L’ARBITRABILITÉ D’UNE ALLEGATION DE CORRUPTION

L’ARBITRABILITÉ D’UNE ALLEGATION DE CORRUPTION

Pendant longtemps, au niveau de l’arbitrabilité, des litiges impliquant des allégations de corruption ou une illégalité comparable ont posé problème. Les tribunaux arbitraux étaient très réticents lorsqu’il s’agissait d’arbitrer des allégations de corruption89. G. LAGERGREN, dans sa sentence arbitrale de 1963, avait décliné sa compétence dans le cadre d’une affaire de corruption de représentants de gouvernements90. Il se fondait sur des principes généraux qui refusaient aux arbitres de pouvoir connaitre des différends de cette nature91. Des décisions arbitrales récentes ont rejeté l’interprétation de G. LAGERGREN et ont reconnu la compétence des arbitres pour connaitre les allégations de corruption92. Désormais, des allégations de corruption peuvent faire l’objet d’une procédure arbitrale dans presque tous les systèmes juridiques développés93. – La corruption objet de l’arbitrage : le tribunal arbitral se trouve confronté à des allégations de corruption d’une partie, ou fait face à des suspicions d’un comportement frauduleux dans le cadre des questions en litige. Ici donc, le litige porte sur une opération qui est construite pour contourner la loi, malgré ses apparences conformes au droit.95 Cette troisième hypothèse est la plus fréquente et c’est celle-ci qui va nous intéresser dans le présent travail. Nous nous concentrerons sur les droits et devoirs de l’arbitre face à la corruption. Nous nous baserons uniquement sur les situations dans lesquelles l’arbitre est confronté, dans l’exercice de ses fonctions, à des faits de corruption qui sont imputables à une ou à plusieurs parties96. Par conséquent, nous n’envisagerons pas les situations dans lesquelles l’arbitre est acteur lui-même de faits de corruption.

l’arbitre se déclarait systématiquement incompétent.97 La sentence n°1110 de 1963 de la CCI98 en était la référence. Dans cette affaire, « une société anglaise avait chargé un mandataire d’exercer une influence sur les membres du gouvernement argentin lorsque ce dernier soumissionnait pour des contrats de travaux publics. La société avait promis à l’agent une commission de 5% sur tout contrat remporté par le gouvernement. Il était entendu qu’une partie importante de la commission serait transmise à des fonctionnaires par des pots-de-vin »99. Le juge LAGERGEN a analysé le contrat afin de savoir s’il était contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs et s’il pouvait tout de même être soumis à l’arbitrage. Il en a conclu que les parties n’avaient plus le droit de demander une assistance judiciaire si elles s’étaient « alliées avec la corruption »100, et il s’est donc déclaré incompétent. Cette sentence a beaucoup été critiquée car elle ignorait le principe de séparabilité de la convention d’arbitrage et du contrat sous-jacent101. Depuis, les tribunaux arbitraux ont adopté une autre position et se déclarent désormais compétents pour examiner des allégations de corruption102.

tenu de s’opposer fermement à la corruption ; par conséquent, si, au cours d’une procédure d’arbitrage, il est allégué une pratique de corruption, l’arbitre ne peut ignorer ces faits, mais doit plutôt enquêter, rassembler des preuves pour corroborer ou rejeter les allégations et en évaluer les conséquences »105. L’arbitre ne peut, en aucun cas, légitimer ces faits. Il a toujours le devoir de statuer sur des faits de corruption qui seraient allégués par les parties elles- mêmes106. vu des éléments de preuve dont le tribunal dispose, il en ressort des soupçons de corruption, on peut alors se demander si le tribunal arbitral peut ou doit avoir un rôle inquisitoire pour établir l’existence de corruption et statuer sur les conséquences de celle-ci107. Cette question est controversée. D’une part, certains affirment qu’en l’absence d’allégations de corruption de l’une ou de l’autre partie, le tribunal arbitral ne doit pas envisager la possibilité d’un examen sur des éventuels faits de corruption. D’autre part, certains soutiennent que des allégations de corruption ne peuvent pas être ignorées et que ces faits doivent être examinés108.  Quelle attitude l’arbitre doit-il avoir lorsqu’il se trouve confronté à une violation de l’ordre public. Dans notre cas, face à un fait de corruption, qui n’est pas soulevé par les parties elles-mêmes ? Le simple soupçon du tribunal arbitral est-il suffisant pour qu’il procède de sa propre initiative à une investigation sur l’éventuelle corruption 109? Doit-il respecter l’objet du litige tel que défini par les parties ? Est-ce qu’il dépasse le cadre de sa mission et statue ultra petita s’il décide d’investiguer de sa propre initiative sur des soupçons de corruption110 ?

 

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