La réclamation  d’une indemnisation au nom du passager 

Le droit des passagers aériens

Le droit communautaire a insufflé une nouvelle vision au contrat de transport, au point d’assimiler le passager à un consommateur, qui bénéficie des mesures protectrices du droit de la consommation. L’analyse des postes de responsabilité du transporteur aérien permet de comprendre ce processus d’imbrication des sources, et la variété des solutions jurisprudentielles.
L’arrêt européen précurseur dans la matière est l’affaire « Sousa Rodriguez » . Il introduit pour la première fois la notion d’indemnisation des passagers dans tous les cas où la compagnie aérienne n’aurait pas prêté assistance aux passagers. Cette indemnisation comprendrait le remboursement des frais exposés et pourrait s’additionner, dans les limites définies par les textes, aux indemnisations complémentaires prévues par la Convention de Montréal 1999 ; à savoir tant des dommages matériels que des dommages moraux.
L’arrêt est également extrêmement important en ce qui concerne la définition de « vol annulé ». En effet, contrairement à ce que l’on pourrait penser, un vol n’est pas uniquement un aéronef qui n’aurait pas décollé mais en fait un appareil n’ayant pas effectué « l’itinéraire » prévu ; à savoir « le parcours à effectuer par l’avion de l’aéroport de départ à l’aéroport d’arrivée selon une chronologie établie ».
L’arrêt Sousa Rodriguez c/ Air France est sans conteste une évolution majeure dans la compréhension des divers textes dans le domaine de la protection des droits des passagers. Il nous enseigne également que les litiges doivent faire l’objet de diverses vérifications tant juridiques qu’opérationnelles et que le professionnel ne devra plus se fier uniquement aux arguments avancés par les compagnies aériennes. S’agissant spécifiquement de la réglementation visant à protéger le consommateur utilisant le transport aérien, celle-ci a connu une évolution avec l’adoption du règlement du Conseil et du Parlement européen CE n°261/2004 du 11 février 2004, entré en application le 17 février 2005, qui encadre plus strictement qu’auparavant les conditions de mise en œuvre de la surréservation. Dans tous les cas d’annulation de vol pour lesquels les dispositions du Règlement Européen n°261/2004 s’appliquent, les compagnies aériennes ont obligation d’assister les passagers.
L’objectif du Règlement n°261/2004 était d’établir une obligation d’indemnisation des passagers refusés à l’embarquement ou dont le vol avait été annulé afin de décourager les compagnies aériennes de recourir de manière abusive à la pratique de la surréservation et annulation des vols pour des raisons économiques ou commerciales.
En matière de règlement des litiges, le consommateur dont le contrat conclu avec le transporteur aérien n’a pas été respecté dispose de deux voies de recours traditionnelles : la sollicitation du prestataire de service ou bien la saisine du juge.
En dehors de ce qui peut résulter de l’action judiciaire, le règlement d’un litige dépend très largement du libre arbitre du fournisseur de service. Celui-ci donne suite ou non à la réclamation du client sur la base de critères qu’il a lui-même défini et qui font partie de sa politique commerciale.

