attardons nous tout d’abord sur la manière de décrire le champ magnétique à la surface du globe. Description du champ magnétique terrestre en un point de la surface de la Terre Le champ magnétique terrestre se présente sous la forme d’un vecteur, ce qui implique une direction et une intensité pour le caractériser totalement. Pour décrire ce champ magnétique en tout point de la surface, on utilise une décomposition en coordonnées cartésiennes : X (azimuth), Y (co-azimuth) , Z (inclinaison) ainsi que les angles D (déclinaison) et I (inclinaison) (cf. figure 1.2.1). Les mesures de déclinaisons furent communément relevées dès la seconde partie du XVIeme ` lorsque l’utilisation de la boussole devint incontournable pour la navigation, alors que les relevés de l’inclinaison ne commencèrent qu’au début du XVIIeme ` (voir Jackson and Finlay (2007) pour une revue). Ce n’est qu’à partir de la fin du XVIIeme ` siècle que les mesures d’intensité débutèrent et qui permirent à Élisabeth-Paul-Édouard de Rossel de mettre en évidence des variations latitudinales d’intensité lors de l’expédition menée par Antoine Bruny d’Entrecasteaux.

Décomposition en harmoniques sphériques 

En 1832, le mathématicien, astronome et physicien Carl Friedrich Gauss (1777-1855) a développé une méthode de représentation du champ magnétique en décomposant le potentiel scalaire V , solution de l’équation de Laplace (eq. 1.6), sous la forme d’une série convergente dont chacun des termes est fonction de la colatitude θ (angle depuis l’axe polaire), de la longitude φ et de la distance radiale au centre de la Terre r. Ce type de décomposition est particulièrement bien adapté à la géométrie sphérique de la Terre. Le champ résultant à la surface de la Terre est issu de différentes contributions, à la fois d’origines interne et externe.Les g m l et h m l sont les coefficients internes de Gauss et les q m l et s m l sont les coefficients externes, décrit sous la semi-normalisation de Schmidt des fonctions associées de Le gendre. l représente le degré et m l’ordre de l’harmonique. De même, on peut décrire les variations séculaires par les coefficients d’harmonique sphérique g˙ m l et h˙ m l , qui sont les dérivées temporelles des coefficients g m l et h m l . A partir de cette décomposition et à partir de mesures effectuées à la surface de la Terre, Gauss a montré que le champ magnétique d’origine interne représente près de 99% du champ total. Ces coefficients sont calculés (en nT) pour une date donnée, de façon à ce qu’ils satisfassent au mieux l’équation 1.7 avec les données obtenues par les observatoires ou les satellites. L’IGRF (International Geomagnetic Reference Field) est un modèle du champ magnétique compilant l’ensemble des coefficients de Gauss ainsi que leurs dérivées temporelles (variations séculaires), calculés pour une année donnée jusqu’au degré l=13 pour le champ principal. Il donne la contribution en terme de puissance de chaque degré d’harmonique sphérique calculé à la surface de la Terre ou à la surface manteau noyau (Fig. 1.4). Le spectre à la surface de la Terre montre que le dipôle est le terme dominant et que plus le degré est faible, plus la contribution à la puissance est faible. D’autre part, jusqu’à un degré l = 14, le champ mesuré est d’origine interne. Les plus hauts degrés sont ensuite masqués par le champ rémanent de la croûte terrestre et filtrés par le manteau. Les petites échelles du champ magnétique d’origine interne ne sont donc pas visibles par les enregistrements à la surface du globe mais semblent présenter une importance non négligeable à la surface du noyau compte tenu du spectre à la limite manteau-noyau. Les sources de production du champ magnétique observé à la surface de la Terre sont diverses. La composante principale est le champ magnétique d’origine interne ; c’est elle qui nous intéressera. Néanmoins, la croûte et l’ionosphère sont également des sources non négligeables, dont les contributions sont parfois difficiles à déterminer dans le signal enregistré à la surface du globe par les observatoires ou les satellites.

