La théorie anthropologique du didactique

La théorie Anthropologique du Didactique

Nous nous situons dans le cadre de la théorie Anthropologique du Didactique (Chevallard, 1998, 1999), notamment pour analyser les manuels et, plus tard, pour les séances de classe (dans nos synopsis).

Dans l’enseignement d’un objet mathématique (pour Chevallard son essai de théorisation va au delà de l’enseignement des mathématiques), Chevallard parle de la praxéologie – la praxis, le savoir-faire méthodologique (les tâches et les techniques) – et le logos, le discours correspondant au savoir en jeu (technologie théorie, ou le savoir déclaratif) .

Tâche et Techniques
La sémantique du mot « tâche » utilisé dans cette théorie est plus large que celle du français, tout en désignant un objet relativement précis. Dans la notion de tâche est inscrit le principe de coordination de plusieurs opérations simples (par exemple, multiplier deux facteurs 2×3) afin d’atteindre un but plus complexe (par exemple, multiplier des facteurs et appliquer la propriété de distributivité pour calculer une expression littérale telle que 2(3+x), ce qui équivaut à effectuer la tâche « développer l’expression 2(3+x) »). Une tâche relève d’un type de tâche, à savoir une typologie d’opérations mathématiques finalisées à un but précis (résultat) (Par exemple « réduire l’expression 2x+4x » et « réduire 5x+6x » sont deux tâches qui appartiennent au même type). D’où c’est la différence du résultat final qui permet de distinguer entre une typologie de tâche d’une autre. Par exemple, ce qui permet de distinguer entre « développer une expression littérale » et « réduire une expression littérale », c’est que dans le premier cas on vise à obtenir une somme de termes à partir d’un produit de facteurs et dans l’autre cas le but sera, par contre, celui d’obtenir un résultat plus simplifié (moins de termes possibles) par rapport à l’expression initiale (par exemple 6x+5x=11x).

Pour accomplir une tâche, il faut mettre en œuvre une certaine technique, c’est-à-dire une manière de faire pour réaliser la tâche. Toute technique peut se décomposer en un ensemble de gestes dans lequel la plupart peuvent eux-mêmes être décrits, analysés comme des tâches ou des sous-tâches. Nous soulignons que le niveau de « type de tâche », est défini et catégorisé selon le point de vue que le chercheur adopte :

« Le problème de la délimitation des tâches dans une pratique institutionnelle donnée reste ouvert et variera selon que l’on adopte le point de vue de l’institution où se déroule la pratique ou bien celui d’une institution extérieure d’où l’on observe l’activité pour la décrire dans un but précis » (Bosch et al., 1999, pp. 84) .

D’une part, pour un même type de tâche on peut donc avoir ensemble de techniques différentes. Pour le type de tâche développer une expression littérale, par exemple, on peut avoir plusieurs techniques qui varient suivant les années (suivant le niveau de la classe et suivant le professeur). D’autre part, pour des types de tâches différents on peut y avoir mêmes techniques. De plus, une technique peut devenir un type de tâche. Selon ce cadre théorique, nous pouvons alors caractériser un savoir faire correspondant par des tâches de même type (par exemple calculer la valeur numérique d’une expression littérale) et des techniques pour réaliser ces tâches.

Technologie et Théorie
Le discours qui rend la technique compréhensible et qui le justifie s’appelle une technologie de la technique. Chevallard a souligné que, parfois, certains éléments technologiques sont insérés dans la technique : « Ainsi en va-t-il traditionnellement en arithmétique élémentaire, où le même petit discours a une double fonction, technique et technologique, en ce qu’il permet tout à la fois de trouver le résultat demandé (fonction technique) et de justifier que c’est bien là le résultat attendu (fonction technologique), comme lorsqu’on dit : « si 8 sucettes coûtent 10 F, 24 sucettes, soit 3 fois 8 sucettes, coûteront 3 fois plus, soit 3 fois 10 F.  » (Chevallard, 1999, pp. 226) De plus, la technologie nécessite à son tour une justification rationnelle. On passe alors à un niveau supérieur de justification-explication-production, celui de la théorie. En d’autres termes, « la théorie est la technologie de la technologie » comme l’explicite Chevallard. D’ailleurs, une théorie peut justifier plusieurs technologies dont chacune à son tour justifie et rend intelligibles plusieurs techniques correspondant à autant de types de tâches. Enfin, Chevallard identifie un thème (par exemple, le calcul littéral) par un bloc de savoir technologicothéorique correspondant : « Dans l’enseignement des mathématiques, un thème d’étude (Pythagore, Thalès, etc.) est souvent identifié à une technologie déterminée (théorème de Pythagore, théorème de Thalès), ou plutôt, implicitement, au bloc de savoir technologico-théorique correspondant, cette technologie permettant de produire et de justifier, à titre d’applications, des techniques relatives à divers types de tâches. On notera cependant que d’autres thèmes d’étude (factorisation, développement, résolution d’équations, etc.) s’expriment, très classiquement, en termes de types de tâches ». (Chevallard, 1999, pp. 229) L’organisation praxéologique permet de définir une organisation mathématique. Ceci nous paraît un outil important pour l’analyse des séances de classes, ce que nous ferons avec les synopsis dans le chapitre 7. De plus, Chevallard définit les six moments de l’étude qui permettent de décrire une organisation didactique. Les six moments sont :
– la première rencontre avec l’organisation enjeu de l’étude
– l’exploration du type de tâches et de l’élaboration d’une technique relative à ce type de tâches
– la constitution de l’environnement technologico théorique de la technique
– le travail de la technique
– l’institutionnalisation
– l’évaluation.
Les phases de correction font partie de ces différents moments avec des fréquences plus ou moins grandes (par exemple, on en retrouvera davantage lors du moment de travail de la technique ou de l’évaluation) . Dans l’analyse des séances observées, la notion de moments nous est apparue comme un grain d’analyse trop gros qui ne nous permettait pas de rendre compte de ce qui se passait dans la classe. nous avons donc découpé nos séances en faisant intervenir ce que nous avons appelé des phases, grain d’analyse plus petit que les moments. De plus, nous avons constaté que dans ce chapitre sur le calcul littéral, l’organisation didactique comprenait surtout le travail de la technique et l’institutionnalisation.

