La réaction sulfatique interne

La réaction sulfatique interne

Formation d’ettringite dans la vie du béton

L’ettringite, ou trisulfoaluminate de calcium (3CaOAl2O3.3CaSO4.(30 à 32)H2O), est un minéral cristallin de couleur blanche ou peu coloré par les impuretés, d’une apparence transparente et avec une surface vitreuse. Sa formation est due à la réaction entre les sulfates, les aluminates de calcium C3A et de l’eau. La formation de l’ettringite s’effectue selon la réaction suivante : ( ) – 2+ 2- – 4 4 2 2 3 4 2 2Al OH +6Ca +3SO +4HO+ 26H O 3CaO·Al O ·3CaSO · → 32H O Selon le processus de formation de l’ettringite, que ce soit dans la pâte, le mortier ou le béton, différents noms lui sont attribués. Les différents types d’ettringite qu’on peut rencontrer sont les suivants : Connaissances générales sur la réaction sulfatique interne 22 L’ettringite bloquante (Michaud et Suderman, 1999), elle se forme lors des premières minutes suivant le contact eau – ciment et une partie de l’ettringite, formée durant la période dormante, précipite sous forme d’aiguilles de très petites dimensions ne dépassant pas 0,25 µm de largeur et 1 µm de longueur (Metha, 1973). L’ettringite bloquante permet de retarder l’hydratation et assure, donc, la maniabilité du béton nécessaire pour sa mise en place. L’ettringite primaire (Scott, 1997), La quantité maximale d’ettringite primaire est en général formée au bout de 24 heures (Odler, 1998). Elle précipite dans la solution interstitielle sous forme d’aiguilles de plus grande dimension que celles de l’ettringite bloquante. L’épaisseur des cristaux d’ettringite primaire est supérieure à 0,5 µm alors que leur longueur est de 6 µm. Des cristaux d’ettringite dont la longueur dépasse 120 µm sont également rapportés dans la littérature (Midgley et Pettifer, 1971). Lors de l’hydratation « normale», à une température ne dépassant pas 60°C lors du pic de température dû au caractère exothermique de la prise du ciment et sous une pression atmosphérique, la majorité des ions SO4 2- se trouve dans la structure cristalline de l’ettringite primaire. L’ettringite secondaire : elle correspond à une ettringite qui cristallise dans le béton durci, à la faveur de circulations d’eau dans les bétons (phénomène de dissolution/recristallisation) et de sources de sulfates externes (sols, milieu marin…) ou internes (selon la quantité de sulfate dans les constituants du béton). Cette ettringite peut générer des gonflements internes pouvant conduire à l’apparition de désordres dans les ouvrages. Les ions SO4 2- externes ou issus de dissolutions perturbent l’équilibre ionique préexistant et conduisent à une néoformation de gypse et d’ettringite secondaire.

Cette ettringite se différencie de l’ettringite secondaire essentiellement par l’origine des ions sulfate SO4 2- nécessaire à sa formation. En effet, la source des sulfates pour l’ettringite secondaire peut être le milieu extérieur (sols, milieu marin…) alors que pour la DEF les ions SO4 2- sont relâchés depuis la porosité inter-feuillets des C-S-H il s’agit d’une source interne au béton. La DEF est le sujet de notre recherche ; pour cela on examinera plus en détail sa manifestation aux différentes échelles d’observation, son mécanisme de formation et les différents paramètres intervenant dans ce phénomène. Cette analyse est faite dans la section suivante.

Formation différée de l’ettringite 

Les réactions sulfatiques internes (RSI) sont des pathologies attribuées à la formation d’ettringite dans un matériau cimentaire déjà durci, sans apport de sulfates par le milieu extérieur. Elles semblent nécessiter en général un apport suffisant en eau. L’étude de la réaction sulfatique interne principalement observée est la formation différée d’ettringite. Ce phénomène concerne uniquement certains bétons ayant subi, au jeune âge, une augmentation de température conduisant à une exposition suffisamment longue à une température supérieure à 65°C-70°C. Au-delà de ce seuil, l’ettringite déjà formée se décompose, tandis que la formation de nouvelle ettringite est empêchée en effet la forme stable des sulfates à cette température est le monosulfoalumunate éventuellement dissocier sous forme ionique. Les ions SO4 -2 sont alors principalement adsorbés dans les C-S-H, dont la formation est également accélérée. De telles conditions de température peuvent se produire au cours de traitements par étuvage souvent utilisés pour les éléments préfabriqués en usine, ou dans le cas de pièces massives en béton lors que la chaleur d’hydratation du ciment ne peut pas s’évacuer assez vite. Par la suite, des cristaux d’ettringite peuvent se former dans le béton durci, après retour à la température ambiante. Les ions SO4 -2 adsorbés dans les C-S-H, ainsi que ceux des monosulfates présents à l’intérieur du béton, servant de source de sulfates, sont ainsi susceptibles de provoquer des pressions de gonflement conduisant à des phénomènes 23 d’expansion. Ce processus nécessite la présence d’une humidité élevée et peut s’étaler sur plusieurs années. Ce qui distingue la RSI des attaques sulfatiques externes, c’est que l’ettringite qui devrait se former durant l’hydratation est déstabilisée du fait d’une augmentation significative de sa solubilité consécutive à un échauffement important. Le phénomène est potentiellement réparti dans la pièce en béton, principalement à cœur, et ne connaît pas de gradient de développement associer à la diffusion d’ion sulfates en provenance de l’extérieur. La RSI est parfois qualifiée d’attaque sulfatique interne engendrée par un échauffement (Skalny et Thaulow 2002). Un échauffement tardif, par exemple celui appliqué par (Barbarulo 2002) (Barbarulo et al. 2005) (85°C pendant un mois, un an après le coulage), peut déstabiliser l’ettringite formée pendant la période de l’hydratation correspondant au durcissement du béton. Si elle a lieu, sous certaines conditions, la reprécipitation de cette ettringite déstabilisée peut aussi conduire à des dégradations. 

Manifestation microscopique

 Les examens microscopiques du béton associés à une étude globale de la pièce concernée (environnement, formulation, procédure de mise en place ou de fabrication) permettent éventuellement de révéler la présence de produits délétères. Pour cela, le MEB est actuellement le meilleur outil qui puisse identifier la présence ou non d’une réaction sulfatique au sein du béton. Néanmoins, si cet outil apporte de nombreuses informations qualitatives, il n’est pas approprié pour quantifier l’ettringite observée. A l’échelle microscopique, l’ettringite présente de nombreux faciès. Il est possible de distinguer l’ettringite tardive de l’ettringite d’hydratation précoce selon le faciès et la localisation de l’hydrate dans le matériau. L’ettringite primaire cristallise sous forme d’aiguilles intimement mêlées à la pâte de ciment durcie ou sous forme d’oursins dans les vacuoles (Louarn et Larive 1993). L’ettringite tardive, observée sur des échantillons issus de pièces en bétons dégradées, est principalement visible aux interfaces pâte-granulat, dans les vacuoles parfois comblées et dans les fissures. Elle présente un faciès massif caractéristique des conditions de sa formation dans un milieu déjà durci et de son caractère expansif. Elle est souvent localisée aux interfaces pâte-granulat. L’ettringite présente dans ce cas un aspect comprimé. La formation d’ettringite aux interfaces pâte-granulat se justifie par les mécanismes réactionnels de la RSI proposés par (Diamond et al. 1996) et la nature particulière des hydrates formés dans ces zones. En revanche, le rôle joué par l’ettringite observée aux interfaces pâte-granulat dans les processus d’expansion ne fait pas l’objet d’un consensus. Sans données supplémentaires sur l’environnement auquel est exposé le matériau étudié, un examen classique au MEB ne permet pas de distinguer l’ettringite d’origine interne ou externe. Il faut dans ce cas réaliser une étude en profil de profondeur.

Manifestation mésoscopique 

A l’échelle d’une éprouvette, la RSI peut engendrer plusieurs symptômes plus ou moins visibles selon l’amplitude des expansions. Ces symptômes sont classés en 3 catégories : 

  1. Expansion

Les essais en laboratoire faits sur des éprouvettes atteintes de RSI montrent des courbes d’expansion de forme sigmoïdale (Lawrence1995-a) (Fu et Baudouin 1996) (Famy 1999). Vis-à-vis d’un gonflement potentiel d’origine sulfatique Brunetaud (Brunetaud 2005) a distingué trois catégories de béton: premièrement, les bétons ne montrant aucune expansion significative. Ce comportement se manifeste par des expansions très faibles, inférieures à 0,04 % à 700 jours. Une observation de leur microstructure au MEB ne montre aucune forme 24 d’ettringite aux interfaces pâte / granulat. Deuxièmement, les bétons au gonflement lent et linéaire. Les expansions de ces bétons sont significatives, c’est à dire supérieures à 0,04 %, mais la vitesse moyenne de gonflement reste lente. Troisièmement, les bétons au gonflement important et sigmoïde où les expansions dépassent 0,4 %. La courbe de gonflement de ces bétons peut être caractérisée principalement par la donnée de l’expansion et de la date du point d’inflexion. Il faut noter que la RSI peut générer des expansions plus homogènes que la réaction alcalisilice (RAS), mais ces expansions peuvent être plus importantes (jusqu’à 2 % pour la RSI contre un maximum de 0,5 % pour les cas habituels de RAS (Larive 1998)).

Variations de poids 

Une éprouvette en béton conservée en immersion dans l’eau après sa cure verra systématiquement son poids augmenter par reprise d’eau. Ce gain de poids peut atteindre rapidement 1 % à 28 jours mais habituellement se limitera au maximum à 2 % (Zhang et al. 2002).En cas d’expansion due à la DEF, ce gain peut atteindre 5 %, avec une cinétique similaire à celle de l’expansion. Certains auteurs observent ainsi une relation de proportionnalité entre l’expansion mesurée et la prise de poids (Lewis 1996) mais cette corrélation diffère suivant les mortiers (Zhang et al. 2002). Il semble communément entendu que cette prise d’eau correspond à la fois à l’eau consommée pour former de l’ettringite et à l’eau piégée dans les fissures du matériau. Toute la difficulté est de connaître la proportion de chacun de ces deux phénomènes.

Modification des caractéristiques mécaniques 

L’une des manifestations de la RSI dans le béton est la réduction du module d’ Young. (Zhang et al. 2002) et (Brunetaud 2005) ont montré qu’il était possible d’établir une bonne corrélation entre la baisse du module d’élasticité dynamique (mesuré par auscultation ultrasonique) et l’expansion des éprouvettes. On peut ainsi observer une baisse de 10 % du module dynamique voire 40 % pour des éprouvettes très endommagées (expansion : 1,7 %). La résistance à la compression est elle aussi affectée par la pathologie : (Pavoine 2003) a observé une chute de 75 % de la résistance à la compression pour des éprouvettes de béton ayant développé des expansions de 1,6 %. (Brunetaud 2005) a remarqué que lors d’une expansion linéaire, le matériau ne s’endommage pas ou très peu et que lors d’une expansion sigmoïde, la vitesse d’expansion est d’abord fonction du module dynamique jusqu’à un seuil d’endommagement, généralement aux environs de 0,1 % d’expansion. A partir de cette valeur, le module commence à chuter tandis que la vitesse d’expansion augmente. Cette chute peu atteindre 30% du module d’Young initial. (Brunetaud 2005) a pu constater une corrélation entre l’expansion engendrée par la RSI et la résistance en compression. Cette corrélation est présentée dans la figure 1-1

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