L’adaptation lors de la transplantation d’organe

La transplantation d’organe est le traitement curatif de dernier recours lors d’insuffisance fonctionnelle d’un organe et peut, de ce fait, sauver la vie du patient. Néanmoins, elle va fortement impacter la vie du receveur, tant de manière positive que négative. Ainsi, nous nous sommes orientées sur l’identification des facteurs qui découlent de la transplantation et qui vont influencer les mécanismes d’adaptation mis en place par le patient transplanté. Lors de nos recherches préliminaires, nous nous sommes aperçues que cette thématique est récente, et qu’elle a fait l’objet de peu de recherches. Concernant la structure même de ce travail, dans un premier temps, nous contextualisons notre thématique dans la problématique, exposant les chiffres épidémiologiques au niveau mondial, européen, puis suisse, tout en définissant le concept de la transplantation d’organe; ceci nous permet d’aboutir à notre question de recherche. Ensuite, nous définissons le concept de l’adaptation d’après le modèle conceptuel de l’adaptation de Sœur Callista Roy, choisi en tant que cadre théorique de ce travail afin de guider l’analyse de nos résultats d’un point de vue infirmier. Puis, une fois les concepts et le cadre théorique définis, nous explicitons notre méthodologie de recherche, en exposant notre stratégie de recherche d’articles scientifiques sur les bases de données, selon les critères de sélection. Les articles sélectionnés pour cette revue de littérature sont présentés sous forme de tableaux, suivis d’une analyse critique. Les résultats des études sont ensuite exposés de manière synthétique, inscrits dans le cadre théorique. À partir de cette étape, les principaux résultats extraits sont discutés, pour répondre à notre question de recherche et formuler des recommandations pour la pratique et la recherche infirmière. Finalement, nous présentons les limites et forces de ce travail.

La transplantation d’organe est un évènement très stressant, tant physiquement que psychologiquement. De ce fait, chaque patient doit faire face à une période d’adaptation qui nécessite la mise en place de stratégies de coping. Selon l’efficacité de ces stratégies, le patient va être plus ou moins à risque de développer des problèmes susceptibles d’avoir un impact négatif sur le rétablissement. De façon à éviter toute complication, il est nécessaire d’identifier les facteurs qui vont influencer l’adoption de certains types des stratégies d’adaptation et de répondre aux besoins spécifiques qui en découlent.

La transplantation est définie comme une intervention au cours de laquelle l’organe dysfonctionnel d’un receveur est partiellement ou entièrement remplacé par un organe ou des tissus d’un donneur. En Suisse, cette intervention peut se pratiquer pour les six organes vitaux: le cœur, les poumons, les reins, le foie, l’intestin grêle, ainsi que le pancréas (Swisstransplant, 2015). Pour ce travail, nous nous concentrons sur les greffes d’organes vitaux, excluant ainsi les greffes de tissus et cellules souches. Le Global Observatory on Donation and Transplantation (GODT), un organisme chargé de répertorier les données mondiales concernant les dons et transplantations d’organes en collaboration avec l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), a estimé à environ 118’127 le nombre de transplantations d’organes vitaux ayant été effectuées durant l’année 2013 (données provisoires). Néanmoins, bien que ce chiffre soit en légère augmentation en comparaison aux années précédentes, le GODT observe qu’il ne couvre au maximum que 10% des besoins mondiaux globaux (GODT, 2015, p. 2). Au niveau européen, on dénombre 31’165 transplantations d’organes vitaux pour un total de 62’815 personnes sur liste d’attente recensées au 31.12.13 (Council of Europ: Europeen Comittee on Organ Transplantation, 2013).

En Suisse, selon le rapport annuel de Swisstransplant (2014), 508 transplantations ont eu lieu en 2013, alors que 1’171 personnes étaient sur la liste d’attente. Ces chiffres démontrent explicitement la pénurie d’organes à travers le monde entier; un réel problème considérant que la transplantation est la seule option curative pour de nombreux cas d’insuffisance d’organe au stade terminal (OMS, 2015). De plus, elle améliore en général significativement la qualité de vie de la plupart des patients (White & Gallagher, 2010). Toutefois, les taux de survie suite à une transplantation d’organe varient fortement en fonction de l’organe transplanté. Selon l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP), le taux de survie à cinq ans après l’intervention est en moyenne de 80% pour une transplantation rénale, mais n’atteint que 50% pour une transplantation pulmonaire (OFSP, 2015). Ainsi, la pénurie d’organes et les risques inhérents à l’intervention rendent nécessaire l’identification des facteurs influençant le rétablissement pour favoriser le taux de survie à long terme.

Une étude a démontré que des troubles psychologiques et un haut niveau de stress psychologique sont communs après la transplantation (Dew & DiMartini, 2005). Entre autres, l’occurrence de symptômes dépressifs suite à la transplantation engendre une hausse du taux de mortalité, avec près de trois fois plus de risques de décès dans les six ans suivants l’intervention (Havik, Sivertsen, Relbo, Hellesvik, Grov, Geiran, & al., 2007).

Une autre étude a mis en évidence que 41% des patients présentent une dépression majeure suite à la transplantation, ainsi que 12% de syndrome de stress post-traumatique (SSPT) et 21% de SSPT partiels (syndrome comprenant au moins un symptôme d’intrusion, d’évitement ou d’hyperexcitation) (Favaro, Gerosa, Caforio, Volpe, Rupolo, Zarneri, & al., 2011).

Plus récemment, Baranyi, Kauseneck & Rothenhäusler (2013) appuient ces résultats avec une étude de cohorte de type rétrospective indiquant que l’incidence de la détresse mentale globale est indépendante du type de transplantation, qu’elle soit cardiaque, hépatique ou pulmonaire. Cette même étude expose également que les symptômes psychiatriques suivants sont fréquents en post-transplantation: 92,3% de troubles obsessionnels-compulsifs, 87,2% de troubles somatoformes, 84,6% d’anxiété, 82,1% de dépression et 69,2% d’anxiété phobique. De plus, les candidats avec un faible niveau d’ajustement du fonctionnement psychosocial avant la transplantation sont à hauts risques de développer une détresse mentale globale après l’intervention. Finalement, l’apparition de ces symptômes psychologiques démontre une détresse mentale globale chez le patient transplanté, et elle est fortement associée à une détérioration massive de la qualité de vie reliée à la santé.

Selon une étude corrélationnelle non-expérimentale, les patients vont mettre en place différentes stratégies d’adaptation qui leur sont propres pour faire face à ces nombreux facteurs de stress physiques, psychologiques et sociaux. Les stratégies s’avéreront plus ou moins efficaces. Bien que ce sujet ait peu été étudié récemment, cette même étude a démontré qu’une relation existe entre les mécanismes d’adaptation et la qualité de vie après la transplantation. (White & al., 2010).

La qualité de vie est définie par l’OMS (1996) comme « la perception d’un individu sur sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système des valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. » Elle est ainsi un concept multidimensionnel subjectif relié à la perception propre de l’individu sur certains aspects de sa vie, qu’ils soient biologiques, psychologiques, sociaux ou spirituels.

Dans leur étude, White & al. (2010) mettent également en évidence que les stratégies de coping de type “évitement” sont associées à une moins bonne qualité de vie après la transplantation. Les patients ayant été transplantés avec succès se trouvent confrontés à de nombreux challenges; en effet, ils doivent généralement suivre un programme alimentaire complexe incluant des changements importants dans les habitudes de vie, faire de l’exercice, contrôler leur poids et leurs paramètres vitaux, planifier des visites médicales régulières. Aussi, ils doivent adhérer à un traitement immunosuppresseur de façon rigoureuse, ce qui engendre une grande vulnérabilité aux infections et aux maladies (White & al., 2010).

De plus, dans le cas d’une transplantation cardiaque, la nature symbolique du cœur, souvent associé aux émotions, peut rendre l’acceptation de son remplacement plus compliquée: les patients peuvent présenter le besoin de procéder à un deuil en lien avec le donneur décédé ou encore s’interroger sur les potentiels effets de ce corps étranger sur leur propre personnalité, ainsi que sur ce qui est arrivé à leur ancien cœur (Kaba, Thompson, Burnard, Edwards & Theodosopoulou, 2005).

Néanmoins, la santé mentale du patient suite à la transplantation dépend également de sa santé mentale avant l’intervention, surtout en ce qui concerne la dépression et l’anxiété (Miller, Paulson, Eshelman, Bugenski, Brown, Moonka, & al., 2013). En effet, la période d’attente peut s’avérer très stressante et éprouvante pour le patient et sa famille; le temps avant d’obtenir un organe est souvent long, et nécessite des soins infirmiers conséquents pour gérer les symptômes et maintenir la candidature à la transplantation (Yorke & Cameron-Traub, 2006).

Suite à la transplantation, le développement de symptômes post-traumatiques intrusifs est commun; ils attestent la présence de problèmes psychologiques à s’adapter à la transplantation, et ils peuvent de ce fait entraver l’adhérence au traitement (Favaro & al., 2011).

En effet, de hauts niveaux de dépression affectent significativement l’adhérence au traitement médicamenteux (Cukor, Rosenthal, Jindal, Brofiwn, & Kimmel., 2009) augmentant ainsi le risque de complications cliniques, telles que le rejet aigu ou chronique, la perte de l’organe, et la mortalité (Cupples, Dew, Grady, De Geest, Dobbels, Lanuza, & al., 2006). Par ailleurs, près de 25% des patients transplantés ont été identifiés comme ayant une globalement faible adhérence au traitement immunosuppresseur à trois ans post-transplantation. Plus précisément, une association a été établie entre une faible adhérence durant la première année suivant l’intervention et une augmentation des risques de rejet de l’organe greffé durant les deux années suivantes (Pinsky, Takemoto, Lentine, Burroughs, Schnitzler, & Salvalaggio, 2009).

L’augmentation des complications reliées à la mauvaise adhérence impacte fortement les coûts et les implications financières reliés aux transplantations; une étude américaine a mis en évidence qu’un patient non adhérent de manière persistante sur une durée de trois ans peut engendrer approximativement $33’000 de plus de coûts médicaux qu’un patient avec une excellente adhérence (Pinsky & al., 2009).

Ainsi, durant tout le processus de transplantation, les patients vont développer des besoins et demandes spécifiques, en lien avec cette période critique, auprès des infirmières: besoin d’information, besoin de contacts réguliers, besoin de familiarité, besoin de pensée positive, ainsi que besoin de compassion (Yorke & al, 2006). L’infirmière étant au plus proche du patient au quotidien lors d’une hospitalisation ou lors des soins à domicile, elle accompagne le patient lors des phases d’adaptation. Il est essentiel qu’elle développe ses compétences pour identifier les besoins et facteurs pouvant influencer l’adaptation et, de ce fait, planifier des interventions personnalisées au plus proche des caractéristiques du patient, et ce, tant avant qu’après la transplantation.

Table des matières

1. INTRODUCTION
2. PROBLÉMATIQUE
2.1 Question de recherche
3. CADRE THÉORIQUE : ROY ADAPTATION MODEL
4. MÉTHODOLOGIE
4.1 Stratégie de recherche
4.2 Critères d’inclusion et d’exclusion
5. TABLEAUX DE PRÉSENTATION DES ARTICLES
5.1 Analyse critique des articles
5.1.1 Jones, J.B. (2005)
5.1.2 Amarena, & al. (2009)
5.1.3 Mauthner, & al. (2012)
5.1.4 Ordin, & al. (2013)
5.1.5 Pfeifer, & al. (2012)
5.1.6 Grady, & al. (2013)
6. RÉSULTATS
6.1 Synthèse des résultats selon le modèle Roy Adaptation
6.1.1 Mode physiologique
6.1.2 Mode concept de soi
6.1.3 Mode fonction des rôles
6.1.4 Mode interdépendance
7. DISCUSSION
7.1 Mise en perspective des principaux résultats avec le cadre théorique
7.2 Confrontation des résultats
7.3 Réponse à la question de recherche
7.4 Généralisation des résultats
7.5 Implications et recommandations pour la pratique
7.6 Implications et recommandations pour la recherche
7.7 Forces et limites du travail
8. CONCLUSION

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