L’Afrique de l’Ouest indépendante, entre mutations et stabilité

L’Afrique de l’Ouest indépendante, entre mutations et stabilité

Depuis cinquante ans et la vague des indépendances, l’Afrique de l’Ouest se singularise par de fortes dynamiques de peuplement à la base d’un renouvellement fréquent des approches scientifiques de la région. Deux grandes études, la West Africa Long-term Perspectives Study (WALTPS) et Africapolis, financées par des bailleurs de fonds internationaux, se sont intéressées à la mise en perspective des évolutions de la population dans cette région. Ces études décrivent, avec différentes méthodologies, une multiplication des villes et de leur nombre d’habitants. Elles montrent également le passage d’une situation majoritairement rurale à un état d’urbanité qui concerne dorénavant une proportion importante de la population. Dans cette partie du continent africain, en effectuant un zoom sur le Golfe de Guinée, on perçoit la structuration d’un chapelet de villes de toutes tailles entre Abidjan en Côte d’Ivoire à Lagos au Nigeria dans un milieu de densités rurales très élevées. Ce réseau urbain est animé par d’intenses mobilités entre les pays, elles-mêmes facilitées par un axe routier performant. Des prévisionnistes y voit l’ossature d’une « mégalopolis ouest-africaine » [DORIER E. et DOMINGO E. 2004 – AFRICAPOLIS 2009].Dans son évolution administrative et politique, l’Afrique de l’Ouest présente, sur la même période de 50 ans, un double mouvement : celui d’une intégration des États dans des organisations intergouvernementales et, plus récemment, celui d’un renforcement des pouvoirs locaux à travers des réformes de décentralisation de l’administration territoriale. L’Afrique de l’Ouest indépendante, entre mutations et stabilité Introduction générale 13 La Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Économique et Monétaire Ouest-africaine (UEMOA) ont été créées respectivement en 1973 et 1975. Ces deux grandes organisations politiques, chacune à leur niveau, favorisent par différents mécanismes (harmonisation des législations entre les différents États membres, monnaie et marché communs) l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest à partir des mobilités des hommes, des marchandises et de capitaux dans un vaste territoire transnational. Concomitamment à un processus de démocratisation de la vie politique au début des années 90, la région s’est impliquée, avec les soutiens de plusieurs bailleurs de fonds internationaux, dans une recherche d’autres formes de régulations institutionnelles en œuvrant pour la décentralisation. Les élections communales, dont les premières sont organisées au BurkinaFaso en 1995, se présentent comme des réformes totales à la croisée de multiples attentes dans le processus global de développement économique et social impulsé par la base. L’application de lois sur la décentralisation est à l’origine d’un ensemble de dynamiques inédites comme la politisation de la vie locale et une diversification des acteurs opérant dans les territoires. Ces réformes institutionnelles éveillent, par ailleurs, des préoccupations nouvelles comme l’organisation d’un budget local, des activités de gestion et d’entretien des infrastructures et des équipements, l’élaboration technique de plans d’urbanisme ou de schémas d’occupations des sols à l’échelle d’une commune ou d’une agglomération urbaine [DORIER-APPRILL E. et JAGLIN S. 2002 a – DUBRESSON A. et FAURE Y-A. 2005]

Un bon élève de la réforme territoriale

Avec sa Conférence des Forces vives de la Nation en février 1990, le Bénin a été un des premiers pays dans la sous-région ouest-africaine à démocratiser ses institutions après quasi deux décennies de régime autoritaire [BANEGAS R. 1995 a]. Un processus de réforme de l’administration territoriale est engagé lors de cet évènement avec une nouvelle constitution qui prévoit la création et la libre administration des collectivités territoriales. Des travaux de faisabilité sont lancés à partir de 1993 avec les États Généraux de l’Administration Territoriale (EGAT) [NACH-BACH C. 2002 – BANEGAS R. 2003]. Ils aboutissent à la formulation de lois en 1999 et à l’organisation de premières élections locales en décembre 2002 inaugurant dans la foulée, en janvier 2003, un échelon de décentralisation et des communes dirigées par des conseils communaux et municipaux. Dans cette période de préparation de réformes institutionnelles qui a duré 9 ans, le Bénin a bénéficié de très nombreux appuis des institutions internationales devenant le premier pays pour l’aide publique au développement en soutien à la décentralisation [BIERSCHENK T. et OLIVIER DE SARDAN J-P. 1998]. Le pays a reçu les appuis méthodologiques et l’accompagnement du Partenariat pour le Développement Municipal (PDM) dont il abrite, depuis sa création, la représentation ouest-africaine à Cotonou. Les coopérations françaises et allemandes se sont manifestées spécifiquement dans ce domaine à travers un projet commun dès 1994. (Chapitre 3) Dans ce parcours de réformes institutionnelles, les villes du pays ont bénéficié à la fois d’une préparation particulière (avec un statut administratif différent des autres territoires avec les Circonscriptions urbaines) et de financements de bailleurs de fonds internationaux à travers des projets spéciaux. La Banque mondiale et la Coopération française ont accordé notamment d’importants appuis aux villes à travers les projets nationaux du Programme de Réhabilitation et de Gestion Urbaine (PRGU) à partir de 1993 puis du Programme de gestion urbaine décentralisée (PGUD) dans deux phases différentes en 2000 et en 2005.

Un laboratoire pour les systèmes d’informations géographiques et foncières en appui aux collectivités locales

Avant la décentralisation, le transfert envisagé de plusieurs prérogatives centrales à une échelle locale et le souci de son financement ont été à l’origine de réflexions précoces sur le montage d’instruments d’appui et de soutien aux collectivités locales sous forme de SIG. Après une phase expérimentale dans la ville de Parakou en 1989, les villes de Cotonou et Porto-Novo ont été dotées de Registres Fonciers Urbains (RFU) en 1991 et 1993 à partir de projets urbains de la Coopération française. Dans la région du sud-Bénin, en plus des deux capitales économiques et politiques, l’outil a été édifié à Ouidah en 2005 avec des appuis de la Coopération allemande et dans deux communes périurbaines (Abomey-Calavi et Sémé-Podji), à partir d’un projet sur l’intercommunalité porté par l’Agence Française de Développement (AFD), le Projet d’Appui à l’Agglomération de Cotonou (PAACo) en 2007. Selon les documents descriptifs du Registre Foncier Urbain, l’installation de cet outil s’inscrit dans une triple ambition : maîtriser, accroitre et consolider les ressources fiscales locales, améliorer la connaissance du patrimoine foncier et créer les bases d’une bonne gestion foncière et, enfin, produire et gérer diverses données urbaines et plus spécifiquement celles qui sont nécessaires à la gestion des infrastructures [SERHAU-SEM 1995 et 1996, PDM 2000]. Techniquement, l’outil contient une cartographie numérique et adressée du parcellaire (la parcelle est déterminée au Bénin comme l’unité foncière élémentaire) et une base de données informatiques sur les parcelles de terrain qui est également adressée et qui portent sur un ensemble d’éléments qualitatifs permettant de déterminer l’assiette fiscale, la connaissance des statuts de propriété, la disposition de données urbaines en relation avec le taux d’équipement, à l’usage et à l’occupation humaine de chaque unité foncière. Cette base de données est élaborée dans le cadre d’un vaste dispositif d’enquête de terrain. (Chapitre 4) Au cours des années 1990 et 2000, l’expérience du RFU du Bénin a servi de modèle pour l’installation d’outils d’informations foncières et urbaines dans plusieurs autres villes africaines (en Guinée Équatoriale, au Congo-Brazzaville, au Niger). En janvier 2010, les années de pratiques de l’outil RFU ont fait l’objet d’une vaste mission de documentation pour le compte d’ONU-Habitat et son programme de promotion des instruments fonciers, le GlobalLand Tool Nerwork (GLTN). Cette mission a permis la publication d’un guide à destination des collectivités locales des pays en développement en vue de disséminer l’expérience béninoise [ONU-Habitat – GTL 2010]. 

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