La relation entre éducation, croissance économique et développement

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Approche théorique du développement

L’évolution historique et intellectuelle de la pensée académique du développement s’explore en passant d’abord par les théories traditionnelles du développement et ensuite les approches contemporaines du développement et du sous-développement, mais avant tout, il est bon de savoir le concept du développement.

Le concept du développement

Le développement est une notion aussi bien quantitative que qualitative.
Quand on veut le définir, il faut considérer différents domaines.
D’une manière générale, le développement correspond non seulement à une augmentation du pouvoir d’achat mais aussi à des transformations structurelles de l’économie comme l’industrialisation, la scolarisation élevée, l’urbanisation ou la salarisation. Le développement est une transformation de la société dans toutes ses dimensions : accumulation de biens matériels évidemment mais aussi changement physique et intellectuels des hommes, multiplication de leurs nombres. Contrairement à la croissance, le développement est une notion qui n’est pas uniquement économique ; il suppose des progrès dans d’autres domaines comme la démographie et les conditions sociales9.
Selon François PERROUX10 : « Le développement est la combinaison des changements mentaux et sociaux d’une population qui la rend apte à faire croître cumulativement son produit réel ». Croissance et développement sont deux notions indépendantes : La croissance est une condition nécessaire mais pas suffisante du développement qui à son tour favorise la croissance. Toutefois, une croissance déséquibrée, dont les gains sont mal répartis ne conduit pas au développement.
L’accumulation des biens matériels est bien entendu le signe le plus évident du développement économique. L’accroissement du revenu national et le pouvoir d’achat individuel permet à toute la population de s’entourer de ces choses élémentaires qui font la vie courante.
▪ Le changement physique :
La femme aujourd’hui ne ressemble plus à celle du 18ème siècle. Mode de vie, hygiène, nourriture, rythme de travail façonnent le corps.
▪ Le changement intellectuel :
Les critères de changement ne sont ni aussi simple ni de la même nature que ceux du corps. C’est moins sur l’individu que sur l’humanité toute entière que le bouleversement apparait. On évalue la population mondiale actuelle à un peu plus de sept milliards d’individus dont 4/5 sait lire et écrire. La proportion était de 1/3 en 1950 et de moins de 1/50 en 1850.

Les théories traditionnelles du développement : le changement économique

La littérature d’après-guerre sur le développement économique a été dominée par trois grands courants de pensées qui se focalisent sur la croissance économique : la théorie des étapes de la croissance, la théorie du changement structurel et la théorie de la dépendance internationale.

Les étapes de la croissance de ROSTOW :

Rostow propose un schéma du développement en disant que le développement est une succession de cinq étapes dans un processus historique linéaire et universel. Le sous-développement n’est qu’un retard c’est-à-dire les PED aujourd’hui sont le passé des pays développés et ces derniers sont leur avenir.Ces cinq étapes sont les suivantes11 :
1ère étape : Société traditionnelle rurale et agricole : productivité très faibles et techniques rudimentaires, dépenses de survie12, mentalité qui n’envisage pas le changement.
2ème étape : Les préalables au développement : développement des échanges et des techniques, évolution des mentalités, augmentation du taux d’épargne.
3ème étape : Le démarrage ou le « Take-off » : une étape très importante où la société franchit des obstacles et établit une hausse de l’épargne et des investissements.
4ème étape : La marche vers la maturité : diffusion de l’innovation et diversification de la production.
5ème étape : Ère de la consommation de masse : orientation vers la production de biens de consommation et de services.
Pour Rostow, toutes les sociétés peuvent être rangées dans une de ces cinq catégories et elles doivent suivre cet itinéraire.

La théorie du changement structurel :

Cercles vicieux de NURSKE (1953)

NURSKE13 est le promoteur de l’analyse en termes de cercles vicieux de la pauvreté et du sous-développement. Il dit que la faiblesse de l’épargne empêche le développement endogène en l’absence d’aide extérieure, d’où la nécessité de financement extérieur au stade préalable de démarrage de Rostow.
Graphique n°1 : Le cercle vicieux de la pauvreté selon Nurkse :
Il préconise alors à un recours aux capitaux étrangers qui va autoriser un accroissement du stock de capital, de la productivité, des revenus et par la suite de la demande. Tout en identifiant clairement les mécanismes de perpétuation de la pauvreté.

