La quête des données primaires en archéologie et leur devenir

La quête des données primaires en archéologie et
leur devenir

L’histoire passe par des témoins, ils sont issus d’une volonté étatique appuyée par des lois et des règlements (Fabre, 2000, p.1). L’archéologie étant aussi productrice d’histoire par les vestiges qu’elle révèle, elle est donc, elle aussi intégrée dans une politique de l’Etat. Les données archéologiques sont pour beaucoup issues des différentes pratiques qu’offre la discipline de la prospection à la fouille. La recherche est le fruit de différentes problématiques, des plus générales avec un point de vue national mais aussi les plus précises qui s’inscrivent dans une dynamique locale et/ou régionale. La pratique de l’archéologie et les enjeux qu’elle véhicule sont en adéquation avec différents enjeux au sein de la société qui la voie évoluer. «Ils peuvent être politiques, économiques, culturels, sociaux, voire scientifiques. » (Jasmin, 2009, p.231). 

L’invention d’un site archéologique

 L’invention d’un site archéologique se compose d’une succession d’étapes qui sont le plus souvent dissociées les unes des autres. Elles sont le prélude nécessaire à une pratique de fouilles mais elles peuvent aussi pour certaines être une finalité en soi. 

L’inventeur d’un site archéologique

 Aux XIXème et XXème siècles, les érudits locaux vont être pour certains des « inventeurs de site » (Moulinié, 2008), des sites qui sont parfois éponyme d’une période précise ce qui est notamment valable pour la préhistoire. Les périodes vont recevoir un nom, qui est tiré soit de celui du nom de l’inventeur soit de celui de la commune où se situe le site. Par exemple Laurent Coulonges a inventé le terme Sauveterrien*, définissant une culture du mésolithique*, ce terme La quête des données primaires en archéologie et leur devenir. 29 est issu du nom du village Sauveterre qui a vu l’activité d’érudit local de Maître Coulonges s’épanouir (Moulinié, 2015). La notion d’inventeur d’un site archéologique contemporaine se réfère au code du patrimoine, c’est la personne physique ou morale qui découvre un site archéologique ou des vestiges matériels. Il a des obligations légales, notamment celles de signaler le site ou les objets découverts à l’État par le biais de la mairie de la commune (code du Patrimoine) qui va transmettre cette déclaration au préfet. Ce signalement sera par la suite déposé au service compétent en archéologie afin d’en faire le recensement, le noter dans l’inventaire et engager ou non des prospections, des sondages ou des fouilles. Une fois le vestige ou le site enregistré, l’inventeur, par des dispositions légales, peut obtenir des compensations financières si l’État consent à lui acheter les vestiges matériels (Code du Patrimoine, 2010, Article L541-1) car il est pour moitié le dépositaire légal avec le propriétaire du terrain des objets archéologiques qui sont exhumés lors de la découverte. Cette disposition légale est issue de la Loi de 1941, première législation française concernant l’archéologie et qui fut mise en place sous le régime de Vichy. La dimension de propriété privé était un des fondements du régime et l’archéologie était encore essentiellement réalisée par des bénévoles (Demoule, 2009a, p.255). La notion d’inventeur d’un patrimoine archéologique, que ce soit d’un site ou d’un vestige matériel est fort peu présente dans la littérature disponible sur l’histoire de la discipline et ses méthodes. Les termes d’« invention » ou d’« inventeur » sont inscrits dans le cadre de l’activité de découverte de vestiges matériels : «Les sources matérielles sont des vestiges enfouis dans le sol, sous l’eau, qu’il faut découvrir après un temps plus ou moins long d’enfouissement et d’oubli. Cet acte (parfois aussi appelé « invention ») ne se fait pas de manière anodine » (Lehoërff, 2009b, p.40). Il évoque également le principe qui est une particularité de l’archéologie : « l’archéologue est l’« inventeur » de sa documentation. » (Ibid, p.65). Le code du Patrimoine mentionne les inventeurs dans les cas de découvertes fortuites, non préméditées. Ceci sous-entend alors que les archéologues ne peuvent être des « inventeurs » de sites ou de vestiges immobiliers. L’usage des termes de « découvertes fortuites » (Code du Patrimoine, Titre III, Chapitre 1er, Section 3), implique qu’une découverte fortuite ne peut être faite par un archéologue ou même un étudiant en archéologie car il bénéficie des connaissances apprises lors de sa formation (Lehoërff, 2009b). Une opposition entre « inventeur » et archéologue est aussi faite par Philippe Jockey. Selon lui les nouvelles dispositions légales entravent la liberté de découvertes des amateurs ou des particuliers sur leur terrain, du fait des obligations découlant de l’institutionnalisation de l’archéologie et qui engendrent alors de la 30 clandestinité (Jockey, 2013, p.525-526). Elle s’illustre par des pratiques qui ne sont pas déclarées et deviennent donc illégales : ce sont, entre autre, les pillages de sites archéologiques qui ont été mentionnés précédemment. Ces pillages, ou cette absence de déclaration de l’existence d’un site, entrainent une perte d’information notable pour les archéologues en empêchant le recensement du site ou même en cas de pillage, une perte de contexte pour l’objet. 

Les cartes en archéologie 

Dans ce paragraphe nous allons mettre en avant le principe qui veut qu’en archéologie, plusieurs types de cartes sont utilisés dans la recherche. Des cartes sont présentes à différents niveaux de la recherche en amont pour préparer l’activité de terrain mais elles ont aussi une finalité avec le cas des inventaires. L’utilisation de la carte en archéologie est une donnée essentielle que ce soit par des cartes anciennes ou actuelles. Dans le premier cas, comme la « carte Cassini » (première carte du royaume de France, achevée au XVIIIe siècle), ce sont des éléments pour la recherche à l’instar des archives, afin de localiser un site dont le nom est donné avec sa localisation, elle permet aussi de faire une étude du paysage et des réseaux (Lehoërff, 2009b, p.45). Les cartes permettent de localiser et situer un site clairement et afin de faire des demandes d’autorisations de fouilles et de prospections. Elles ont des normes standards appliquées suivant les pays. En ce qui concerne la France, ce sont les séries de l’institut géographique national (IGN) qui sont majoritairement utilisées. Les cartes sont des éléments indispensables pour effectuer les repérages mais aussi pour l’enregistrement des données sur le site (Ibid p.44). Les cartes doivent préciser la nature de l’information. Une légende claire mais également l’échelle doivent être présentes. Les deux exemples de cartes suivants sont issus des travaux d’archéologues mais elles permettent aussi aux archéologues d’effectuer un prélude dans leurs travaux de recherche sur leur terrain. Ce sont des cartes qui ont un but « exhaustif ». La carte archéologique nationale débute en 1978 mais ne se développe réellement que dans les années 1990, dès lors elle bénéficie d’un budget plus conséquent, c’est un inventaire des sites présents sur l’ensemble du territoire français. Elle permet à la Sous-Direction de l’archéologie d’alerter les aménageurs sur les zones sensibles où un diagnostic plus précis doit être envisagé. Elle n’est vraiment 31 institutionnalisée qu’en 2001 avec la loi sur l’archéologie préventive, « l’État dresse et met à jour la carte archéologique nationale. » (Code du Patrimoine, 2010, Article L522-5). Lors de la conception des Plans Locaux d’Urbanisme, la consultation de la carte archéologique est un impératif. Cette carte comptait en 2013 près de 500 000 « entités archéologiques » (Jockey, 2013, p.266). La carte archéologique nationale est accessible à tous ceux qui en font la demande, comme tout document administratif. Elle est l’illustration de la puissance que détiens « la topique de l’archaïque qui surgit du sol » (Fabre, 2001, p.35), où le site est pour les producteurs de l’histoire locale l’origine du lieu de mémoire qu’ils mettent en exergue (Ibid, p.36). Elle démontre également la puissance législative et sociale de l’histoire (Ibid, p.35). Néanmoins ici ce n’est pas la seule réserve documentaire en matière d’archéologie qui est disponible. Il existe également la Carte Archéologique de la Gaule qui suit le même principe que la carte précédente, excepté qu’elle borne le recensement, l’étude et la publication des sites archéologiques dans le temps (de l’âge du Fer ou 800 BC au début du Moyen-Age ou 800 AC). Elle limite aussi les publications par département concerné. La Carte Archéologique de la Gaule est publiée par l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres depuis 1988 (Jockey, 2013, p.266-267). L’étude de ces cartes est nécessaire afin de poursuivre les recherches en archéologie, qui les alimentent également.

