Le jeu vidéo comme terrain d’étude pour les géographes

Le jeu vidéo comme terrain d’étude pour les géographes

L’étude des jeux vidéo a longtemps été réservée aux sociologues. En France, Samuel Rufat et Hovig Ter Minassian fondent en 2008 un laboratoire junior intitulé « Jeux Vidéo : Pratiques, Contenus, Discours » à l’ENS de Lyon. Ils ont pour but de développer la pluridisciplinarité du sujet, mais aussi de mettre en valeur l’apport du géographe. Ils se penchent notamment sur le contenu des jeux vidéo à travers la lecture de l’espace et des représentations dans le jeu : « l’espace virtuel à la fois support et produit des jeux vidéo est un objet géographique qui s’apparente au territoire » (Ter Minassian, Rufat, 2008). Leurs études restent majoritairement qualitatives et basées sur des jeux grand public (Rufat, Coavoux, Berry, Ter Minassian, 2013), autour de jeux comme Civilisation ou encore Sim City. Ces jeux sont principalement des jeux de gestion territoriale et d’espaces urbains où le joueur doit aménager et optimiser au mieux son espace. Ils analysent alors le comportement des joueurs en jeu et ses interactions avec le monde virtuel par le biais de périphériques. Ils s’intéressent également aux joueurs eux-mêmes, afin de comprendre qui sont les joueurs de jeux vidéo. De plus, ils étudient la place des jeux vidéo dans l’espace en tant que pratique culturelle et de loisir, que ce soit dans l’espace public (Rufat, Ter Minassian, Coavoux, 2014) ou dans l’espace domestique (Ter Minassian, 2016). Le sport électronique, appelé communément esport, est un phénomène en plein développement et un terrain d’étude complet pour un géographe et autre chercheur (Freeman, Wohn, 2017). Le terrain d’étude n’est plus seulement un terrain physique au travers des compétitions, il se compose d’un ensemble de sites et d’acteurs spécialisés dans l’esport. Cela englobe le joueur solitaire connecté depuis chez lui, les organisateurs d’évènements indépendants, les éditeurs de jeux, et les structures spécialisées où évoluent les grandes équipes internationales. Notre terrain d’étude va ainsi des compétitions majeures qui, pour les plus prestigieuses, peuvent se dérouler dans des stades et réunir des milliers de spectateurs et des dizaines de milliers de téléspectateurs, à des compétitions mineures en ligne entre deux joueurs inconnus. Les évènements, joueurs ou équipes sont suivis dans divers endroits du monde, via des retransmissions sur des plateformes de diffusion en ligne, en direct, en rediffusion ou en vidéo. Des joueurs peuvent être d’origines différentes, jouant dans un autre pays, avec des présentateurs d’un autre continent suivis par des spectateurs répartis à travers le monde. Tout cela est animé par des sites spécialisés dans chacun des jeux proposés, avec des communautés actives sur des forums, qui créent leurs propres langages, codes, bases de données, sites communautaires, etc… (Chollet, Bourdon, Rodhain, 2012).  Le sport électronique dépend de l’évolution du jeu vidéo : sans les jeux vidéo, il n’y a pas de compétitions. Étudier l’émergence du jeu vidéo et sa diffusion amène à étudier les fondements du sport électronique, ce qui nous permet de mettre en évidence les liens qui pourraient exister entre pôles émetteurs de jeux vidéo et pôles organisateurs d’évènements esport. Cela pose la question de savoir si les acteurs du jeu vidéo sont restés les mêmes à travers son histoire ou si l’on observe une indépendance entre le lieu des compétitions et le pays d’origine des jeux vidéo. Nous allons tenter d’y répondre à travers l’étude de l’émergence du jeu vidéo (partie I), que nous confronterons à l’étude des localisations des compétitions esport (partie II).

Émergence du jeu vidéo

Dans le cadre de l’exposition nationale canadienne en 1950, Josef Kates présente le premier jeu vidéo connu Bertie the Brain (photo 1). C’est un jeu de tic-tac-toc où le joueur s’oppose à une intelligence artificielle, créé à l’origine pour faire la promotion du tube électronique (Vardalas, 2002). Lors de l’exposition du Festival of Britain en 1951, John Makepeace Bennet présenta l’ordinateur Nimrod (photo 2) permettant de jouer au jeu de Nim (Festival of Britain South Bank Exhibition 1951). Spacewar est programmé par un groupe d’étudiants en 1962 sous l’initiative de Steve Russel, alors étudiant du Massachusetts Institute of Technology (Djaouti, 2010). Ce jeu est un shoot’em up (qu’on traduit par abattez-les tous ou encore descendez-les tous) en deux dimensions, où s’affrontent deux joueurs. Chacun d’entre eux contrôle un vaisseau et doit tenter de détruire son adversaire. Codé sur le micro-ordinateur PDP-1 (révolutionnaire pour l’époque de par sa taille réduite), il est le premier jeu largement diffusé

 

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