Modèle de LEWIS (1954)

Lewis est l’un des pionniers de l’économie du développement, économiste britannique. Un des premiers modèles théoriques de développement centré sur la transformation structurelle d’une économie de subsistance pour lequel Lewis a reçu le prix Nobel en 1979. Le modèle dual de Lewis est devenu la théorie générale du processus de développement dans les pays du tiers-monde sur la période 1960(Deubeli, 2008). Le dualisme est une des caractéristiques des pays en voie de développement.
Dans le modèle de Lewis, l’économie sous-développée est caractérisée par l’existence de deux secteurs : un secteur traditionnel et un secteur moderne. Dans le secteur traditionnel, il y a forte intensité de main d’œuvre, l’offre de main d’œuvre est illimitée, le salaire est très bas et en plus, l’absence de technologie dans le milieu rural ; d’où la nécessité de transfert de main d’œuvre rural vers la ville. Pour Lewis, le surplus de main d’œuvre doit quitter la campagne vers la ville. Dans le secteur moderne ou dans l’industrie, la productivité est encore croissante. Le capitaliste a des besoins en main d’œuvre afin de produire plus de quantité, et de dégager de profit.
Le cœur de la structure de développement économique du modèle de Lewis est le mouvement du travail du secteur traditionnel au secteur moderne.
Pour les pays en développement, qui veulent se développer, la solution est simple ; il suffit de transférer le surplus de main d’œuvre du secteur traditionnel dans le secteur moderne où la productivité est croissante, afin de dégager des taux de profits croissants et donc, un taux d’épargne suffisamment important pour lancer le processus d’industrialisation (Deubeli, 2008).
Mais, quand on vient en ville, on n’a pas la capacité nécessaire pour travailler dans l’industrie. Et on ne maîtrise pas non plus l’information dans l’entreprise. Nous savons que les entrepreneurs cherchent toujours un maximum de profit ; pour cette raison, ils n’embauchent des gens qui n’ont pas de capacité ou d’expérience. La conséquence, le capitaliste va recruter une personne à bas coût ;
Plus précisément, ce modèle dualisme de Lewis présente des limites, le secteur moderne a une capacité d’embauche mais leur recrutement n’est pas garanti, d’où l’explosion du secteur informel.

Modèle de développement de CHENERY (1979)

Le modèle le plus connu est celui de Chenery14, basé sur un travail empirique qui examine un grand nombre de trajectoires de développement de PED sur la période d’après-guerre. Son travail sur les séries chronologiques et les séries transversales des pays à niveau de capital par tête différents, conduit à identifier un certain nombre de caractéristiques communes au processus de développement, parmi lesquelles :
– Le passage de la production agricole à la production industrielle
– Accumulation continue de capital physique et humain
– Modification de la structure de la demande des biens de base et de première nécessité au profit des biens manufacturés diversifiés et des services.
– Déclin de la taille de la famille et de la croissance de la population, au fur et à mesure que les enfants perdent leur valeur économique et que les parents substituent de la qualité d’éducation, par exemple, à la quantité,
avec une population qui commence par croître puis décroît dans le processus de développement.
Mais comme toute approche, elle a aussi ses limites. Cela implique des faits concluants comme le fait que le développement est un processus identifiable de croissance et de transformation dont les caractéristiques principales sont similaires entre pays. Pourtant, le modèle reconnaît que des différences peuvent apparaître entre pays dans le rythme et la trajectoire de développement, en fonction des circonstances qui leur sont propres.
Et d’après Cudeville et Poncet 15, « L’observation de la baisse de la force de travail dans l’agriculture dans le temps, on conduit à négliger ce secteur vital comme nous verrons, c’est l’inverse qu’il aurait fallu faire. Partiellement, en observant le rôle de l’éducation secondaire dans les PI, les décideurs peuvent être enclins à insister sur développement d’un système universitaire avant que l’essentiel de la population soit alphabétisé, une politique qui a conduit à de très fortes inégalités. »

La théorie de la dépendance :

C’est une théorie influencée par la théorie marxiste en évoquant la domination de la périphérie par le centre. Le raisonnement se fonde à travers le capitaliste mondial, et repose sur les rapports centre-périphéries. L’insertion dans l’économie mondiale est à l’origine du sous-développement des pays dits périphériques du fait de la domination des pays du centre, ce qui rend difficile, voire impossible toute tentative de développement (Amin, 1986).
Amin S. dans son ouvrage « La déconnexion » paru en 1986, propose une alternative aux pays dits périphériques. Le problème est d’envisager un développement autocentré de l’économie des pays périphéries qui est extravertie. Et c’est dans cette optique qu’il faut comprendre sa théorie de la déconnexion.