Moment dipolaire virtuel

Comme nous l’avons vu auparavant, l’intensité du champ magnétique terrestre varie dans l’espace en fonction de la latitude et de la longitude, tout comme l’inclinaison et la déclinaison. Ainsi il est pratique d’exprimer la valeur de l’intensité en terme de moment magnétique dipolaire m afin de s’affranchir de cette dépendance géographique.Néanmoins, lorsque les données ne sont pas suffisantes pour développer un modèle de champ magnétique en harmoniques sphériques (c’est le cas des enregistrements paléoou archéomagnétiques), le moment dipolaire virtuel (MDV), par analogie aux PGV, est calculé en utilisant les mesures d’intensité du champ magnétique F.Le MDV tient compte de l’inclinaison du dipôle magnétique par rapport à l’axe de rotation de la Terre (Fig. 1.6). Parfois, l’inclinaison n’est pas mesurable, et par conséquent il est impossible d’évaluer la colatitude magnétique. De ce fait, la colatitude du site est utilisée dans l’équation (1.15). Ceci permet de calculer un moment de dipôle axial virtuel (VADM), pour lequel l’axe du dipôle et l’axe de rotation de la Terre sont confondus (Fig. 1.6). Néanmoins le calcul du VADM n’est valable que pour des données récentes, non affectés par le mouvement des plaques tectoniques. 

  L’origine du champ magnétique terrestre

Un champ magnétique provenant de l’intérieur de la Terre William Gilbert, physicien de la reine Elizabeth I, fait part des premières explications rationnelles pour expliquer le fait que l’aiguille de la boussole s’aligne avec le Nord géographique : la Terre elle-même doit être magnétique et doit s’apparenter à un aimant (Gilbert, 1600). Néanmoins, cette explication ne peut se révéler être exacte car la température avoisinant 6000 K au centre de la graine est bien supérieure au point de Curie du Fer (cf. paragraphe 2.1). De plus, sans un mécanisme d’auto-entretien, le champ magnétique serait dissipé par effet Joule en moins de 100 000 ans. En 1919, Sir Joseph Larmor propose une théorie basée sur un effet dynamo fluide afin d’expliquer la dynamo solaire. D’une manière générale, il s’agit d’une instabilité qui se développe dans un matériau conducteur lorsque les paramètres du système sont favorables. Un champ magnétique Bn qui, après n étapes d’induction, vient se surimposer et renforcer le champ magnétique initial B0. Parallèlement, la sismologie a permis de faire de grandes avancées sur la structure interne de la Terre au début du XXeme ` : – Oldham (1906) a remarqué que les ondes P étaient très lentes dans les profondeurs de la Terre. – Gutenberg (1913) a mis en évidence un noyau liquide par l’observation d’une zone d’ombre dans la terre profonde entre les distances épicentrales angulaires comprises entre 110 et 140°. De cette observation le rayon du noyau est déterminé. – Lehmann (1936) a découvert une graine à l’état solide au centre du noyau. Par ailleurs, Birch (1964) montre expérimentalement que le noyau est majoritairement constitué de Fer et de Nickel, mais qu’il contient aussi des éléments légers en faible proportion (10%), tels que le silicium, le potassium ou encore le soufre. Ceci est confirmé par les étude géochimiques notamment se basant sur l’étude des chondrites (e.g. Wood et al. (2006)). Suite à l’ensemble de ces observations, il devient évident que le noyau externe se révèle être un très bon conducteur ainsi que le candidat idéal pour être le siège d’une dynamo fluide homogène. La convection (thermique et solutale engendrée par la chaleur latente et les éléments légers relâchés à l’interface de cristallisation de la graine) et la force de Coriolis sont les processus fondamentaux de la dynamique du noyau externe. Le champ de vitesse u et le champ magnétique B sont couplés par une équation : ∂tB = ∇ × (u × B) + η∇2B, (1.16) l’équation d’induction magnétique où η = (µ0σ) −1 est la diffusion magnétique. De cette équation, nous pouvons conclure que les variations temporelles du champ magnétique (terme de gauche) sont dues à deux phénomènes. Le premier correspond à un terme de production de champ magnétique par advection du champ magnétique pré-existant (premier terme de droite). Le second terme correspond à la dissipation du champ magnétiq(second terme de droite). Notons que cette équation est symétrique : elle est invariante selon le signe de B, la dynamo est donc « aveugle » vis-à-vis de la polarité du champ. La croissance auto-entretenue du champ magnétique n’est pas sans fin dans la mesure où la force de Laplace entre en jeu lorsque le champ atteint une certaine valeur. Celle-ci rétroagit sur l’écoulement, ce qui induit une saturation du champ. La dynamique du champ magnétique est donc directement influencée par la dynamique de l’écoulement au sein du noyau externe, ainsi les variations séculaires sont les conséquences directes de l’écoulement. S’appuyant sur cette équation et celles régissant l’écoulement du noyau liquide, les modèles numériques et expérimentaux tentent de reproduire la dynamo terrestre avec un succès croissant au cours des vingt dernières années. En effet, les progrès spectaculaires des simulations numériques de la convection au sein du noyau (voir Wicht and Tilgner (2010) pour une revue) d’une part, et de la modélisation expérimentale (Stieglitz and Müller, 2001; Gailitis et al., 2001; Bourgoin et al., 2002) de la géodynamo d’autre part (une de ces expériences ayant même pu reproduire une succession de renversements de polarité, Bourgoin et al. (2002)) permettent une meilleure compréhension des renversements du champ magnétique. Bien qu’aucun de ces modèles ne représentent fidèlement la dynamo terrestre, ils ouvrent de nouvelles perspectives, auxquelles l’apport de nouvelles données est indispensable. En effet, pour modéliser au mieux ce phénomène, il est important de bien l’observer.

Variations temporelles du champ magnétique terrestre

La dynamique du champ magnétique s’inscrit au sein d’une imbrication de différentes échelles de temps allant de la journée à plusieurs dizaines de millions d’années, présentant de faibles fluctuations jusqu’à s’inverser totalement (Fig. 1.8). Ces variations ont des origines internes pour les processus les plus lents et une origine externe pour les plus rapides, bien que la distinction entre les différentes contributions dans le signal ne soit pas toujours facile à effectuer. Détaillons rapidement quelques caractéristiques essentielles de cette dynamique. La variation séculaire L’utilisation des satellites, Magsat (1980), Oesrsted (1999), Champ et SAC-C (2000) et bientôt SWARM (2012), permet de suivre sensiblement les fluctuations du champ magnétique à courte échelle de temps, de l’ordre de quelques semaines et avec une précision de 1 nT (Olsen et al., 2000; Eymin and Hulot, 2005; Olsen et al., 2006, 2009) depuis environ une trentaine d’années. Les données récoltées au niveau des observatoires depuis 1832 offrent un bon complément aux données satellitaires et permettent de réaliser des modèles à l’échelle du siècle (Lesur et al., 2008, 2010). Les données historiques obtenues lors des expéditions permettent d’avoir des mesures plus ou moins continues à partir du XVIIeme ` siècle pour la déclinaison et du XVIIIeme ` siècle pour l’inclinaison. Ceci permet de réaliser des modèles de champ sur l’échelle de plusieurs siècles (Jackson et al., 2000). L’apport des données archéomagnétiques et paléomagnétiques, grâce à l’enregistrement du champ magnétique par certains minéraux, sont des contraintes majeures pour essayer de reconstituer au mieux la dynamique du champ sur une échelle de temps de plusieurs milliers à plusieurs millions d’années. Ces observations ont permis de mettre en évidence une variation relativement continue du champ magnétique terrestre, avec des variations de plusieurs degrés en un siècle pour un endroit donnée (e.g. Paris, Fig. 1.9). Néanmoins, il arrive parfois que les variations du champ magnétique terrestre soient brusques, avec une forte accélération en une année ou moins, parfois avec une couverture mondiale. Ces évènements sont appelés jerks ou impulsions magnétiques (e.g. Mandea et al. (2010)). Les variations séculaires, à l’échelle régionale ou globale, au cours des derniers millénaires feront l’objet du chapitre 2. Un autre phénomène brutal s’est fré quemment produit au cours des temps géologiques : le renversement des pôles 

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