Le métabolisme du phosphore chez les carnivores domestiques

Cours le métabolisme du phosphore chez les carnivores domestiques, tutoriel & guide de travaux pratiques en pdf.

Différentes formes de phosphore

Dans le plasma, environ deux tiers du phosphore est présent sous forme organique (principalement dans les phospholipides) et un tiers est sous forme inorganique (anion). (70)

Phosphate organique : structure et fonction

Le phosphate organique se retrouve dans la structure chimique de l’hydroxyapatite (composant essentiels des os et des dents), des phospholipides (composants essentiels de la structure des membranes cellulaires), des phospholipases (intervenant dans le phénomène d’agrégation plaquettaire et dans l’activation du facteur V et X de la coagulation), des phosphoprotéines, des phosphoglycérides, des acides nucléiques, des nucléotides, de l’ATP, du GTP, de l’AMPc et de la phosphocréatine. (33)
Le phosphore organique contribue également à la structure et à la charge des canaux ioniques et il aide au fonctionnement de la communication cellulaire via les phosphorylations enzymatiques.
C’est sa liaison de haute énergie qui lui permet le maintien de l’intégrité des membranes et le bon fonctionnement du métabolisme cellulaire. (70)
L’état énergétique de la cellule est dépendant de la quantité d’ATP intracellulaire. Il est représenté par le potentiel de phosphorylation (PP) qui est le rapport de l’ATP cytosolique par le produit de l’ADP cytosolique et le phosphate inorganique intracellulaire (cf. figure 3) :
Figure 3 : Potentiel de phosphorylation (41)
Toute modification qui fait augmenter le potentiel de phosphorylation ralentit la respiration mitochondriale. Au contraire, si le potentiel de phosphorylation diminue, la respiration mitochondriale s’accélère.
Ainsi une diminution de la quantité de phosphate inorganique intracellulaire ralentit la respiration mitochondriale et diminue la production d’ATP. Par ce mécanisme, la quantité d’ATP intracellulaire diminue et réduit le rapport entre l’ATP et l’ADP normalisant ainsi le potentiel de phosphorylation. (41)

Phosphate inorganique : structure et fonction

Le phosphate inorganique est un triacide minéral capable de céder trois protons en formant successivement trois bases conjuguées (cf. figure 4) :
Figure 4 : Constantes d’équilibre associées à la dissociation de l’acide phosphorique
H3PO4 (s) + H2O(l) => H2PO4 −(aq) + H3O+(aq), Ka1= 7,25×10−3, pKa1= 2,12.
H2PO4 −(aq) + H2O(l) => HPO4 2−(aq) + H3O+(aq), Ka2= 6,31×10−8, pKa2= 7,21.
HPO4 2−(aq) + H2O(l) => PO4 3−(aq) + H3O+(aq), Ka3= 3,98×10−13, pKa3=12,6.
Le phosphate est un véritable tampon dans les conditions intra ou extracellulaire et dans le tubule rénal grâce à son pKa2 (cf. figure 4).
Au pH physiologique, le phosphate inorganique est majoritairement présent (à 85%) sous forme d’HPO42− ou d’H2PO4− . Le rapport entre ces deux molécules est d’environ 4 pour 1 et la valence du phosphate plasmatique est de 1,8 (1mmol/L de phosphate = 1,8 mEq/L de phosphate. (33)
Si le pH varie, on observe la formation de H3PO4 en cas d’acidose et de PO43− en cas d’alcalose, sans pour autant que ces molécules soient majoritaires. (70)
En cas d’alcalémie, la forme dibasique (HPO42−) reste prédominante alors qu’en cas d’acidémie, c’est la forme monobasique (d’H2PO4−) qui prédomine. (33)
Parmi les 15% restant de phosphate inorganique, 10% sont liés à des protéines et 5% sont complexés avec le calcium ou le magnésium. (70)
Outre son pouvoir tampon, le phosphate inorganique est le substrat de nombreuses fonctions vitales telles que la phosphorylation oxydative, la production de 2,3-­‐BPG dans les érythrocyte (nécessaire à la distribution de l’oxygène aux cellules de l’organisme) et la production de glycogène dans le foie et les reins. Il est un acteur essentiel de la glycolyse et participe aux phosphorylations de nombreux intermédiaires glucosés. (33)