La modification des rapports entre les compagnies aériennes et leurs usagers

Le Règlement européen est directement applicable dans les États membres de l’Union Européenne, ce qui signifie que les particuliers peuvent l’invoquer directement pour faire valoir leurs droits auprès des opérateurs économiques ou auprès des tribunaux. Il s’agit donc d’une avancée significative pour les passagers.
Les garanties apportées par ce Règlement peuvent toutefois présenter un inconvénient : celui d’une application « systématique » de ce dispositif « pro-consumériste ».
« Pro-consumériste » parce que le Règlement européen possède un champ d’application très large; territorialement, il ne se limite pas uniquement à l’Europe, il concerne également les pays tiers (à condition toutefois que le vol soit assuré par un transporteur communautaire).
De plus, certains recours peuvent s’avérer parfois beaucoup trop avantageux pour les consommateurs, surtout s’ils volent sur des compagnies low-cost , puisque l’indemnité n’est pas proportionnelle au prix des billets.
Les compagnies attendaient beaucoup de la révision du Règlement européen, en discussion avec Bruxelles depuis quelques années. L’enjeu était de parvenir à un texte plus équilibré, en précisant mieux la notion de «circonstances extraordinaires» .
L’imprécision de ce Règlement sur le droit à une indemnisation forfaitaire en cas de retard de vol a conduit à rendre la décision « Sturgeon » en 2009. Il a été jugé qu’à partir de trois heures de retard à l’arrivée jusqu’à la destination finale, le transporteur aérien ne peut s’exonérer de ses obligations matérielles sauf s’il arrive à prouver que l’évènement est fortuit. Autrement dit, le simple aléa aéronautique qui n’est pas inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien engage la responsabilité pécuniaire de la compagnie aérienne.
Les passagers se retrouvent souvent démunis face aux compagnies car ces dernières citent souvent les «circonstances extraordinaires» comme étant la cause de l’annulation des vols et dès lors rejettent toute demande d’indemnisation des passagers. Il s’agit d’évènement ou d’incident indépendant de la volonté des compagnies qui peut être assimilé à la notion française du cas de force majeure.

La responsabilité des compagnies en cas d’événements de force majeure

Le débat sur les conséquences juridiques consécutives à l’éruption du volcan islandais Eyjafoll en avril 2010 est loin d’être clos si l’on en juge d’après les arrêts de la Cour de Cassation en date du 8 mars 2012 dans les affaires « Océane » et « Thomas Cook » qui posent une fois de plus la question de la responsabilité du prestataire en cas de force majeure.
Dans une autre affaire mettant en cause Ryanair, toujours à cause de ce volcan, l’Avocat Général de la Cour de Justice de l’Union Européenne ne fixe pas de limite temporelle ou pécuniaire de prise en charge des passagers et qu’in fine, le coût de l’obligation de la prise en charge par les transporteurs aériens peut être compensé par une répercussion sur le prix du passager.
Ceci, après le même genre de raisonnement entendu dans le cas de la mise en œuvre de la taxe carbone par l’Union européenne engendrant par ailleurs une polémique internationale, ne manque pas de nous plonger dans une certaine perplexité quant à la pertinence des arguments communautaires. La responsabilité des transporteurs et la nécessaire révision du Règlement 261/2004 a donné lieu à des développements jurisprudentiels remettant en cause la notion de circonstances extraordinaires exonératoires de responsabilité des transporteurs.

La création des sociétés de réclamation

Le 9 mars 2017, la Commission européenne a publié de nouvelles informations expliquant à tous les voyageurs le rôle des « officines » pour les droits des passagers aériens .
Les organismes nationaux d’exécution, qui sont les autorités publiques responsables de l’application des règles relatives aux droits des passagers au niveau national, existent dans tous les États membres. Ils peuvent être contactés librement et peuvent fournir toutes les informations nécessaires. Les processus alternatifs de règlement des différends peuvent également aider à la médiation entre les passagers et les transporteurs aériens.
Selon les règles de l’UE, les passagers sont autorisés à être représentés par une autre personne ou entité lorsqu’ils réclament une indemnisation pour les déplacements perturbés. Toutefois, certains agissements de mauvaises pratiques et de mauvaises conduites ont été portés à l’attention de la Commission à plusieurs reprises.
En effet, les « officines » commerciales assignent dans toutes les juridictions françaises en dépit des dispositions de la Convention de Montréal et de l’arrêt Rehder – Article 46 : « L’action en responsabilité devra être portée, au choix du demandeur, dans le territoire d’un des Etats Parties, soit devant le tribunal du domicile du transporteur, du siège principal de son exploitation ou du lieu où il possède un établissement par le soin duquel le contrat a été conclu, soit devant le tribunal du lieu de destination ». Arrêt Rehder – L’article 5, point 1, sous b), second tiret, du Règlement CE n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire qui doit être interprétée en ce sens que, en cas de transport aérien de personnes d’un État membre à destination d’un autre Etat membre, effectué sur le fondement d’un contrat conclu avec une seule compagnie aérienne qui est le transporteur effectif, le tribunal compétent pour connaître d’une demande d’indemnisation fondée sur ce contrat de transport et sur le Règlement CE n° 261/2004 est celui au choix du demandeur, dans le ressort duquel se trouve le lieu de départ ou le lieu d’arrivée de l’avion, tels que ces lieux sont convenus dans ledit contrat.
L’objectif est de faire appliquer l’article L141-5 du Code de la consommation qui dispose que le consommateur peut saisir à son choix, outre l’une des juridictions territorialement compétentes en vertu du code de procédure civile, la juridiction du lieu où il demeurait au moment de la conclusion du contrat ou de la survenance du fait dommageable.

