La responsabilité pénale des personnes morales

La responsabilité pénale des personnes morales de droit privé 

Régime antérieur à la loi du 11 juillet 2018

Initialement irresponsables pénalement, les sociétés sont depuis 1999 flanquées d’un régime de responsabilité pénale propre. Les adages « societas delinquere non potest » puis « societas deliquere potest sed non puniri » ont longtemps prévalus jusqu’à un premier régime de responsabilité en 1999 par une loi du 4 mai . Ainsi, si un lien intrinsèque entre l’infraction commise et la personne morale est bien présent, sa responsabilité pénale peut être mise en cause . La société est alors conçue comme pouvant commettre une faute et pourvue d’une intention propre . La manière dont il faut imputer les faits à la personne morale n’est, par contre, pas définie en droit pénal et il revient alors au juge de faire œuvre créatrice . Ainsi était formulé l’ancien article 5 du code pénal : « Toute personne morale est pénalement responsable des infractions qui sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits concrets démontrent qu’elles ont été commises pour son compte.

Lorsque la responsabilité de la personne morale est engagée exclusivement en raison de l’intervention d’une personne physique identifiée, seule la personne qui a commis la faute la plus grave peut être condamnée. Si la personne physique identifiée a commis la faute sciemment et volontairement, elle peut être condamnée en même temps que la personne morale responsable. » .

Dans le cas où une personne physique peut être identifiée comme ayant commis l’infraction, cette première version du régime de la responsabilité pénale des entreprises excluait qu’un cumul de responsabilité ait lieu « sauf dans le cas où il peut être établi que l’infraction peut être imputée personnellement à une personne physique, qui aurait agi de manière intentionnelle » . Le cumul reste donc possible pour les infractions intentionnelles.

Régime actuellement applicable 

La nouvelle version de l’article 5 du code ne s’encombre plus de tous ces éléments . Ainsi, il prévoit désormais que :

« Art. 5. Toute personne morale est pénalement responsable des infractions qui sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits concrets démontrent qu’elles ont été commises pour son compte » .

Le nouveau texte exclut d’utiliser ce que l’on avait appelé la « cause d’excuse absolutoire » permettant précédemment à celle de la personne physique ou morale auteur de la faute la moins grave d’être exemptée de peine .

L’on peut lire dans les travaux parlementaires de la loi qu’ « Il est évident que concrètement, l’infraction commise par la personne morale sera le fait d’une personne physique. Si la personne physique peut être identifiée, tant la personne morale que cette personne physique peuvent être condamnées pour le même fait. » Cette conception n’a pas changé mais la limitation existant à l’époque dans le cadre des poursuites non intentionnelles est supprimée. La responsabilité des personnes morales de droit privé est donc à nouveau élargie.

La responsabilité pénale des personnes morales de droit public 

Régime applicable avant le 30 juillet 2018 

En 1999, le législateur a décidé de se saisir de la question de la responsabilité pénale des personnes morales en général. S’est donc posée la question de savoir si les personnes morales de droit public devaient elles aussi pouvoir être poursuivies par le parquet dans le cadre d’infractions pénales commises à l’occasion d’actes de gestion de services publics.

Le choix du législateur a porté initialement sur une exemption à l’égard des pouvoirs publics non sans susciter des réflexions doctrinales sur l’opportunité de ce choix  finalement validé par la Cour Constitutionnelle .

Pour la Cour constitutionnelle, le fait pour les collectivités publiques d’être chargées d’une mission « politique essentielle dans une démocratie représentative, de disposer d’assemblées démocratiquement élues et d’organes soumis à un contrôle politique » sont des particularités qui justifient de ne pas leur avoir étendu la responsabilité pénale. Il s’agit, toujours selon la Cour, d’éviter de régler au niveau pénal des conflits qui doivent se traiter au niveau politique  . Le texte de l’article 5 du code pénal modalisant la responsabilité pénale des sociétés prévoyait donc avant le 11 juillet 2018 , entre autres que « Ne peuvent pas être considérées comme des personnes morales responsables pénalement pour l’application du présent article : l’Etat fédéral, les régions, les communautés, les provinces , les zones de secours, les prézones l’agglomération bruxelloise, les communes, (les zones pluricommunales,) les organes territoriaux intra-communaux, la Commission communautaire française, la Commission communautaire flamande, la Commission communautaire commune et les centres publics d’aide sociale. » .

Table des matières

Introduction
Chapitre 1. La responsabilité pénale des personnes morales
Section 1. La responsabilité pénale des personnes morales de droit privé
1. Régime antérieur à la loi du 11 juillet 2018
2. Régime actuellement applicable
Section 2. La responsabilité pénale des personnes morales de droit public
1. Régime applicable avant le 30 juillet 2018
2. Régime applicable après le 30 juillet 2018
Section 3. Sort des organes des personnes morales en matière pénale
1. La personnalité juridique des personnes morales de droit privé
2. La personnalité juridique des personnes morales de droit public
Section 4. Vers une conception pénale forte de la personnalité juridique ?
1. Le mécanisme de la conversion des peines
Le mécanisme de conversion des peines
Éléments de l’infraction pénale
2. Approche du législateur ?
3. Conclusion
Chapitre 2. La transparence fiscale, entrave au concept de personnalité juridique ?
Section 1. Le concept de transparence fiscale
1. Démarche internationale
2. Illustration en droit belge
Section 2. La « responsabilité » fiscale des organes
1. Cas d’application
La taxe caïman
Régime particulier
2. Le principe de transparence fiscale confronté à personnalité juridique d’une société : atteinte justifiée ?
Droit à la vie privée
Jurisprudence fiscale européenne
Section 3. La transparence appliquée aux personnes morales de droit public
1. Taxation des organismes publics?
2. Existence, intérêt et opportunité d’une transparence fiscale au sens strict des organismes publics ?
Section 4. Conclusion sur la perception de la personnalité juridique par le législateur fiscal
Chapitre 3. Deux perceptions de la personnalité juridique ou cohérence dans l’approche du concept ?
Section 1. La personnalité juridique, fiction à l’épreuve des nécessités ?
1. La fiction juridique
2. Limites à la fiction juridique ?
Section 2. Les nécessités propres aux droits fiscal et pénal, des justifications ?
1. Particularité du droit pénal : personnalité et volonté
2. Rapprochement des deux régimes
Le recours au droit pénal
Point d’attention
3. Différences fondamentales des démarches législatives
Section 3. Les freins à la reconnaissance d’une responsabilité pénale et fiscale des pouvoirs
publics
1. Responsabilité pénale
2. Transparence fiscale
3. La personnalité juridique
Conclusion 

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