La prison du temps parallèle 

L’enfermement

Le huis-clos

Dans Le temps parallèle, Bashar Murkus choisit de représenter l’espace palestinien, contraint, par l’emploi d’un lieu spécifique et à la forte charge symbolique : une prison. La pièce se déroule dans la cellule d’une prison israélienne que des prisonniers politiques palestiniens partagent. Ils forment un groupe et face à eux. Le personnage de l’Israélien est leur geôlier. Il est le représentant de l’ordre établi qu’ils cherchent à remettre en cause : pouvoir, liberté, condition de vie. Il incarne la clé de voûte d’une métaphore de la Palestine qui se met en place tout au long de la pièce. Par cette métaphore, l’identité des Palestiniens qui vivent en Israël l’occupation de l’esprit rejoint celle des Palestiniens sous occupation. 

La prison du Temps parallèle 

La construction du Temps parallèle

 La construction de la pièce peut être analysée à la lumière du modèle de schéma actantiel tel qu’il a été développé par Julien Greimas 1212. Le héros, Wadīʿ, un des prisonniers, poursuit la quête d’un objet dont il est l’émetteur : se marier en prison et avoir un enfant avec Fida. Il est à la fois l’origine et le destinataire de la quête, à la manière de nombreuses pièces de facture classique. L’autre destinataire est sa fiancée Fida. Dans cette entreprise de réalisation de la quête, il est aidé par les adjuvants, ici les prisonniers qui partagent la même cellule que lui. Ils entreprennent la fabrication d’un luth en volant les outils ou les pièces nécessaires avec pour objectif que Murad, un des six prisonniers, joue de la musique lors de la cérémonie de mariage qui se tiendra en prison. Ici, tous les adjuvants semblent être des bénéficiaires, car chacun profite à sa manière des actions engagées : Murad retrouve un instrument et peut jouer et une amitié se lie entre Rami, le plus jeune des détenus et Saleh, le plus âgé. Face à eux, l’opposant, incarné par le personnage du geôlier, tend à empêcher la réalisation du projet en cherchant à tromper le héros. La mise en place du schéma actantiel dans la pièce privilégie la forme positive et évolutive de l’intrigue et invite le spectateur à se demander si le sujet réalisera son objet. Dans ce modèle, les personnages apparaissent pour ce qu’ils sont : des indéterminations qui ne peuvent s’appréhender en soi, mais complémentairement. Cette construction est tout à fait singulière dans le champ de la production palestinienne. Le schéma actantiel place le héros et ses adjuvants face à un opposant, incarné par le personnage du geôlier. Le héros se présente sous les traits du « héros classique » selon la définition que l’on applique à la dramaturgie française et européenne : jeune1213, dont l’amour qu’il porte à sa fiancée constitue le moteur de ses actes1214. Prisonnier politique, il est emprisonné car il a tenté de résister à l’occupation1215. Mais il se démarque du héros classique par sa condition sociale1216. L’opposant-geôlier cherche à empêcher la réalisation de la quête. En cherchant à tromper le héros, son statut évolue au long de la pièce. Il tient la place finalement ambiguë d’un opposant qui prétend aider parfois le héros dans la réalisation de sa quête. Ainsi, il trompe le héros et le public. La mise en place du schéma actantiel dans la pièce privilégie la forme positive et évolutive de l’intrigue et invite le spectateur à se demander si le sujet réalisera son objet. Dans ce modèle, les personnages apparaissent pour ce qu’ils sont : des unités indéterminées qui ne peuvent s’appréhender en soi, mais complémentairement. La dramaturgie du Temps parallèle se construit autour d’un complexe spatio-temporel qui se construit sur une opposition entre deux espaces : intérieur et extérieur. À l’extérieur de la prison, espace auquel les personnages n’ont pas accès, deux autres personnages évoluent : Fida et le geôlier (« جان ّالس .(« Fida, la fiancée du héros Wadīʿ ne peut accéder à l’espace intérieur de la prison, contrairement au personnage du geôlier, qui a non seulement accès à tous les espaces, mais qui également les contrôle. Un complexe se construit autour de la dimension spatiale gérée par le geôlier. Cette spatialité spécifique marque la temporalité de la pièce. 

La temporalité de la prison

 La temporalité du Temps parallèle est relative et incertaine1217. L’âge des prisonniers est donné dès la liste des personnages à la première page avec leur nom et leur âge1218 : Wadīʿ a 38 ans, Saleh 42 ans, Fouad 29 ans, Murad 28 ans et Rami 15 ans. La centralité du complexe spatio-temporel est annoncée dès le début avec ces indications d’âge qui ne concernent que les prisonniers appartenant à l’espace intérieur et fermé. De cette façon, les marqueurs temporels sont relatifs :  » مبارح »1219 « Hier » Ou incertains :  » عم بستنا البريد »1221 « J’attends du courrier » 1222  » عم تستنا حدا؟ »1223 « Tu attends quelqu’un ? » 1224 1225 ; » في الليل » 1226  » بالليل » « Pendant la nuit. » 1227  » يأتي الصباح »1228 « Le matin arrive » 1229 Les prisonniers sont coupés du temps :  » وديع:َقديش الساعة؟ فؤاد:َوال معبرني.َ وديع:َقديش الساعة معك؟ فؤاد:َمفي ساعة بايدك.َ وديع:َياخي عال معي ساعة..َومعك قديش الساعة؟ فؤاد:َانا معيش ساعة. 1230 صالح:َساعتي واقفي من زمان. » « – Wadīʿ : Quelle heure est-il ? – Fouad : Aucune idée. – Wadīʿ : Tu peux me donner l’heure ? – Fouad : Tu n’as pas de montre ? – Wadīʿ : C’est bon… J’ai une montre… Mais quelle heure as-tu ? – Fouad : Moi, je n’ai pas de montre. 

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