La problématique de l’implantation du Lean

Introduction au Lean 

Dans le contexte économique actuel, les entreprises qui survivent sont celles qui évoluent rapidement (Baluch et al., 2012). La philosophie du juste-à-temps (JAT) a évolué dans l’industrie manufacturière, jusqu’à sa formalisation par le constructeur automobile Japonais Toyota (Flynn & Vlok, 2015). Souffrant encore de la Seconde Guerre Mondiale, le Japon se trouvait dans une situation économique précaire, et ce, jusqu’au début des années 1980 (Liker, 2004). Les industries nipponnes ont pourtant réalisé qu’elles pouvaient se lancer dans des techniques d’optimisation des processus opérationnels afin d’éliminer les gaspillages, améliorer la qualité des produits et le service aux clients et accroître leur productivité et la valeur de leurs produits par l’utilisation du Juste-à-Temps (Liker, 2004). C’est donc ce contexte qui a mené Toyota à développer un système reconnu internationalement sous le nom du «Toyota Production System» (TPS) ou Système de Production Toyota (Liker, 2004). Ainsi, Jeffrey Liker décrit l’essentiel du TPS dans son livre The Toyota Way : 14 Management Principles from the World’s Greatest Manufacturer. Il décrit la firme Toyota comme le leader mondial de l’industrie automobile en termes de qualité et de rapidité d’innovation. Les 14 principes évoqués dans son ouvrage sont les suivants :

1. La gestion décisionnelle doit se baser sur une philosophie à long terme, même si le court terme doit, parfois, en payer le prix;
2. Créer une chaîne de production à flux continu qui fait ressortir les problèmes pour les rendre clairement apparents;
3. Utiliser un système à flux tiré tenant compte de la demande afin de limiter les inventaires et éviter la surproduction;
4. Niveler les opérations avec la charge de travail;
5. Instaurer une culture visant à obtenir la qualité du premier coup en arrêtant la production dès qu’un problème est détecté afin de le réparer;
6. Standardiser les tâches et permettre aux procédures de s’améliorer de façon continue et donner le pouvoir nécessaire aux travailleurs pour être autonomes;
7. Visualiser le contrôle pour éviter de cacher les problèmes;
8. Utiliser des technologies fiables, éprouvées et au service des travailleurs et des procédés;
9. Former des leaders influents qui comprennent le travail et qui représentent la philosophie afin de l’enseigner aux autres;
10. Développer des individus et des équipes qui suivent la philosophie de l’entreprise;
11. Traiter son réseau de contacts, ses partenaires et ses fournisseurs avec respect et leur permettre de s’améliorer en leur lançant des défis;
12. Aller voir soi-même la situation pour la comprendre;
13. Prendre des décisions posées et réfléchies avec consensus, mais agir rapidement dans leur implantation;
14. Toujours rester une organisation apprenante par l’amélioration continue.

Le Lean dans son ensemble est reconnu comme étant un système offrant aux industries et à leurs clients une grande diversité de produits à un moindre coût, une haute productivité, une rapidité de livraison ainsi qu’une qualité optimale (Yang & Yang, 2013). Le Lean est d’ailleurs reconnu pour son succès dans le livre de J. P. Womack, Jones, et Roos (1990): The Machine That Changed the World. Shah et Ward (2007) nuancent la définition du Lean comme étant un système sociotechnique ayant pour but d’éliminer les gaspillages et minimiser les variations à tous les niveaux.

La problématique de l’implantation du Lean 

En théorie, l’implantation du Lean devrait accroître la performance d’une entreprise (J. P. Womack & Jones, 1996). C’est pourquoi un nombre d’entreprises s’y convertit. Pourtant, les études sur l’implantation du Lean en entreprise sont nombreuses et plusieurs échecs sont documentés (J. P. Womack & Jones, 1996).

Les définitions du Lean restent nébuleuses pour les entreprises (et il y a confusion dans la littérature à cet égard) et une des difficultés est de déterminer si une de leurs activités peut être identifiée comme étant Lean ou non. Les entreprises développent, d’ailleurs, souvent leurs propres méthodes d’élimination des gaspillages et des variabilités. Ceci est tout à fait légitime, puisque leur secteur d’activité et leur organisation ne sont pas nécessairement similaires à celle ayant donné naissance au Lean (Sakouhi & Nadeau, 2016). Les entreprises ont donc une certaine liberté d’interprétation dans la définition du Lean. C’est leur rôle de différencier ce qui est Lean de ce qui ne l’est pas. L’entreprise doit d’ailleurs bien comprendre son contexte pour réussir son implantation du Lean. La qualité des relations entre ses travailleurs et ses cadres joue un rôle important dans l’approche à prendre. Il faut réfléchir aux effets possibles du Lean (Sakouhi & Nadeau, 2016).

Même si le Lean attire l’attention grâce à ses nombreux avantages et aux bénéfices financiers qu’il a permis d’obtenir à des entreprises d’envergure comme Toyota dans un contexte de crise financière, il n’en est pas moins que son implantation n’est pas toujours un succès. Selon Beaulieu-Paré (2011), la littérature montre que 70 à 98% des tentatives d’implantation du Lean s’avèrent des échecs. Plusieurs études ont identifié les aspects souvent oubliés dans l’implantation du Lean (Yang & Yang, 2013).

