Posted in

La valeur économique issue de la marque

Le sens de l’épaisseur du cadre : l’intensité du rassemblement

Le cadre est lié aux ‘éléments de base’ qui construisent la situation : des principes d’organisation qui structurent les événements et notre propre engagement subjectif75. De cette manière, la société est influencée par le cadre qui l’encadre. George Lakoff explique son impact ces définitions du cadre, on peut saisir que la cérémonie et le festival influencent différemment pour construire le cadre dans la société.
Le lieu de la cérémonie et la ville où le festival se tiennent déforment temporairement leurs cadres sociaux. Lors du changement de cadre, on peut constater les deux aspects : la modalisation et la fabrication. « Les modalisations conduisent tous ceux qui y participent à partager le même point de vue sur ce qui se passe, les fabrications sont fondées sur les différences de point de vue »77. A la lumière de cette théorie, on peut remarquer que la cérémonie reflète la tendance modalisée alors que le festival reflète l’aspect des fabrications.
Goffman analyse le processus de la modalisation : « un ensemble de conventions par lequel une activité donnée, déjà pourvue d’un sens par l’application d’un cadre primaire78, se transforme en une autre activité qui prend la première pour modèle mais que les participants considèrent comme sensiblement différente »79. La cérémonie est un événement commun, les participants coopèrent pour arriver à l’objectif collectif. Réfléchissons sur ce qui se passe pendant la cérémonie du mariage, des funérailles ou encore la remise des diplômes. Ces cérémonies prennent de l’importance dans le sens du cadre primaire. Voyons ce qui se passe durant la cérémonie du mariage en la Corée du Sud et en France. Dans ce pays asiatique, pour le mariage, on loue les costumes et les lieux pour la cérémonie. Il y a des grands immeubles spécialisés pour cette occasion. Le premier étage est une salle pour la cérémonie de style occidentale. Ensuite, le deuxième étage contient une salle pour la cérémonie de style coréen. Enfin, au dernier étage, il y a une salle à manger. Tout le monde se déplace. Tout est fini en 2-3h. Par contre, en France, on passe d’abord à la mairie et fête cette cérémonie dans un endroit pendant 2 jours ou plus. Même si la cérémonie porte la même signification et importance dans les deux pays, elle est modalisée différemment. Néanmoins, si le cadre n’est pas transformé de cette manière, la cérémonie de mariage perd de son sens. Cela devient simplement comme une sorte de grande soirée. Cette modalisation permet aux participants de comprendre la distinction. On peut ainsi comprendre pourquoi Bateson adopte le rituel lorsqu’il parle du concept du cadre. Le rituel inspire la modalisation. En conséquence, on peut saisir que le cadre de la cérémonie se transforme selon le régime de la modalisation.
Pour le festival, c’est différent. Le cadre du festival change selon son mode de fabrication. « Il s’agit des efforts délibérés, individuels ou collectifs, destinés à désorienter l’activité d’un individu ou d’un ensemble des individus »80. Si on interprète cette définition, on peut constater l’importance de chaque individu pour la transformation du mode de fabrication. Prenons l’exemple d’un événement universitaire en Corée du Sud et en France. En mai, l’université, lieu habituellement studieux dans les deux pays, se transforme en lieu festif. Cet événement particulier est préparé sous l’impulsion des étudiants. Dans le cas des universités en Corée, les associations d’étudiants, au niveau de chaque section et au niveau général, organisent l’évènement. Par exemple, une équipe d’étudiants de chaque section prépare son programme pour attirer du monde et le partager. Ces équipes organisent aussi une petite buvette : faire la cuisine pour vendre des plats cuisinés et des boissons. L’équipe d’étudiants représentatif de l’université s’occupe du programme principal. Elle le prépare pour que tout le monde puisse en profiter. Le théâtre de verdure de l’université est constamment occupé par des programmes variés. Parfois, cela devient un lieu de concert ou de spectacle vivant. L’équipe prépare également un feu d’artifices pour que l’ambiance atteigne son apogée. A peu près toutes les universités coréennes fonctionnent de la même façon au même moment. La manifestation dure environ trois jours. Aucun cours ne se tient pendant cette période et durant l’événement, les universités sont ouvertes à tout le monde. En visitant les autres universités, les étudiants profitent de ce moment privilégié. Cet événement est comparable au Gala de l’Université en France. Les associations d’étudiants s’en occupent. Une scène est aménagée pour la soirée ainsi que les commodités. Les étudiants peuvent acheter leur billet d’entrée quelques jours avant. Cela permet de profiter des boissons et du buffet en fonction du billet acheté. Dans le cas de l’Université d’Avignon, elle ferme en général à 20h. Néanmoins, pour ce jour particulier, elle reste ouverte tard dans la nuit. Les étudiants s’habillent différemment que d’habitude et en entrant, marchent sur un tapis rouge. C’est une soirée exceptionnelle et tout le monde essaie de profiter de ce moment unique. La similarité de l’évènement dans les deux pays permet de comprendre la transformation du cadre universitaire.
L’événement universitaire, que ce soit en Corée ou en France, permet de rencontrer le monde large. Durant cette manifestation, les participants sont divers même s’ils viennent avec différentes motivations : découvrir l’université, rencontrer des proches, renforcer la communauté universitaire, se distraire, etc… Selon leur expérience, le cadre de cette manifestation se transforme différemment.
Le festival peut se comprendre dans le droit fil de cette transformation du cadre. Pour le festival également, une équipe (en tant qu’acteur-guide) propose un programme chaque année. Les participants (festivaliers, visiteurs) affluent, suivent le déroulement de la manifestation et réagissent positivement ou négativement. On peut comprendre que les expériences de chaque participant influencent le cadre et sa transformation. On peut également appréhender l’importance de chacun. On peut ainsi proposer que le festival change de cadre selon le mode de fabrication.
Regardons le Figure 1 (page, 44). On peut remarquer que l’épaisseur du cadre de la cérémonie est plus large que celui du festival. Cela reflète l’intensité du rassemblement des participants. L’objectif identique existe entre les individus pendant la cérémonie. Il est ainsi facile de les rassembler si bien qu’on peut avoir l’objectif collectif pendant la cérémonie. Néanmoins, il est différent dans le cas du festival. La mince épaisseur du trait pour le festival démontre moins la nécessité de rassembler que la diversité des envies des participants. La liberté et le propre but de chacun s’influencent différemment. De ce fait, il est moins nécessaire et moins demandé de les unifier.
Le cadre de chaque événement est relié différemment à la vie quotidienne. La solidarité des membres de la société pendant la cérémonie influence constamment la vie quotidienne. Cependant, le cadre formé par le festival est différent. Ce cadre temporaire entretient un faible rapport avec la société. Si on se réfère à l’expression de Leusubach-Kopp, l’ambiance du festival contribue à rompre fondamentalement de la vie quotidienne81. Cette rupture particulière demande moins la nécessité de se réunir. Le festival demande ainsi plus de temps pour établir un lien étroit avec la société. Plus il perdure, plus il influence fortement. Cette rupture déteint petit à petit sur la société.
En apparence, la cérémonie et le festival semblent similaires en raison du sens du rassemblement. Néanmoins, comme on vient de le voir, le caractère de chaque rassemblement est très différent. Il y a pour cela deux raisons. Tout d’abord, c’est la question du rituel.
« « Rite » est de l’ordre de l’action et de la règle, il évoque aussi le bon ordre des choses.
Rituel » désigne, au sens premier, un recueil où sont consignés les rites, les rubriques et les formules des sacrements de l’Église, qui « énonce donc l’ensemble des normes qui régissent les performances du rite : normes de l’action d’une part normes de la parole d’autre part »82. « Rituals are promises about continuity »83. Dans ce sens, comme la cérémonie et le festival sont transférés, on peut remarquer le rituel dans ces deux types de rassemblement. Cependant, pour la cérémonie, il y a le rituel qui distingue non seulement la cérémonie elle-même mais aussi la société. Par contre, pour le festival, on peut remarquer un rituel similaire. Autrement dit, pour participer à une cérémonie, il faut connaître et comprendre le rituel particulier d’une société alors que pour participer à un festival, ce n’est pas nécessaire. Le déroulement du festival contribue à instaurer un rituel similaire entre les sociétés qui ont un festival similaire. Deuxième raison des différences de caractère de chaque rassemblement, c’est le degré de l’ouverture vers les éléments exogènes. Pour la cérémonie, même si quelqu’un a envie de la découvrir et d’y participer, elle n’est pas ouverte. Car la cérémonie est une convenance et un consentement de la communauté. Par contre, pour le festival, un accueil plus ouvert est essentiel. A partir de cette analyse, on peut saisir la différence de la cérémonie et le festival plus profondément.
Les rassemblements dans le monde sont le reflet d’une époque, indépendamment de leur type ou de leur style. Et les facteurs du rassemblement permettent de comprendre la relation entre la société et l’événement. Mircea Eliade cité par Paul Claval : « la culture est une réflexion sur le sens de la vie et sur la signification du monde, de la nature et de la société »84. L’événement culturel, précisément le festival qu’on est en train d’analyser ici procède de ce constat.

Le contexte de la FESTIVALISATION

L’apparition de ce terme est liée étroitement au croisement du degré de l’attention au festival et à la diffusion du festival. Le nouveau terme « festivalisation » est présenté par Mark Forry85, ethnomusicologue américain en 1986. Ici, il semble nécessaire d’examiner l’époque où ce terme apparaît. Et ce qui se passait pendant cette période. Avant d’analyser ce terme, festivalisation, l’année où ce terme est apparu attire d’abord notre attention.
Les années 1980 ont de l’importance à plusieurs titres. C’est la période où on peut observer l’effet du développement économique. La vie des hommes en est influencée forcément. Par ailleurs, on peut remarquer que l’impact de la croissance de l’attention à la culture commence à émerger réellement de la société. L’apparition de ce terme festivalisation reflète cette tendance sociale. Ensuite, il est redéfini en 1993 par Haüssermann et Siebel86 , sociologues allemands en ce qui concerne la politique culturelle de la ville. Les événements culturels qui se déroulent dans une ville, par exemple, les expositions, les Jeux d’Olympique, le festival de théâtre, de musique, de cinéma et d’autres sortes de festival ont été les éléments pour parler de la festivalisation. Ces sociologues allemands saisissent le rapport étroit entre la politique culturelle et ces événements culturels pour caractériser la ville. Pour citer Becker Franziska : « les grands événements sont de plus en plus utilisés comme des instruments de politique urbaine ».87 Ces grands événements « aiguillonnent la mise en scène médiatique de la ville et contribuent ainsi à sa revalorisation symbolique ».88 Ce terme est recherché diversement depuis les années 2000 par plusieurs voies : géographique, touristique, et sociologique. La façon d’approcher l’analyse de la festivalisation s’est élargie. Cette tendance reflète une évolution du rapport étroit entre le festival et la société. On voudrait ainsi examiner ce qu’il s’est passé à chaque époque pour comprendre l’intégration de ce terme dans la société.
L’intérêt porté au festival est observé depuis l’époque post-industrielle. Le festival s’est développé pendant cette période et encore jusqu’à aujourd’hui. On traite cette ère en la divisant en 3 périodes comme ci-dessous selon le degré de l’intérêt pour la culture et le festival.

Étape 1 : Les années 80 (1980~1989)

En passant des sociétés agraires aux sociétés industrielles, un grand changement est apparu dans la société. L’activité industrielle (et tertiaire) est encore active. La ville devient l’espace principal des hommes. Ce changement radical de la société permet aux humains, une vie plus aisée et confortable. Avec le développement économique et ayant plus du temps, les gens commencent à s’intéresser à la qualité de leur vie. Néanmoins, ce développement de la société a son revers de la médaille. Il provoque également des problèmes dans la ville, par exemple ceux de l’environnement, de l’hygiène et de la sécurité. Les années 1980, c’est l’époque où les villes industrielles commencent à se dégrader en raison de ces problèmes inattendus. De ce fait, les villes se heurte aux problèmes suivantes : la perte des populations ainsi que les difficultés économiques. Pour réanimer la ville, on cherche d’autres moyens pour la rénover et améliorer son image. Cette tendance amène à s’intéresser à un secteur qui est alors une marge du développement et qui est également durable. C’est la culture. Antoine Vion, Patrick Le Galès ont signalé qu’elle est comprise comme « un des secteurs-clés de l’action publique des villes »89.
Dans ce contexte social, l’intérêt pour la culture s’est dilaté et accru au niveau national. Il est important de comprendre ce fond qui influence jusqu’à aujourd’hui la compréhension du festival au sein de la société. Le label « Capitale Européenne de la Culture » est fondé dans la foulée de ce mouvement en 1985. Ce mouvement répond à la volonté collective des villes européennes de se présenter à l’extérieur. En implantant la culture dans un quartier industriel et abandonné, les villes voulaient améliorer leur image. Dans ce sens, être labélisé permet non seulement de renouveler l’image de la ville mais aussi de faire connaître le nom de cette dernière. Les villes se rendent compte qu’avec l’aide de la culture, la croissance économique pourrait être développée constamment. « Miles (2000) souligne que ‘cultural quarters’ est un des signes remarquables de la ville post-industrielle».90 La culture régénère la ville industrielle et se rapproche de ses habitants. Dans cette perception, la culture se retrouve de plus en plus au sein de la société européenne dans les années 80.

Formation et coursTélécharger le document complet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *