L’architecture du système bancaire comme source d’instabilité financière des économies émergentes

Au cours des siècles passés, l’occurrence et la récurrence des épisodes des crises financières se sont notablement accrues. En effet, ces turbulences financières ont frappé presque tous les pays. De ce fait, le système bancaire est l’un des plus touchés par ces crises, bien qu’il soit l’un des plus réglementés de l’économie. Un nombre important de pays aussi bien développés qu’émergents ont connu de graves crises bancaires, la crise des subprimes est l’exemple le plus récent. Cette crise a causé la faiblesse du système bancaire avec des impacts défavorables sur l’économie réelle à travers le monde. Selon Arteus et al (2008) le déclanchement de la crise des Subprimes s’explique essentiellement par la réunion de trois phénomènes : un déséquilibre macroéconomique, un dysfonctionnement microéconomique et des pratiques financières à haut risque. De même, la crise des Subprimes a éclaté dans le secteur immobilier avant d’évoluer en crises bancaires d’une grande étendue où le marché interbancaire est déstabilisé par un manque de confiance entre les banques. Ces affaiblissements d’une telle ou telle banque comptent un souci majeur pour l’ensemble du secteur bancaire. C’est l’une des crises financières exceptionnelles dans lesquelles les revendications réglementaires et l’environnement économique s’associent tout en créant un milieu tendu et favorable à la prise de risque. En réponse à cette crise, des économistes et des régulateurs ont appelé à une nouvelle réforme de réglementation visant à renforcer la robustesse du système bancaire de manière à réduire les vulnérabilités du système bancaire et la prise de risque associées. Cette réglementation doit permettre d’assurer la stabilité du système financier, de maintenir la bonne santé des institutions financières et de protéger les consommateurs ]Llewellyn, (1999)[.

Dans la plupart des pays émergents, on assiste à une augmentation considérable de l’apparition du phénomène de crises bancaires. Depuis lors, ces pays nécessitent pour tant une attention particulière étant donné qu’ils sont caractérisés par des marchés financiers sousdéveloppés, une opacité accrue au sein de systèmes bancaires fragiles, un volume important de créances douteuses et litigieuses et parfois un environnement légal, institutionnel et réglementaire inadéquat ]Rojas –Suarez (2000), (2001)[.

Désormais, la question de la stabilité financière est devenue très largement internationale. Elle concerne aussi bien les systèmes financiers des pays développés que ceux des économies émergentes, avec des effets de contagion souvent massifs.

La récurrence et l’ampleur des crises bancaires ont suscité les économistes à étudier les causes et les facteurs déterminants des crises bancaires. La question posée par Kindleberger (1988) au sujet de la crise pendant les années 1930 reste bien actuelle: « la crise a-t-elle été un événement imprévu, conséquence d’une politique monétaire délibérée et mal conçue ]…[ ou a-t-elle eu au contraire des origines internationales complexes mettant en jeu des facteurs aussi bien financiers que réels ? ».

Depuis le début des années 1990, beaucoup de travaux sur les crises bancaires se sont penchés sur l’analyse des crises, leurs causes et les moyens nécessaires pour les prévenir et pour renforcer la stabilité financière. D’une part, ces travaux confirment le lien existant entre les crises bancaires et le processus de libéralisation financière menée dans la plupart des pays émergents durant ces deux dernières décennies, et d’autre part, montrent que l’émergence de fragilité des banques serait aggravée par l’adaptation de politiques publiques inadaptées associées à des dispositifs de supervision insuffisance (Kaminsky et Reinhart 1996, Miotti et al 1998, Demirguç-Kunt et Detragiache 1998).

Il semblerait que, quelles qu’en soit les causes, les crises récentes, ont montré que dans un environnement financier libéralisé, les banques aient tendance à adopter des comportements plus spéculatifs. Effectivement il semble que la libéralisation financière laisse plus de liberté aux banques en ce qui concerne la prise de risque; la cause essentielle des difficultés bancaires réside dans une politique de gestion des risques inappropriée qui aboutit à une baisse de la qualité de leurs engagements et raréfaction de leurs fonds propres. Le phénomène de l’aléa moral est considéré comme la première explication de cette prise de risque excessive: les projets sont plus risqués étant généralement plus rémunérateurs; mais également dans la situation du secteur financier avant la libéralisation financière.

L’histoire de crises financières des années 80-90 a montré que le système bancaire peut être la source principale de ces crises. Ainsi, le secteur bancaire de pays émergents est trouvé, de par sa nature même, vulnérable aux crises systémiques, ce qui a conduit à une panique générale et à une ruée sur les dépôts. De même, la hausse brutale de la demande de liquidité et les fortes fluctuations des prix, entrainé par une instabilité du système bancaire, peuvent avoir de conséquences néfastes sur la réalisation des projets d’investissements de la sphère réelle et donc de la croissance du pays. Alors, dans un tel environnement caractérisé par l’existence d’imperfection de marché, il est nécessaire de protéger les déposants contre ces défaillances bancaires (Dewatripont et Tirole, 1994). Ces défaillances peuvent conduire à une crise systémique dont les coûts sociaux sont supérieurs aux seuls coûts privés (Bhattacharya et Thakor (1993)). Cet effet négatif sur la croissance est une de raisons de la réglementation du système bancaire qui a une fonction indispensable dans une économie de marché. La réglementation bancaire a été adoptée pour permettre aux banques de faire face à des chocs imprévus résultant d’un risque systémique ]Rochet, (2008)[.

Pour gérer plus efficacement l’affaiblissement du niveau de fonds propres des principales banques internationales, la communauté internationale a proposé des arguments en faveur d’une réglementation prudentielle des banques à l’échelle internationale. En 1988, le Comité de Bâle a abouti à un accord international en matière de réglementation du capital, connu sous le nom de ratio Cooke. Cet accord qui a instauré le ratio Cooke, a permis d’assurer la solvabilité des banques et d’augmenter la stabilité du système bancaire internationale. Ces résultats ont été obtenus grâce à l’imposition de critères minimaux de capital (un minimum de 8 % de fonds propres en proportion des actifs pondérés par leur risque), et en promouvant un degré élevé de cohérence entre banques de différents pays, de manière à réduire toute concurrence inéquitable.

Cependant, suite aux mutations des systèmes bancaires, il a vite montré ses limites. Cet accord traite toutes les banques de la même manière et, ainsi, ne permet pas à la banque avec un comportement moins risqué de se distinguer des autres banques, afin de préserver des fonds propres. C’est pourquoi le comité de Bâle a s’est engagé depuis le début des années 2000 dans une réforme du ratio Cooke qui va céder la place au ratio Mc Donough. Les accords internationaux de Bâle I ont été réformés par ceux de Bâle II. L’accord Bâle II a pour objectif de compléter l’accord de 1988 en généralisant les ratios d’adéquation du capital aux risques de crédit, risques de marché et risques opérationnels. Le principe est d’élargir son champ d’application à de nouveaux établissements et de donner aux banques elles-mêmes plusieurs méthodes d’évaluation des probabilités de pertes inattendues. Mais, en gros, les fonds propres des banques atteignant 8,5 % des actifs en 2007 ont diminué à 7,3 % au début 2008, ce qui met en péril la stabilité financière.

En outre, malgré les sophistications des procédures mises en place pour mesurer le risque, la récente crise des subprimes est en partie due à l’incapacité du nouveau dispositif prudentiel à gérer, à la fois, le risque individuel et le risque systémique ]Rochet, (2008)[. A la suite de cette crise, de nombreux auteurs et autorités de réglementation ont appelé à une nouvelle réforme de cette réglementation pour assurer la stabilité des institutions bancaires (Bâle III). En conséquence, l’instabilité financière et les crises du système bancaire sont devenues les préoccupations en premier rang des États dans le monde entier.

Table des matières

Introduction Générale
Chapitre introductif
Section 1. L’exigence économique de la stabilité financière
1.1. Les défis de l’instabilité financière
1.2. Qu’est-ce qu’une stabilité financière ?
1.3. Les causes de préoccupation
Section 2. Les théories des crises financières
2.1. L’école des anticipations rationnelles
2.2. L’école de l’instabilité financière
Section 3. La crise d’aujourd’hui (subprimes) : une explication par la théorie de l’instabilité financière
3.1. Les subprimes
3.2. La crise des subprimes et la vision de Minsky (1982)
3.3. La gestion de la crise
Chapitre 1. Le Système bancaire des pays émergents : présentation et structure
Section 1. La structure de système bancaire des pays émergents
1.1. La notion des pays émergents
1.2. Les caractéristiques financières des économies émergentes
Section 2. Le Système bancaire des trois zones émergentes étudiées : présentation et structure
2.1. Pays de l’Europe centrale et de l’Est
2.2. Pays du Moyen orient et Afrique de Nord
2.3. Pays d’Asie de l’Est
Section 3. Les modèles théoriques du risque systémique dans les pays émergents
3.1. Le modèle de Diamond et Dybving (1983)
3.2. Le modèle de Chen (1999)
3.3. Le modèle d’Allen et Gale (2000)
3.4. Le modèle de Freixas Parigi et Rochet (2000)
Chapitre 2. Les causes de fragilité du système bancaire dans les pays émergents
Section 1. Revue de la littérature sur les crises bancaires
Section 2. Les origines des crises bancaires
2.1. Les conséquences des crises bancaires sur l’économie
2.2. Les fondamentaux de la vulnérabilité bancaire
Section 3. Le rôle des stratégies bancaires dans l’aggravation de la fragilité financière
3.1. Le rôle de l’asymétrie de l’information
3.2. Le rôle de l’assurance des dépôts
Conclusion Générale

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *