La politique des publics comme instance de socialisation

La politique des publics comme instance de socialisation

De la fréquence de visite aux formes d’usages des musées Dans l’enquête sur les Débuts de carrière de visiteur, plusieurs formes d’usages des musées se font jour. Cette première partie propose d’analyser la place qu’occupe la pratique de visite dans les univers culturels et de loisirs des jeunes visiteurs que nous avons rencontrés dans cette enquête. À l’échelle des individus, ces univers se dessinent comme des systèmes cohérents dans lesquels chaque pratique, dont la visite muséale, occupe une fonction : nourrir un centre d’intérêt plus ou moins prégnant, entretenir des relations interpersonnelles, construire une culture professionnelle, etc. 

La visite muséale dans la syntaxe des pratiques culturelles et de loisirs

Pour mener cette analyse, nous avons d’abord repris l’analyse topographique proposée par J. Eidelman (2005) et considéré l’orientation des visiteurs dans la sphère muséale entre les différentes catégories thématiques de lieux de visite. De ce point de vue, on peut distinguer deux grands groupes. L’un, celui des visiteurs « sélectifs » regroupe des visiteurs qui choisissent drastiquement les lieux de leur visite (en visitant majoritairement115 des musées d’art ou bien des musées d’histoire par exemple). L’autre groupe, celui des « muséovores » (ou « expovores » selon les cas), rassemble des visiteurs qui visitent tout type de musées, quelle qu’en soit la thématique. Ensuite nous avons qualifié la place qu’occupe la visite muséale dans les systèmes de goût de ces jeunes116 : – selon qu’elle renvoie à un goût majeur qui unifie leur système de pratiques et de goûts. Dans ce cas, la visite a une place (et une fonction) principale. – selon qu’elle renvoie à un goût latent, qui n’est pas actualisé dans le temps quotidien des loisirs, c’est-à-dire qui n’unifie pas leur système de pratiques et de goûts. Dans ce cas, la visite occupe une place périphérique ou secondaire. – selon que d’autres activités peuvent être substituées à la visite muséale pour remplir les fonctions que ces jeunes lui attribuent. Dans ce cas, la visite muséale a une place interchangeable.• Des visiteurs sélectifs… …pour qui la visite est une pratique centrale dans l’univers culturels et de loisirs Dans ce premier cas, la visite muséale occupe une place centrale dans le système de goûts et de pratiques de ces jeunes sélectifs. Elle constitue une pratique principale, essentielle à l’exercice d’un goût qui unifie l’univers culturel et de loisirs de ces jeunes. Nous retrouvons principalement des amateurs d’art et des artistes amateurs ou engagés sur la voie de la professionnalisation. La visite muséale leur sert avant tout à nourrir cette pratique généralement vécue sous le régime de la passion que plusieurs ont tendance à naturaliser. En témoignent les portraits suivants. Chez Hugues la pratique artistique en amateur de même que la pratique de visite qui l’étaye participeraient d’un besoin vital : « bien manger, bien dormir, bien sortir, aller voir des belles choses » (Hugues, p. 245). Cette tendance à la naturalisation se retrouve aussi chez Anaïs dont le goût du dessin, transmis par son père, et le choix de s’orienter professionnellement vers le graphisme remonteraient à sa plus tendre enfance : « je sais que mon père aime bien dessiner, il prend pas le temps de le faire, mais je pense qu’il m’a un peu… depuis que je suis toute petite en fait, j’ai toujours dessiné, je pense je suis née avec un crayon dans la main ». 

Visiteurs sélectifs pour qui la visite est une pratique secondaire dans l’univers culturels et de loisirs

Un second groupe de visiteurs sélectifs se fait jour lorsque la visite muséale a une place périphérique dans leur système de goût. La visite muséale fait écho à un intérêt marqué mais qui ne polarise pas leurs activités du temps libre ni ne fournit le principe unificateur de leur univers culturel. Nous y retrouvons plus particulièrement les visiteurs touristiques que nous présentions au chapitre précédent. Dans ce second groupe de visiteurs sélectifs, le musée ne constitue pas un lieu indispensable à l’expression de leurs centres d’intérêts principaux. À ce titre, la pratique de visite n’apparaît que rarement dans le temps ordinaire de leurs loisirs. Elle y est concurrencée par les activités qui font plus directement écho à leurs passions : par exemple, les arts du cirque chez Théo, le théâtre et la moto chez Hugo ou bien encore la musique chez Anthony (cf. portrait p. 253). Ces trois visiteurs développent un intérêt marqué pour l’histoire mais qu’ils ne cherchent pas nécessairement à actualiser dans leurs loisirs ordinaires ou bien pas au musée. Comme le montre le portrait d’Anthony, cet intérêt est chez lui plus souvent nourri au quotidien par des lectures ou le visionnage de documentaires. La visite se fait plus épisodique, en lien avec la découverte de nouveaux territoires et s’oriente préférentiellement vers des lieux qui leur permettent d’en connaître l’histoire et la culture.  

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