L’accident du site Nitrochimie

L’accident du site Nitrochimie.

Le 27 mars 2003, une explosion dans la cartoucherie de Nitrochimie à Billy Berclau cause la mort de quatre personnes. L’Ineris est chargé de l’investigation et de mettre en évidence, au- delà des dommages ainsi que des causes techniques, les dimensions ‘organisationnelles’. La réglementation Seveso II s’appliquant aux activités pyrotechniques depuis peu, il est demandé à l’entreprise de mettre en œuvre un système de gestion de la sécurité répondant aux critères de l’arrêté du 10 mai 2000. Cet arrêté, une traduction de la directive européenne, comprend les éléments clés des systèmes de gestion de la sécurité. L’investigation des dimensions ‘organisationnelles’ a reposé sur une approche ancrée dans la compréhension de l’accident sur les plans technologiques et a proposé de ce point de vue d’analyser les installations par l’intermédiaire des barrières techniques et humaines de sécurité. Au total 24 barrières ont été identifiées. Après cette phase d’identification, l’investigation a cherché à établir l’état de ces barrières au moment de l’accident. L’investigation s’est ensuite orientée vers l’analyse des aspects ‘organisationnels’. Pour mener cette analyse, je me suis appuyé sur la grille de lecture de Waring et Glendon30, jugée alors pertinente. Cette grille cherche à montrer le caractère systémique des accidents et de la sécurité et combine alors de nombreuses dimensions. Elle intègre des aspects liés à l’environnement de l’entreprise (marché, réglementation, histoire, technologie), à l’organisation (cognition, culture, processus de décision et pouvoir) ainsi que des aspects de systèmes de management de la sécurité (analyse de risques, retour d’expérience etc). Ce dernier aspect permettait de maintenir une forte visibilité au système de gestion de la sécurité, tout en montrant d’autres dimensions toutes aussi importantes dans la genèse de l’accident, comme les problèmes d’arbitrages, de jeux de pouvoirs ainsi que d’histoire de l’entreprise.

La séquence accidentelle.

Le jour de l’accident, à 6h16, quatre employés de l’entreprise Nitrochimie sont décédés sur le coup d’une explosion de nitroglycérine dans les murs d’une usine de production de bâtons de dynamite. Sont victimes de cet accidents deux opérateurs de production, l’un expérimenté et l’autre intérimaire, qui travaillaient sur la machine à l’origine de l’explosion, et deux autres, du service de maintenance et du ramassage des déchets, qui se sont trouvés exposés par leurs déplacements respectifs dans l’enceinte de la zone pyrotechnique à ce moment là. Les conséquences et dommages au-delà de l’usine sont mineurs, limités par la conception des installations à risque, notamment la présence de merlons. Deux questions émergent alors ; quelle est la cause probable de l’explosion ? Pourquoi une telle gravité dans l’enceinte de l’usine ? En réponse à la première question, l’hypothèse la plus probable est liée à la présence d’un corps étranger dans la machine qui sert à malaxer la pâte. La présence d’un corps étranger peut, par friction avec les éléments mécaniques et métalliques, entraîner une pression suffisamment forte pour générer l’explosion de la nitroglycérine. Cependant, il n’y a aucune preuve de la présence d’un tel corps étranger a posteriori. Les installations sont complètement détruites et il n’est pas possible de tout reconstituer dans le détail. Il est faisable de reconstituer de manière assez précise les itinéraires, ainsi que dans les grandes lignes, les actions des employés alors présents (d’autant plus qu’une vidéo est disponible sur le travail des opérateurs le matin même), mais il n’est pas réalisable de reconstituer la trajectoire d’un corps étranger depuis son point de départ jusqu’à sa présence dans la machine de malaxage.

De nombreux scénarios sont envisagés. Il existe en effet de très nombreuses sources de corps étrangers. Ces derniers peuvent être des outils, des pierres, des morceaux d’installations détachées (vis, écrous) ou tout autre objet, relativement petit pour passer inaperçu et suffisamment solides pour constituer une source d’énergie nécessaire à l’ignition du phénomène lors de saAvec ces deux dimensions, la probabilité et la gravité de l’accident, c’est toute l’architecture de sécurité du dispositif de prévention qu’il faut questionner. Cette architecture est constituée de l’ensemble des dispositifs techniques et humains qui sont censés prévenir ou protéger d’une séquence accidentelle identifiée a priori. C’est plus d’une vingtaine de barrières qui ont été répertoriées, qui constituent le système de ‘défense en profondeur’ de l’entreprise par rapport à ce scénario type (figure 1). De manière classique dans les investigations d’accidents, mais également dans les études du fonctionnement normal, il est apparu lors de l’investigation que le cadre prescrit de l’entreprise ne se confondait évidemment pas avec les pratiques réelles (on trouve là un des acquis, pour aller vite, de l’ergonomie et de la sociologie). Les actions à mener le jour de l’accident ne figurent pas dans les procédures au vu des problèmes rencontrés et un ensemble d’adaptations sont constatées a posteriori. Mais plutôt que de chercher seulement dans les comportements individuels les sources de ces écarts et adaptations, ce vers quoi le directeur du site tentait de m’orienter pourtant lors de l’investigation, un jour, en insistant sur l’importance de la formation pour les employés, ce qu’il qualifiait alors comme le ‘facteur humain’, c’est dans les modes d’organisation du travail ainsi que des interactions entre acteurs des services, entre site et groupe ainsi qu’entre régulateur et régulé qu’il est intéressant d’approfondir. La suite de l’investigation s’oriente sur la base d’une connaissance empirique détaillée de la technique par l’intermédiaire des hypothèses de scénarios, de la description de l’architecture de sécurité ainsi que des écarts constatés rétrospectivement.

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