Mesure de la phosphatémie

Les analyses de laboratoire mesurent le phosphore inorganique plasmatique sous toutes ses formes (H3PO4, H2PO4-­‐ et HPO42-­‐). (70)
Les techniques employées en routine mesurent le phosphate inorganique par colorimétrie après réduction en un composé de phosphomolybdate. (13)
On peut utiliser un prélèvement de sang sur tube sec ou hépariné pour doser le phosphore. En revanche, le citrate, l’oxalate et l’EDTA ne sont pas recommandés car ils interfèrent avec le dosage. Il est conseillé de faire le dosage chez un animal à jeun à cause des modifications postprandiales qui peuvent interférer lors du dosage. Puis le sérum ou le plasma devrait être recueilli dans l’heure qui suit la prise de sang (pour éviter toute sortie de phosphore cellulaire qui fausserait le résultat).
Le taux sérique de phosphate est significativement supérieur au taux plasmatique à cause de sa présence dans le fibrinogène (rôle du phosphate dans l’agrégation plaquettaire et le phénomène de coagulation). (70)
La concentration plasmatique est maintenue relativement stable par l’organisme (cf. tableau 1). On note tout de même une légère variation diurne chez l’homme avec d’un pic matinal (vers 4h du matin) et un nadir environ 6-­‐7h plus tard. (21)
Les jeunes animaux ont des taux sériques en phosphate plus élevés. L’élévation de la concentration plasmatique de phosphore chez les chiots est la même pour les petites et les grandes races de chiens : environ 8,5 mg/dl. (33) Lorsque l’animal devient adulte, cetaux diminue puis augmente de nouveau en vieillissant. (70)
Le phosphore et le calcium devraient être systématiquement dosés ensemble à cause de leur métabolisme lié. (33)
Le taux sérique de phosphore peut être faussement augmenté soit après le repas, soit en cas d’hyperbilirubinémie ou d’hyperlipémie à cause des interférences avec la technique de colorimétrie, soit en cas d’hémolyse de l’échantillon (13) (sortie du phosphore intracellulaire contenu dans les érythrocytes et autres cellules sanguines) ou d’hyperprotéinémie, soit en cas d’administration d’insuline, de bicarbonate, de glucose, de stéroïdes anabolisant et de calcitriol. (33)
D’autre part, il peut être faussement diminué suite à l’administration de mannitol ou d’antiacide (le calcium, l’aluminium et le magnésium complexent le phosphore). (8)
Lorsqu’on a une concentration en phosphore anormalement haute en absence de facteur de risque d’hyperphosphatémie, on devrait procéder à des vérifications : il est préconisé dans ce cas de mesurer les éléments solubles du sérum par conductimétrie et de coupler cette mesure à l’émission spectroscopique du plasma car ces techniques ne sont pas affectées par l’hémolyse, l’hyperbilirubinémie, l’hyperprotéinémie ou l’hyperlipidémie, et fournissent un résultat fiable pour la concentration en phosphore plasmatique. Cependant, ces tests ne sont pas disponibles en pratique. (33)
En pratique, le clinicien se doit de confronter les résultats d’analyse obtenus à la présentation clinique de l’animal, tout en gardant en mémoire le métabolisme du phosphore et son impact sur la phosphatémie.
Tableau 1 : Normes plasmatiques du phosphore chez les carnivores domestiques (8)

