La thermorégulation comprendre l’équilibre thermique

La thermorégulation

Pour comprendre l’équilibre thermique, il faut un vocabulaire. Pour cela, je vais définir certaines notions : Par définition, on appelle : – Température ambiante, la température radiante pour un régime de convection libre et un degré hygrométrique de 50%. La température centrale, qui fait l’objet des mécanismes de contrôle, est le niveau moyen de l’énergie thermique de l’organisme. Elle est exprimée en degré Celsius (°C) et se repère à l’aide d’instruments étalonnés (thermomètre, thermocouple, thermistance). Dans la pratique vétérinaire, l’évaluation de la température centrale est l’acte technique le plus courant et tout vétérinaire doit connaître ses caractéristiques. Il faut savoir que l’organisme se décompose du point de vue de la thermorégulation en deux zones, le noyau et l’enveloppe (l’écorce) : • Le noyau est la zone de production de chaleur . Il est constitué des organes perfusés par le sang artériel dont la température est maintenue constante. Il représente environ 80% de la masse corporelle. Chez l’homme, la température centrale varie de 36,5 à 37 C° • Le reste de la masse corporelle constitue l’enveloppe qui correspond au système isolant corporel et qui inclue la peau, les tissus cutanés et la graisse des tissus sous-cutanés.. On admet que la température de l’écorce est celle du revêtement cutané sus jacent. Pour simplifier on admet que la température de la peau est la même en tout point Tcut. Elle varie avec la température extérieure 33C° à 25 C°, 35 C° à 34 C°. La chaleur produite par le noyau s’écoule à travers l’écorce La température de la peau doit toujours permettre le transfert de chaleur du noyau à la périphérie. La peau est le lieu de dissipation de la chaleur vers l’extérieur qui va dépendre du gradient de température entre la température de l’enveloppe et la température ambiante. Chez les ruminants, la température intra-ruminale est supérieure à la température rectale en raison de l’extra-chaleur produite par les micro-organismes du rumen. La température rectale (10cm de l’anus) est très voisine de la température centrale. Comme il existe un gradient de température dans le rectum, il est important d’insérer le thermomètre à une profondeur constante). Le tableau 1 donne les températures rectales normales des animaux domestiques et le rang des variations physiologiques. Un vétérinaire doit connaître la température rectale moyenne et ses fluctuations physiologiques. La température rectale peut varier avec – L’espèce – L’âge : la température est plus élevée en raison de la production de chaleur liée à la croissance – Le stade physiologique : la progestérone produite par le corps jaune a une action hyperthermiante – Le niveau de production, au cours le la lactation, la température d’une vache forte productrice de lait (40-50Kg/j) peut atteindre 39.5-40°C) – Et selon un rythme journalier. Animal Valeur moyenne (°C) Rang Etalon 37.6 37.2-38.1 Jument 37.8 37.3-38;2 Poulain (quelques jours) 39.3 Chameau 37.5 34.2-40.7 Vache à viande 38.3 36.7-39.1 Vache laitière 38.6 38.0-39.3 Mouton 39.1 38.3-39.9 Chèvre 39.1 38.5-39.7 Porc 39.2 38.7-39.8 Chien 38.9 37.9-39.9 Chat 38.6 38.1-39.2 Lapin 39.5 38.6-40.1 Poulet 41.7 40.6-43.0 Tableau 1: Température rectale chez les animaux domestiques (d’après Duke’s physiology of domestic animals) Variations diurnes de la température Chez les animaux diurnes, la température maximale est observée en début d’après-midi alors que la température minimale est observée le matin. Ce rythme est inversé chez les animaux nocturnes. Ainsi, chez le chien, la réalisation de mesures standardisées des paramètres physiologiques a mis en évidence, chez cette espèce, un rythme nycthéméral de la température corporelle. Ces rythmes ont été reproduits chez le chien privé de nourriture pendant 60h (figure 1). Figure 1 : Evolution temporelle de la température rectale d’un chien représentatif qui a reçu sa ration à 10h00 chaque jour (triangle). Les mesures ont été réalisées toutes les 3h. Les barres horizontales blanches et noires indiquent les durées respectives des phases de lumière et d’obscurité (d’après Piccione et al., 2005. J Vet Med A 52 :377). L’amplitude du rythme circadien de la température est variable selon les espèces. Chez la brebis, des mesures de température par radiotélémétrie ont montré que les variations diurnes de la température sont de l’ordre de 1°C et qu’elle ne présente pas de variation saisonnière. 1.1.2. Homéothermie et hétérothermie: Les espèces homéothermes ont une température corporelle constante. Bien entendu, nous allons nous intéresser aux espèces endohoméothermes (mammifères, oiseaux) qui ont développé un dispositif de régulation de la chaleur qui leur permet de maintenir dans les conditions normales leur température centrale dans des limites de variation qui n’excèdent pas ± 2°C. Chez les espèces exohoméothermes, la constance de la température centrale est due à un habitat à température constante (ex:parasites du tube digestif). Les espèces homéothermes peuvent exercer leurs activités usuelles dans un rang important de variation de la température externe. Les espèces hétérothermes dont la température centrale varie directement avec celle de l’environnement ont une activité dépendante de la température externe. Ces espèces n’ont pas les moyens énergétiques d’assurer la thermorégulation. Elles n’ont pas la capacité de production de chaleur nécessaire pour compenser les pertes dans des conditions extérieures variables. Par contre, elles ont des stratégies comportementales qui vont leur permettre de maintenir la température comme on voit ici, le lézard qui s’expose au soleil. L’autonomie énergétique est un avantage distinctif des mammifères et oiseaux.