Les prospections en archéologie

 La prospection en archéologie existe sous différents types, elle permet notamment de découvrir l’existence d’un site archéologique ou de mettre au jour des vestiges matériels, c’est « un travail d’observation non destructif dans lequel on aboutit à des conclusions par déductions » (Lehoërff, 2009b, p.48). C’est une méthode de travail qui doit être effectuée rationnellement. En fonction des types de prospections qui sont choisis par les archéologues en fonction du terrain, elles peuvent être effectuées à la suite des labours en cas de terrain agricole. Si cette époque est favorable à la découverte de site archéologique (Lehoërff, 2009b, p.48-49), elle perturbe beaucoup moins les autres travailleurs de la terre (Piniès, 2015). Cette méthode de travail est bornée par des demandes d’autorisation auprès de l’État et auprès des propriétaires des terrains. En particulier si ce site est composé de structures pérennes comme des murs mais elle permet aussi d’étudier le territoire dans un point de vue plus globalisant et également de travailler sur le paysage de l’époque concernée mais aussi de son évolution (Jockey, 2013). La 32 prospection archéologique peut être aérienne mais aussi s’effectuer au sol, avec plusieurs méthodes différentes. Ce travail nécessite d’avoir constamment des personnes avec un regard averti quel que soit les méthodes de prospections choisies. Le regard évolue avec l’expérience et la multiplication des pratiques. Un changement qui est le fruit de la discipline concernée et une de ses conséquences. « Ce que produit l’Inventaire, ce n’est pas seulement un apprentissage du regard (ce qui supposerait que le regard préexiste au travail), mais c’est le regard lui-même : non pas seulement une façon de regarder, mais le fait même de porter son regard sur un objet, d’isoler celui-ci du contexte visuel ambiant pour en détailler les caractéristiques. » (Heinich, 2010, p.164). Le regard est aussi collectif à l’ensemble de la discipline par des pratiques communes, des postures (Heinich, 2009). La présence d’un regard est repérée par des outils pour la perception et des traces écrites qui sont transmises à d’autres personnes qui vont ainsi pouvoir le développer (Heinich, 2010, p.164). Des méthodes de prospection pouvant être permises par un matériel plus technique et des moyens de détection qui nécessitent parfois l’intervention de spécialistes dont des géologues ou des physiciens qui travaillent dans le cadre des sciences naturelles pour reconnaitre des sites qui ne sont pas visibles à l’œil nu (Lehoërff, 2009b). Les prospections se préparent en amont comme toute activité de recherche en archéologie, mais aussi en corrélation avec d’autres recherches comme l’étude toponymique, celle des cadastres, des archives ou bien encore en travaillant sur les cartes que nous avons vu précédemment. Ces recherches permettent de définir les contours du territoire à prospecter mais aussi les objectifs de cette recherche d’un site ou de traces relevant d’une époque donnée (Jockey, 2013, p.320-321). Ce travail s’effectue au préalable et permet à l’archéologue de choisir la ou les méthodes qui vont être utilisées pour prospecter. 

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