Le courrier de l’Unesco pour une éthique de la recherche en intelligence artificielle à l’échelle mondiale

Extrait du cours le courrier de l’Unesco pour une éthique de la recherche en intelligence artificielle à l’échelle mondiale

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Selon vous, le fait de réduire le vivant à un code constitue le défaut principal de l’IA.
En efet, certains spécialistes de l’IA sont tellement éblouis par leurs prouesses techniques, un peu comme des petits garçons fascinés par leur jeu de construction, qu’ils perdent la vue d’ensemble. Ils tombent dans le piège du réductionnisme.
Le mathématicien américain et père de la cybernétique Norbert Wiener écrivait en 1950, dans The Human Use of Human Beings (Cybernétique et société), qu’on pourra un jour « télégraphier un homme ». Quatre décennies plus tard, l’idée transhumaniste du mind
uploading est élaborée sur le même fantasme, selon lequel le monde réel tout entier peut être réduit à des unités d’information transmissibles d’un hardware à un autre.
L’idée que le vivant peut être modélisé en unités d’information se retrouve aussi chez le biologiste français Pierre-Henri Gouyon,
par exemple, avec qui j’ai publié un livre d’entretiens, Fabriquer le vivant ? (2012).
Il voit dans l’acide désoxyribonucléique (ADN) le support d’un code qu’on peut déplacer sur d’autres supports. Mais quand on estime que le vivant peut être modélisé en unités d’information, on oublie que la somme d’unités d’information n’est pas la chose vivante, et on ne s’inquiète pas de faire des recherches sur le non-modélisable.
La prise en compte du non-modélisable ne renvoie pas à l’idée de Dieu, ni à l’obscurantisme, quoi qu’en pensent certains.
Les principes d’imprédictibilité et d’incertitude sont présents dans toutes les sciences exactes.
C’est pourquoi l’aspiration à la connaissance totale des transhumanistes s’inscrit dans un discours technolâtre, parfaitement irrationnel.
Si elle connaît un grand succès, c’est qu’elle est capable d’étancher la soif de métaphysique de nos contemporains. Les transhumanistes
rêvent d’une vie dans laquelle ils auraient chassé toute incertitude. Or, dans le quotidien, comme dans la recherche, il faut bien se coltiner les incertitudes, l’aléatoire…
Selon la théorie transhumaniste, nous serons un jour capables d’atteindre l’immortalité grâce à l’IA.
Dans le bouleversement postmoderne actuel, où la relation entre les choses n’est plus pensée, où le réductionnisme et l’individualisme dominent, la promesse transhumaniste prend la place de la caverne de Platon.
Pour le philosophe grec, la vraie vie n’était pas dans le monde physique, elle était dans les idées. Pour les transhumanistes, vingtquatre siècles plus tard, la vraie vie n’est pas dans le corps, elle est dans les algorithmes.
Le corps n’est pour eux qu’un simulacre : il faut en extraire un ensemble d’informations utiles, et se débarrasser de ses défauts naturels.
C’est ainsi qu’ils entendent atteindre l’immortalité.
J’ai eu l’occasion, lors de colloques scientiiques, de rencontrer plusieurs membres de l’Université de la Singularité [à orientation transhumaniste] qui portaient un médaillon autour du cou, pour signiier qu’en cas de décès, leur tête sera cryogénisée.
J’y vois l’émergence d’une nouvelle forme de conservatisme, alors même que c’est moi qui passe pour un bioconservateur, car je m’oppose à la philosophie transhumaniste.
Mais lorsque mes adversaires me traitent de réactionnaire, ils utilisent le même type d’arguments que les hommes politiques qui prétendent moderniser ou réformer, pendant qu’ils détruisent les droits sociaux d’un pays et qu’ils taxent de conservateurs ceux qui veulent conserver leurs droits !
L’hybridation entre l’homme et la machine est déjà une réalité.
C’est aussi un idéal transhumaniste.
Tout reste à faire pour comprendre le vivant et l’hybridation, car le monde de la technique biologique ignore aujourd’hui encore presque tout de la vie, qui ne se réduit pas aux seuls processus physicochimiques modélisables. Cela dit, le vivant est déjà hybridé avec la machine et il le sera certainement encore davantage avec les produits issus des nouvelles technologies.
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Sommaire: Le courrier de l’Unesco pour une éthique de la recherche en intelligence artificielle à l’échelle mondiale

Intelligence artiicielle :  entre mythe et réalité Jean-Gabriel Ganascia
La main qui voit  Chen Xiaorong
Des robots et des hommes Vanessa Evers
Le chef Giuseppe annonce une nouvelle ère culinaire
Beatriz Juez
Miguel Benasayag : La pensée n’est pas dans le cerveau !
Propos recueillis par R. Meyran
Yoshua Bengio : Contrer la monopolisation de la recherche
Propos recueillis par J. Šopova
Moustapha Cissé : Démocratiser l’IA en Afrique
Propos recueillis par K. Markelova
Yang Qiang : La quatrième révolution
Propos recueillis par W. Chao
La menace des robots tueurs Vasily Sychev
À notre service,  et non à nos dépens
Tee Wee Ang et Dafna Feinholz
Marc-Antoine Dilhac :
Quels risques éthiques ?
Propos recueillis par R. Meyran
Karl Schroeder : Et si ce n’était que pour le meilleur ?
Propos recueillis par M.C. Pinault Desmoulins
Apprendre à vivre à l’ère de l’IA
Leslie Loble
Audrey Azoulay :  tirer le meilleur parti de l’IA
Propos recueillis par J. Šopova
Glossaire de l’intelligence artiicielle

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Le courrier de l’Unesco pour une éthique de la recherche en intelligence artificielle à l’échelle mondiale (4,98 MO) (Cours PDF)

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