Les approches contemporaines du développement

Indice de développement :

La Banque Mondiale ou BM16 et le PNUD ont des manières pour classer les pays du monde. Ces institutions préconisent chacun leur indice de développement. La différence se situe sur les variables considérées pour calculer la place d’un pays au niveau du développement.

La Banque Mondiale :

La Banque Mondiale opère chaque année une classification des pays selon le niveau de PIB ou de PNB par habitant. La Banque Mondiale intègre un indicateur monétaire.
En 2009, la Banque Mondiale publie des tranches de revenu où les pays peuvent se classer économiquement en termes de développement sur la base du revenu17. Ainsi, les classements se présentent comme suit :
– Pays à faible revenu : avec un revenu national brut par habitant inférieur ou égale à 975 dollars
– Pays à revenu moyen bas : avec un revenu national brut compris entre 865 et 978 dollars
– Pays à revenu moyen haut : avec un revenu national brut compris entre 3866 et 11905 dollars
– Pays à revenu élevé : avec un revenu national brut supérieur ou égal à 11906 dollars.
La BM considère à partir de ces classements susmentionnés que les PED sont réunis dans les trois premiers groupes alors que les pays développés figurent dans le groupe des pays à revenu élevé.
Le programme des Nations Unies pour le Développement avec le fameux IDH : En contestant l’indicateur de la BM, le PNUD18 considère que ce dernier est très réducteur et n’inclus pas tous les aspects de la vie d’une personne. Alors, dans les années 1990 le PNUD a proposé un indicateur synthétique de développement humain appelé IDH19.
Au départ, l’IDH s’analysait en trois dimensions : la longévité, le savoir et le niveau de vie, autrement dit, le PIB par tête des habitants d’un pays afin de comprendre son niveau de développement.
Mais actuellement, on tient compte de quatre variables : le revenu, l’espérance de vie, l’alphabétisation des adultes et le nombre moyen d’étude en séparant les trois niveaux (primaire, secondaire et supérieur) (PNUD, 2010).
De ce fait, l’IDH met l’accent sur les possibilités fondamentales d’intégration d’un individu dans la société, et non plus les moyens matériels, telles que
– Mener une vie longue et saine
– Accéder à la connaissance et à l’information
– Bénéficier des ressources suffisantes pour une vie décente
Dans ses rapports sur le développement humain, le PNUD classe les pays selon la valeur de leur IDH qui est comprise entre 0 et 1. Le PNUD distingue donc trois groupe de pays :
– Les pays à faible développement humain : IDH inférieur à 0,5
– Les pays à développement moyen : IDH compris entre 0,5 et 0,799
– Les pays à développement élevés : IDH supérieur à 0,8
Le PNUD publie chaque année dans son rapport sur le développement humain le classement de chaque pays. Cet indice peut augmenter ou diminuer selon les efforts des pays.
Si ça y était les différentes théories concernant le développement, la question est de savoir qu’en est-il des liens entre l’éducation et le développement

La relation entre éducation, croissance économique et développement

À quoi sert l’école ? Et comment mesurer les effets de l’éducation sur la vie des individus et des sociétés ? Immenses ont toujours été les espoirs fondés dans l’édification d’un système scolaire : le développement de l’instruction est censé transformer en profondeur les comportements individuels par la transmission de valeurs morales et citoyennes permettant aux individus d’être maîtres de leurs valeurs morales et de leur destin et de bien gouverner leur vie.
L’éducation devrait aussi contribuer au développement économique en enrichissant les individus et en accélérant le progrès technique.
Nombreux sont aujourd’hui les économistes, sociologues, psychologues, politologues ou historiens qui cherchent, avec les outils de leur discipline, à mesurer les écarts entre ces espoirs et les réalités. Dans les pays développés, comme dans les pays en voie de développement. À l’échelle des comportements individuels comme des sociétés. Dans tous les domaines de la vie : culture, salaires, croissance, hiérarchies sociales, famille, santé, politique…
Pour mieux comprendre les impacts de l’éducation sur la croissance et développement économique, nous considérons comme pertinent d’opter pour une étude des positions des trois approches théoriques qui sont parmi les plus représentatives et qui ont le plus travaillé sur les questions d’économie politique d’éducation. Il s’agit de la théorie classique, la théorie du capital humain et les théories de la croissance endogène.