Table des matières

Chapitre 1 Introduction, problématique et méthodologie
1. Introduction et problématique
1.1. Introduction
1.2. Les références théoriques
1.3. Les questions de recherche
2. Méthodologie
3. Plan de la thèse
3.1. Partie I
3.2. Partie II
3.3. Partie III
PARTIE I
Chapitre 2 Etude du savoir relatif au calcul littéral
1. La théorie Anthropologique du Didactique
2. Analyse des programmes officiels du collège
3. Analyse des manuels mathématiques
3.1. Partie « Exercices »
3.2. Partie « Cours »
4. Analyse lexicographique des termes employés en calcul littéral
4.1. Dans les dictionnaires de la vie courante
4.2. Dans les dictionnaires mathématiques
5. Conclusion
Chapitre 3 Analyse des questionnaires
1. Présentation des deux questionnaires et analyse a priori
1.1. Les définitions par les professeurs et les élèves
1.2. Les conditions d’usages
2. Analyse a posteriori
2.1. Les définitions par les professeurs et les élèves
2.2. Les conditions d’usages
3. Conclusion
PARTIE II
Chapitre 4 Quelques éléments sur les travaux en didactique de l’algèbre
1. Notre point de vue sur l’erreur
2. Le passage de l’arithmétique à l’algèbre
2.1. Les fausses continuités : Changement de statut des objets
2.2. Les discontinuités
3. Points de vue différents autour des sources d’erreurs en algèbre
4. Erreurs classiques en calcul littéral
5. Prise en compte du rôle de l’enseignant
6. Conclusion
Chapitre 5 Analyse des questionnaires élèves et professeurs sur les erreurs
1. Le questionnaire « élèves »
1.1. Les questions
1.2. Analyse a priori
1.3. Analyse a posteriori
2. Le questionnaire « professeurs »
2.1. Présentation du questionnaire
2.2. Analyse a posteriori
2.3. Interprétation des erreurs par les professeurs
3. Conclusion
Partie III
Chapitre 6 Pratiques de classes dans les phases de correction
1. Méthodes de collecte des données et de leur analyse
1.1. Entretiens
1.2. Enregistrements vidéo dans les classes et documents écrits
2. Les points de vue des professeurs
2.1. Les points de vue sur les tâches
2.2. Les connaissances des professeurs sur les difficultés et erreurs des élèves
3. Analyse des enregistrements vidéo
3.1. Le tableau d’analyse : Synopsis
3.2. Le logiciel d’analyse vidéo : TRANSANA
3.3. Catégories d’analyse
4. Résultats généraux sur la séquence d’enseignement
4.1. Classe 1, France
4.2. Classe 2, France
4.3. Classe 1, Liban
4.4. Classe 2, Liban
5. Etude générale des phases de correction : Les régularités dans les conduites des professeurs
5.1. Classe 1, France
5.2. Classe 2, France
5.3. Classe 1, Liban
5.4. Classe 2, Liban
6. Conclusion
Chapitre 7 Analyse de cas durant les phases de corrections
1. Etude de cas prototypiques d’intervention de chaque professeur
1.1. Classe 1, France
1.2. Classe 2, France
1.3. Classe 1, Liban
1.4. Classe 2, Liban
2. Les techniques des professeurs pour corriger les erreurs classiques
2.1. Erreurs relatives au type de tâche « réduire une expression littérale »
2.2. Erreurs relatives au type de tâche « développer et réduire une expression littérale »
3. Conclusion
Conclusion

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