Le système isolant corporel

La peau, les tissus cutanés et la graisse des tissus sous-cutanés sont des systèmes isolants corporels. La graisse est particulièrement importante car sa conductance de la chaleur correspond à un tiers de la conductance des autres tissus. En l’absence d’un écoulement sanguin depuis l’organe interne chauffé vers la peau, les propriétés isolantes du corps d’un homme (mâle) correspondent à environ ¾ de celles d’un ensemble de vêtements usuel. Chez l’homme, le degré d’isolation dépend de l’épaisseur du tissu gras sous cutané. Chez les animaux, 2 systèmes d’isolants sont systématiquement mis en œuvre par les endohoméothermes, la fourrure ou le plumage et la graisse sous-cutanée. La graisse peut être accumulée en épaisseurs considérables, notamment chez les animaux des régions froides. Ainsi, chez le phoque, la graisse sous cutanée représente 58% de la surface de section totale. Elle facilite par ailleurs la thermorégulation par rapport à la fourrure ou au plumage ; le sang peut en effet amener ici les calories à l’extérieur de la couche graisseuse. C’est également un isolant mieux adapté que la fourrure ou le plumage pour des animaux aquatiques. Fourrures et plumages sont isolants dans la mesure où ils retiennent une couche plus ou moins importante d’air. Ces isolants présentent sur la graisse l’avantage de la légèreté et d’un réglage d’épaisseur rapide par le contrôle d’érection de la pilosité. Nous verrons que ce réglage est un moyen important de lutte contre le froid L’acquisition de ces couches isolantes est un élément essentiel dans l’apparition de l’homéothermie. 1.2. Thermogenèse, thermolyse et température ambiante L’équilibre thermique résulte du maintien à des niveaux équivalents de la production de chaleur ou thermogenèse et des pertes de chaleur ou thermolyse. Pour qu’il y ait maintien de la température centrale, il faut qu’il y ait à tout moment égalité de ces processus. La constance de la température centrale est due à l’égalité de la thermogenèse et de la thermolyse. Ces deux processus s’évaluent selon les recommandations du SI en joule (J) ou en watt (W) avec 1W=1J/s. La calorie (cal) est égale à 4.18J. Une calorie correspond à la quantité de chaleur nécessaire pour augmenter de 1°C la température de 1 gramme d’eau. 1.2.1. La thermogenèse La thermogenèse est la résultante de l’activité métabolique des différents tissus et organes. Elle est exprimée par la quantité de chaleur libérée au cours des réactions chimiques car toute l’énergie utilisée par l’organisme est convertie en chaleur. Quatre vingt quinze pour cent de l’énergie dépensée par l’organisme dérive des réactions d’oxydation. La thermogenèse peut être estimée à partir de la consommation d’oxygène. Ainsi, la thermogenèse est mesurée en calorimétrie indirecte par l’appréciation de la consommation d’oxygène (VO2), le rejet de gaz carbonique (VCO2) et le rejet de méthane chez les ruminants (VCH4). L’équation 1 permet d’estimer de façon précise la thermogenèse. L’équation 2 est généralement suffisante. M=16.17 VO2 + 5.021 VCO2 – 2.167 VCH4 équation 1 M=20.46 VO2 équation 2 Avec M en KJ, et les volumes en litres. Chez les mammifères, la thermogenèse est fonction de la taille de l’animal. L’équation 3 permet d’évaluer la thermogenèse pour un mammifère de poids P selon l’équation 3. M=16.74 P0.75 équation 3 P0.75 correspond au poids métabolique. Thermogenèse de base: La thermogenèse de base (métabolisme de base ou métabolisme de jeûne chez les ruminants) correspond à la production thermique minimum enregistrée chez l’animal au repos, à jeun et dans des conditions de neutralité thermique (tableau 2).