La relation éducation-croissance dans la pensée économique classique

L’approche d’Adam Smith de la relation éducation croissance :

Adam Smith, philosophe moraliste, économiste, et considéré aussi comme le père fondateur de l’économie, fut le premier à contribuer sérieusement à la question d’éducation. En effet, il est parmi les premiers à s’interroger sur la notion de capital humain avec sa vision : « Qui dit homme dit capital humain et donc richesse »20. Smith considère que les qualifications, et aptitudes acquises par les individus par l’éducation familiale, les études et apprentissages sont des éléments déterminants du progrès économique. Par ailleurs, il pense également que l’éducation est un facteur qui assure la division du travail, en conséquence le gouvernement doit s’en soucier.
« Pour les riches, l’État doit avoir faire peu de versements sur l’éducation. Et quelles parties de l’éducation pour l’enseignement desquelles il n’y a pas d’institutions publiques sont généralement les mieux enseignés. Cela ne veut pas dire qu’on devrait délaisser des pauvres sans école, car une attention particulière de la part du gouvernement est nécessaire pour empêcher la corruption complète et la dégénérescence d’une grande partie du peuple surtout défavorisés21 ». Le système était donc adopté avec économie et modération et Smith suggérait que les bas salaires des travailleurs ne sauraient augmenter que tant que la proportion d’enfants au-dessus de 14 ans présents à l’école dépasserait un certain nombre. Il désirait par-dessus tout accroître la qualité de l’enseignement, ainsi, l’argent des parents, le temps et aussi les dons naturels des enfants en soient pas perdus ou mal employés par l’inexpérience et l’ignorance de ceux auxquels ils ont été confiés.
On considère de ce fait que Smith place l’éducation au centre de sa pensée qu’il lui accorde une grande importance.

Table des matières

INTRODUCTION
1.1. Courant libéral
1.2. Courant marxiste
Section 2 : Les différentes formes d’éducation
3.1. La demande individuelle d’éducation
Section 1: Le concept du développement
Section 2: Les théories traditionnelles du développement : le changement économique
2.1. Les étapes de la croissance de ROSTOW
2.2. La théorie du changement structurel
Chapitre 3 : La relation entre éducation, croissance économique et développement
Section 1 : La relation éducation-croissance dans la pensée économique classique
1.1. L’approche d’Adam Smith de la relation éducation croissance
1.2. David Ricardo, Malthus et l’éducation
Section 2 : La théorie du capital humain
2.1. Origine du concept « capital humain »
2.2. Définition du capital humain
2.3. L’apport de la théorie du capital humain sur la croissance économique et le développement
Section 3 : Les théories de la croissance endogène
3.1. Le modèle de LUCAS : La théorie d’accumulation du capital humain
3.2. Le modèle de ROMER : Le savoir comme produit des activités de recherche
3.3. La théorie néo-schumpétérienne de la croissance endogène : le modèle Aghion et Howitt
PARTIE 2: ÉDUCATION ET DÉVELOPPEMENT: CAS DE MADAGASCAR
CHAPITRE 1 : Les réalités de l’éducation de Madagascar
Section 1 : Le système éducatif malgache
1.1. L’éducation préscolaire
1.2. L’éducation fondamentale
Section 2 : Les dépenses publiques en matière d’éducation
2.1. La part de l’éducation dans le PIB de Madagascar
2.2. Évolution de la structure des dépenses publiques d’éducation
3.1. Le coût de l’éducation élevé par rapport au niveau de vie de la population
3.2. Programme d’enseignement inadapté aux besoins du marché du travail
3.3. L’enseignement et la pauvreté
CHAPITRE 2 : Analyse des politiques éducatives mises en oeuvre par l’État malgache
Section 1 : Les politiques mises en oeuvre par l’État malgache
1.1. Cadre de la politique éducative à Madagascar
2.2. Le plan national d’EPT
2.3. L’engagement n°3 du MAP
2.4. Le PND : L’axe 4 des grandes orientations stratégiques du développement 38
Section 2 : Analyse des résultats de ces politiques
2.1. Les résultats positifs et les performances
2.2. Résultats négatifs et obstacles au développement du secteur éducation
CHAPITRE 3 : Les apports de l’éducation au développement du pays
Section 1 : Aperçu global du développement de Madagascar
1.1. L’état du développement humain de Madagascar
1.2. L’état de la croissance économique de Madagascar
Section 2 : La relation éducation et développement : analyse des résultats
2.1. Éducation et niveau de revenu
2.2. Éducation et développement « humain »
2.3. Éducation et développement rural
Références bibliographiques

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