L’Autonomie Stratégique de la France

L’Autonomie Stratégique de la France

Il est singulier d’observer que, contrairement au concept « l’indépendance stratégique », l’autonomie stratégique est un non-sujet dans les domaines universitaire et de la recherche. Or, ces deux concepts quoique se recouvrant partiellement ne sont pas totalement assimilables l’un à l’autre. Il importe donc, avant tout autre développement, de préciser leurs sens respectif. Selon les dictionnaires, l’autonomie est la capacité d’une personne ou d’une organisation à prendre des décisions seule. Ailleurs, elle est le fait de se gouverner par ses propres lois, ou la faculté de se déterminer par soi-même, de choisir, d’agir librement. L’étymologie du mot autonomie est la suivante : autos qui signifie « soi-même » et nomos, « loi ». Être autonome, c’est obéir à sa propre loi, se gouverner soi-même. L’autonomie se réfère au soi. L’indépendance est l’absence factuelle d’attaches à autrui ou à une organisation et la volonté de n’être soumis à rien, ni influencé par personne. La racine du mot est latine, pendere, qui veut dire « pendre ». Être indépendant, c’est ne dépendre de rien ni personne. L’indépendance se réfère aux autres. L’autonomie a une connotation « coopérative » : un individu ou une organisation affirme sa liberté sans opposition ni animosité. L’indépendance a une connotation plus « vindicative » : un individu ou une organisation affirme sa liberté et lutte pour la conquérir.

Le droit constitutionnel utilise les expressions de « collectivités autonomes » ou de « territoires autonomes », pour des entités qui se gèrent seuls, tout en relevant d’un pouvoir central pour un certain nombre de fonctions régaliennes : monnaie, Défense, Relations extérieures. A contrario, les guerres d’indépendance de la seconde moitié du XXème siècle visaient à la ré-appropriation de leur souveraineté par des peuples colonisés : contrôle du territoire et maîtrise de toutes les attributions régaliennes d’un Etat souverain. Qu’elle est, aujourd’hui, la réalité du concept d’indépendance pour un Etat souverain ? Cet Etat est soumis à une économie globalisée, voire « dé-territorialisée » ; il peut se retrouver captif de ses fournisseurs, comme de ses clients. Il se trouve assujetti de facto, via un système de normes et de règlements à des structures technocratiques supra nationales : l’Union Européenne pour la France ou l’Organisation Mondiale pour la Santé (O.M.S.) pour l’Union Européenne. Sans parler des réseaux d’alliances, qui avec la disparition des deux blocs, se révèlent plus mouvants qu’escomptés. Il suffit pour s’en convaincre de considérer la situation au Proche Orient et le rôle de la Turquie, membre de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (O.T.A.N.), mais alliée de la Russie, ainsi que, par exemple, notre position vis à vis de l’Iran, soutien de la Syrie. Il est donc plus modestement indiqué de parler d’autonomie.

La définition de l’autonomie par Stéphanie Desfontaines et Stéphane Montier ne manque pas d’intérêt : « Ni libre de faire tout ce qu’il veut, ni autosuffisant, l’autonome est au contraire au cœur des relations qui le relient à lui-même, aux autres, à son environnement où il puise les ressources dont il a besoin pour atteindre ses objectifs. »L’autonomie est donc un concept relatif quand la stratégie est un concept extensif. Désignant exclusivement, jusqu’au milieu du XIXème siècle, l’art d’organiser et de conduire un ensemble d’opérations militaires, la stratégie désigne désormais un ensemble d’actions coordonnées en vue d’atteindre un but précis et s’applique à tous les domaines de l’activité humaine : économie, commerce, politique, communication, culture, etc. L’idée d’autonomie stratégique est étroitement corrélée à la souveraineté : elle en est l’une des expressions, mais elle ne peut, non plus, être mise en oeuvre sans le plein exercice de cette souveraineté. Qu’elle s’applique au champ militaire, aux champs économiques ou financiers. L’analyse portera sur six domaines où l’autonomie stratégique est essentielle pour la France et pour l’Union Européenne. Chaque domaine fera l’objet d’un état des lieux et de propositions pour accroître l’autonomie de la France.

Seront donc successivement présentés l’influence de l’environnement juridico-institutionnel sur l’autonomie stratégique (1ère partie), l’indépendance et la dépendance stratégique en matière de Défense (2ème partie), l’influence du système économique et financier sur l’autonomie stratégique (3ème partie), le champ économique et industriel (4ème partie), une autonomie stratégique toute relative en matière d’alimentation, d’énergie et de matières premières (5ème partie), et l’autonomie stratégique par l’action culturelle (6ème partie).Si le maintien du principe de souveraineté des Etats contribue à la survie de la nature fondamentalement conventionnelle de ce droit, le développement des traités multilatéraux et des institutions internationales qu’ils créent souvent, conduit à systématiser l’élaboration de règles considérées comme nécessaires à la vie de la société internationale et à instaurer des modalités préétablies de gestion des litiges pouvant naître de leur application. Si l’accord de l’Etat souverain demeure le principe essentiel de son application des normes internationales, la généralisation des procédures de concertation, voire la mise en œuvre de sanctions collectives édictées par l’institution internationale tendent à réduire dans les faits la parfaite autonomie de la politique étatique. De même, sur un plan technique, le rôle normatif des instances de normalisation internationale comme l’Organisation Internationale de Normalisation (O.I.N.) également désignée sous son acronyme anglais ISO (International Organization for Standardization) caractérise l’influence de structures professionnelles en marge du secteur public. Enfin, il convient de souligner les évolutions de la gouvernance mondiale, du fait de l’intervention d’organismes proprement privés. Par ailleurs, actuellement, une importante sphère non gouvernementale, composée d’acteurs diversifiés susceptibles de mettre en œuvre d’importantes procédures d’influence se développe.

 

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