Dans les conditions normales, l’animal se déplace, se nourrit, se reproduit; cela entraîne une thermogenèse supplémentaire qualifiée d’extrachaleur. Le tableau 3 présente un bilan énergétique pour un mouton de 50kg entretenu sur un pâturage. Les facteurs qui augmentent l’activité chimique des cellules augmentent également la thermogenèse. Activité Thermogenèse (KJ. 24h-1) % du total Prise de nourriture (9h) 846.45 12.5 Rumination (8h) 50.16 0.7 Position debout (12h) 150.48 2.2 Marche (6km) 752.4 11.0 Métabolisme de base 5016 73.6 TOTAL 6815 100 Tableau 3 : Thermogenèse (KJ/24h) pour un mouton de 50kg entretenu sur un pâturage (d’après Ingram et Mount, 1975). Chez une vache forte productrice laitière ou chez un animal en engraissement, la thermogenèse endogène peut être doublée. Dans certains organes dont le foie et le cœur, la production de chaleur est relativement constante. Les muscles squelettiques apportent quant à eux une contribution variable à la production de chaleur. Au cours du travail musculaire, plus de 80% de la chaleur corporelle est produite par les muscles squelettiques. 1.2.2. La thermolyse : La thermolyse correspond à l’ensemble des déperditions d’énergie calorique. Elle se mesure par calorimétrie directe et s’exprime en Joules comme la thermogenèse. La thermolyse peut s’effectuer selon différentes modalités physiques que l’on classe en pertes sensibles et pertes insensibles. Les pertes sensibles correspondent aux pertes que l’on perçoit, elles s’accompagnent d’une sensation de froid. Elles peuvent s’effectuer par : – Radiation : perte de chaleur par les rayonnements électromagnétiques. Des rayonnements électromagnétiques sont également émis par les murs et d’autres objets vers l’organisme. – Conduction : elle exige un contact matériel entre l’animal et le milieu. Ces pertes dépendent de la matière (objet, fluide) qui fait l’objet de la conduction à travers sa conductance thermique (constante k). Si l’on met la main sur une surface de métal ou une surface en bois qui sont à la même température (la température ambiante), on n’a pas la même sensation à cause de la capacité supérieure du métal à diffuser la chaleur. La perte de chaleur par conduction de la surface corporelle vers l’air représente une proportion importante des pertes de chaleurs. Les pertes par conduction vers l’air dépendent du gradient de température entre la température ambiante et la température de la surface corporelle. Ce gradient peut s’annuler ce qui conduit à l’arrêt des pertes par conduction à moins que l’air ne soit renouvelé et qu’un air non réchauffé soit continuellement apporté au contact de la peau, ce qui conduit à un phénomène qui est la « convection de l’air ». – La convection : La convection correspond à une perte d’énergie calorique par renouvellement d’un fluide (air, eau) autour de l’animal. Une faible quantité de convection a toujours lieu autour du corps en raison de la tendance de l’air adjacent à la peau à s’élever au cours de son réchauffement. Quand l’organisme est exposé au vent, la perte de température par convection est accrue. Le gradient thermique peut également s’inverser, ce qui va entraîner un apport d’énergie par l’environnement. A ce moment là, le seul moyen de perdre de la chaleur est l’évaporation de l’eau qui est qualifiée de pertes insensibles. – Evaporation de l’eau 1.2.3. La zone de neutralité thermique: Ce graphique (figure 3) est essentiel pour comprendre les grands équilibres. L’axe des x représente la température ambiante et l’axe des y, le niveau de production ou de perte de chaleur. La température centrale est représentée dans la partie supérieure de la figure. Il y a une gamme de températures ambiantes pour laquelle la température centrale ne varie pas et qui correspond à la zone d’homéothermie. La température léthale inférieure est la température ambiante au dessous de laquelle l’animal meurt d’hypothermie. Bien entendu, la valeur absolue de cette température dépend de sa durée d’application. Lorsque la température ambiante devient supérieure à la température léthale supérieure, il y a mort par hyperthermie ou coup de chaleur. Les zones d’hypothermie et d’hyperthermie correspondent à des zones où les capacités de régulation de la température sont dépassées. Dans la zone d’homéothermie, le maintien de la température centrale se fera pour des niveaux différents de la thermogenèse et de la thermolyse selon la valeur de la température ambiante (figure 3). Dans la zone d’homéothermie, on distingue différentes zones : -Une zone de neutralité thermique limitée par la température critique inférieure et la température critique supérieure. La zone de neutralité thermique pour un niveau de nutrition donné est définie comme étant l’intervalle des températures ambiantes pour lequel la thermogenèse est à son minimum et pour lequel la thermolyse n’est assurée ni par la sudation, ni par une augmentation de la fréquence respiratoire. La thermolyse totale correspond à la somme de la thermolyse sensible et insensible. Les courbes correspondant à la thermogenèse et à la thermolyse totale qui devraient être superposées dans la zone d’homéothermie ont été décalées pour des raisons pédagogiques. Quand la température devient inférieure à la température critique inférieure, on constante que l’animal voit sa thermolyse sensible augmenter de façon proportionnelle à la diminution de température. Pour maintenir sa température centrale, il augmente sa thermogenèse jusqu’à l’atteinte des températures léthales inférieures pour lesquelles la thermolyse est supérieure à la thermogenèse. Cette zone correspond à la zone de lutte contre le froid.

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