Ces résultats sont toutefois discutés, car il est possible que ces études aient été réalisées dans des industries où le Lean aurait été mal implanté (Longoni, Pagell, Johnston, & Veltri, 2013). Les risques sont principalement encourus lorsqu’on demande aux travailleurs d’en faire plus que ce qu’ils ont réellement le temps de faire. Leur réflexe serait alors, par exemple, de négliger certaines procédures de santé et de sécurité du travail afin de réussir à accomplir le travail demandé dans les délais impartis (Longoni et al., 2013). Longoni et al. (2013) précisent que les effets négatifs du Lean pourraient pourtant être limités si les travailleurs et les syndicats étaient mieux impliqués lors des prises de décisions.

Plusieurs modèles ont ensuite été élaborés pour tenter de trouver une formule universelle à l’implantation du Lean. En vérité, il n’existe pas de modèle universel, car chaque entreprise est unique (Sakouhi, 2014). Par contre il est possible de s’inspirer des autres modèles développés pour des entreprises similaires et de l’expérience que ces entreprises ont vécue (Beaulieu-Paré, 2011). Comme l’affirme Beaulieu-Paré (2011), les outils du Lean et les modèles sont comme les ingrédients d’une recette, mais la recette elle-même n’est pas fournie.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE
Introduction au Lean
1.1.1 Les outils du Lean
1.1.2 La problématique de l’implantation du Lean
1.1.3 Le Lean et les facteurs humains
Introduction à la maintenance
1.2.1 L’implantation d’un département de maintenance
1.2.2 La maintenance Lean
1.2.3 La fiabilité machine dans ses grandes lignes
1.2.4 La santé et la sécurité du travail en maintenance
1.2.5 L’erreur est humaine
1.2.6 Les connaissances tacites
La SST au Québec
1.3.1 Les lois et règlements
1.3.2 Les mutuelles de prévention
1.3.3 Le mécanisme de création des accidents
1.3.4 L’élimination des risques
CHAPITRE 2 MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
Rappel des objectifs de recherche
Présentation de l’entreprise partenaire
2.2.1 Pourquoi cette entreprise
2.2.2 Biais occasionnés par ce choix
Description de la population
2.3.1 Critères d’inclusion
2.3.2 Critères d’exclusion
2.3.3 Biais occasionnés par ce choix
Cueillette d’information (questionnaires d’entrevues, observations, documentation)
Description de l’échantillonnage
2.5.1 Mode de sélection des participants aux entrevues
2.5.2 Mode de tirage des observations
2.5.3 Biais occasionnés par ce choix
Description des variables et données
2.6.1 Variable indépendante
2.6.2 Variable intermédiaire
2.6.3 Variable dépendante
Limites de la méthodologie
2.7.1 Validités interne et externe
2.7.2 Fiabilité
Méthodes d’analyse
2.8.1 Traitement des données issues des entrevues
2.8.2 Traitement des données issues des observations
2.8.3 Traitement des données recueillies dans la documentation
CHAPITRE 3 PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
Résultats de l’étude de terrain
3.1.1 Profil des participants
3.1.1.1 Fonction des participants
3.1.1.2 Ancienneté des participants
3.1.1.3 Formation professionnelle des participants
3.1.1.4 Formation spécifique à la SST des participants
3.1.2 Validité des données
3.1.2.1 Validité statistique des données d’entrevues
3.1.3 La maintenance dans l’entreprise
3.1.3.1 Éléments à retenir de la littérature
3.1.3.2 Résultats des entrevues
3.1.3.3 Résultats des observations
3.1.3.4 Résultats de la consultation de la documentation
3.1.4 Niveau SST de l’entreprise
3.1.4.1 Éléments à retenir de la littérature
3.1.4.2 Résultats des entrevues
3.1.4.3 Résultats des observations
3.1.4.4 Résultats de la consultation de la documentation
3.1.5 Niveau Lean de l’entreprise
3.1.5.1 Éléments à retenir de la littérature
3.1.5.2 Résultats des entrevues
3.1.5.3 Résultats des observations
3.1.5.4 Résultats de la consultation de la documentation
Synthèse des résultats de l’étude de terrain
3.2.1 Énoncés tirés de l’analyse statistique
Discussion des résultats de l’étude de terrain
3.3.1 Triangulation
3.3.1.1 Maintenance
3.3.1.2 SST
3.3.1.3 Lean
Éléments à considérer dans l’implantation du département de maintenance
3.4.1 L’implantation d’un département de maintenance Lean centré sur la SST
Démarche d’implantation d’un département de maintenance Lean centré sur la SST
3.5.1 Représentation textuelle de la démarche d’implantation
3.5.2 Représentation graphique de la démarche d’implantation
CHAPITRE 4 ANALYSE DES RÉSULTATS
Limitations méthodologiques de l’étude
4.1.1 Échantillonnage
4.1.1.1 Taille de l’échantillon
4.1.1.2 Échantillonnage volontaire
4.1.1.3 Biais et limites des données de terrain
4.1.2 Fiabilité de l’étude
Limites de la démarche d’implantation
CONCLUSION

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *