La violence sexuelle

La violence sexuelle

L’écriture de Maïssa Bey, de Lucía Etxebarría et de Virginie Despentes lie de façon étroite la sexualité et la violence. De nature verbale, psychologique, physique ou sexuelle, les violences se manifestent au travers de paroles, de comportements, d’actes et de gestes. Chez Virginie Despentes, les personnages féminins évoluent dans une société exaltant la sexualité. L’écriture érotique relève de la brutalité et de la vulgarité lorsque les personnages se trouvent confrontés au monde des hommes, qui est ici celui du sexe, où la réussite passe nécessairement par la pratique sexuelle. L’écriture révèle également la violence que les personnages laissent subir à leur corps. Les personnages féminins de Lucía Etxebarría se confrontent également à une société où la sexualité domine. Leur première expérience sexuelle se définit par une possession brutale et le désir masculin est perçu comme une nouvelle domination. Les romans de Maïssa Bey présentent des personnages féminins qui se caractérisent par des agressions sexuelles, telles que le viol. Malika narratrice dévoile ces violences en racontant l’histoire de femmes algériennes enfermées et oubliées dans l’établissement. Enfin, chez les trois auteurs la pratique du sexe est vécue par certains personnages féminins comme un devoir, une obligation. Le corps féminin est exhibé. De la même façon qu’il sature l’espace public en pancartes publicitaires ou cinématographiques, il est omniprésent chez les auteurs étudiés qui le montre, le souligne. Chez Maïssa Bey, le personnage de Malika découvre la sexualité dans la violence. C’est au moment de la puberté qu’elle comprend qu’elle est devenue femme à travers le regard du père. Ce passage de l’enfant à la femme est décrit comme une malédiction honteuse. En effet, le regard du père change et exprime du désir, entraînant chez Malika un sentiment de honte. Ainsi, la narratrice explique au début du roman avoir refusé de grandir à partir de l’âge de treize ans afin de ne jamais devenir femme : « J’ai même décidé à l’âge de mes premières règles que je ne serai jamais femme. » (p.13) De ce nouveau statut découle un nouveau rapport à l’homme puisque la puberté entraîne la découverte du sexe et de la domination masculine, qui s’inscrit dans la violence et la souffrance, suite au viol incestueux. Cette scène est longuement décrite par Malika, qui se remémore sa fuite. La narration se précipite alors et devient hachée, à l’image du souffle de la narratrice. Les phrases ne sont plus pleinement construites et s’enchaînent rapidement, par l’absence de ponctuation :

La rapidité de l’enchaînement suggère la course du personnage dans la colline. Les ronces évoquent la douleur de Malika et la pluie rappelle ses larmes. La boue la salit comme elle a été salie par son père. La souillure est tant physique qu’intérieure. L’écriture de la fuite dans l’obscurité représente la peur de Malika. L’action est longuement détaillée dans un récit qui se précipite et où le point ne peut intervenir qu’à la fin de la scène, ne vient que pour terminer la narration du viol. En plus de la peur, le personnage de Malika raconte sa rage et sa haine : La peur mêlée à la haine permettent donc au personnage de réagir et de s’enfuir, d’échapper à la violence du père, qui dès lors ne peut plus être le père, mais qui devient la représentation de la brutalité et de la souffrance infligée par l’homme. Le récit prend fin au moment exact où le père ne  peut plus intervenir, ne peut plus user de sa force ni contraindre Malika. Cette dernière affirme alors qu’elle ne le reverra plus : « […] elle ne doit pas s’arrêter elle doit lui échapper elle ne sait pas comment mais jamais plus il ne la reverra c’est sa seule obsession c’est sa seule certitude. » (p.41) C’est donc cette certitude que le père ne peut plus nuire qui permet l’achèvement du récit, souligné par la ponctuation. Ainsi, on comprend mieux le refus de Malika à devenir femme pour ne plus subir de violence sexuelle. Sa place de fille adoptive, fille métisse, mise en marge de la famille, fait du corps de Malika un corps disjoint. Elle ne veut et ne peut devenir femme car elle n’appartient pas à cette société : Son obstination à ne pas vouloir grandir s’accorde au refus de la société de l’accepter et à sa rébellion contre les violences qui lui sont faites. Dans le roman de Lucía Etxebarria, Ana découvre la sexualité avec le personnage d’Antonio et sa première expérience se vit dans la même violence. En effet, celui-ci lui impose la découverte de son sexe d’homme en lui éjaculant dans la main. L’écriture exprime par la description de sa réaction la violence ressentie par la narratrice.

 

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