Le mode de rémunération des sociétés de réclamation

Comme elles rechignent à payer, nombre de sociétés se sont créées, pour récupérer l’argent dû aux passagers , moyennant une commission.
Le réseau des Centres européens des consommateurs (ECC-Net) reçoit toujours plus de plaintes de passagers aériens mais il constate que de plus en plus de sociétés privées font ce travail, en se rémunérant sur le résultat obtenu. Dans son rapport sur les droits des passagers aériens 2015, il pointe les lacunes que présentent certaines de leurs conditions générales après avoir passé en revue les sites internet de 36 officines. Ce rapport a été rédigé par le centre de Stockholm, avec l’aide de ceux de Copenhague, Dublin, Oslo et Kehl.
72% de ces sociétés n’assistent les passagers que sur la base du Règlement européen CE n°261/2004. Quelques- unes les assistent aussi sur le fondement de la Convention de Montréal notamment en cas d’avarie bagage. Les CEC, eux, maîtrisent l’ensemble du droit des passagers.

Table des matières

Introduction
I. Présentation générale du transport aérien
II. Le droit des passagers aériens
III. La modification des rapports entre les compagnies aériennes et leurs usagers
Partie I – Les causes : la « forfaitisation » 
Titre I – Un renforcement du droit des passagers aériens 
Chapitre I – Le Règlement européen CE n° 261/2004 : un support juridique en faveur des passagers 
Section I – Son champ d’application territorial
Section II – Son champ d’application matériel
Chapitre II – L’arrêt CJUE « Sturgeon »  du 19 novembre 2009 
Section I – L’ouverture à une compensation forfaitaire
Section II – Une précision quant à la notion de retard  dans le transport aérien
Titre II – Les causes d’exonération de responsabilité  du transporteur aérien
Chapitre I – La notion de « circonstances extraordinaires » 
Section I – La responsabilité des compagnies  en cas d’événements de force majeure
Section II – Une progression inquiétante  de la jurisprudence européenne
Chapitre II – Une « banalisation » du transport aérien 
Partie II – Les conséquences : la « systématisation » 
Titre I – L’apparition des sociétés de réclamation 
Chapitre I – Vers un nouveau mode de règlement des conflits 
Section I – Le principe : la réclamation  d’une indemnisation au nom du passager
Section II – Le combat des compagnies aériennes
Chapitre II – Des pratiques en marge de la légalité
Section I – Des démarchages illégaux
Section II – Le mode de rémunération des sociétés de réclamation
Titre II – La mobilisation des transporteurs aériens
Chapitre I – Une massification des contentieux 
Section I – Au détriment des compagnies aériennes
Section II – En faveur des compagnies aériennes
Chapitre II – La création du « SAV.Flights »
Section I – Vers une éventuelle dépréciation  des sociétés de recouvrement ?
Section II – L’implication du SCARA
Conclusion 

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