Transporteurs de phosphore

Trois classes de cotransporteurs Na/Pi ont été mises en évidence dans la littérature.
Le cotransporteur Na/Pi de type I (Npt1) est principalement exprimé sur les cellules de la bordure en brosse du tubule rénal proximal et permet le transport de chlore et des autres anions organiques aussi bien que celui du Phosphore.Il n’est donc pas un cotransporteur spécifique du phosphore. Son expression oulasynthèse de son ARNm par les néphrocytes n’est modifiée ni par la parathormone (PTH) ni par la quantité de phosphore contenu dans le régime alimentaire de l’animal.
Ce cotransporteur ne semble pas jouer un rôle prépondérant dans la circulation du phosphore au niveau du rein. Nous ne rentrerons donc pas dans les détails de sa structure et de son fonctionnement.
Le cotransporteur Na/Pi de type II (Npt2) présente 25% d’homologie avec le Npt1. Les expériences faites sur des souris Knockout (délétées pour le gène codant pour le Npt2) ont mise en évidence le rôle majeur de ce cotransporteur dans la réabsorption du phosphore rénal. De même, les souris pour lesquelles les chercheurs ont inactivé spécifiquement le Npt2 montrent de sévères pertes en phosphore (85% de réduction de la réabsorption du phosphore), une hypercalciurie et des anomalies du squelette.
Le Npt2 échange un phosphate bivalent (HPO42-­‐) contre 3 Na+.
Cette protéine se compose de 12 domaines transmembranaires dont lesdeux extrémités (NH2 et COOH) sont intracellulaires et de deux N-­‐glycosylations situées dans une grande boucle extracellulaire (cf. figure . 5)Cette molécule est un monomère fonctionnel dont la structure secondaire révèle deux paires d’hélice alpha qui forment 2 boucles entrantes opposées créant ainsi deuxloges opposées pour permettre l’accès au substrat de part et d’autre de la membrane. (80)
Il existe 3 isoformes de ce cotransporteur. Les types 2a (Npt2a) et 2c sont exprimés exclusivement à la surface de la membrane apicale des cellules de la bordure en brosse du tubule rénal proximal. (35) La régulation du Npt2a est complexe et comprend la quantité de phosphate oral absorbé, la PTH, des phosphatonines (tels que FGF23, sFRP4 et MEPE), les œstrogènes et la dopamine. (4) Le type 2c est régulé par la PTH. (70)
Le type 2b est exprimé à la surface des enthérocytes de la bordure en brosse de l’intestin grêle et joue un rôle dans la régulation physiologique de l’absorption intestinale du phosphore. (35) Il est contrôlé par la vitamine D3. (70)
Figure 5 : Structure primaire et secondaire du cotransporteur de type II (80)
Dans le rein, le transport du phosphore se fait contre le gradient électrochimique. Le cotransporteur de type II est l’étape limitante et la cible de tous les mécanismes physiologiques (ou pathophysiologiques) de modification de la réabsorption du phosphore. (48) Le gradient de sodium est maintenu par la sodium-­‐phosphate adénosine triphosphatase et rend la réabsorption du phosphore indirectement dépendant de l’énergie. La réabsorption de phosphore est un phénomène saturable qui provoque une phosphaturie lorsqu’il y a trop de phosphore dans les fluides des tubules rénaux. (33)
Le phosphore est ensuite emporté dans le courant sanguin par un ou plusieurs transporteur(s) : soit via uncotransporteur sodium/phosphate, soit via unéchangeur anionique ou même un canal non spécifique laissant passer le phosphore (48) suivant le gradient électrochimique (cf. figures 6 et 7). (70)
Cette sortie est indispensable au bon fonctionnement de la réabsorption : sans elle, la cellule de la bordure en brosse accumulerait plus de phosphore que ses propres besoins et il n’y aurait pas de recyclage du phosphore pour le reste de l’organisme. (48)
Figure 6 : Transporteurs membranaires de phosphore des cellules de la bordure en brosse du tubule rénal (48)
Figure 7 : Transporteurs membranaires de phosphore des cellules de la bordure en brosse du tubule proximal (48)
Le cotransporteur Na/Pi de type III (Npt3, cf. figure 8) est exprimé à la surface des ostéoclastes. Il a d’abord été identifié comme un récepteur de rétrovirus.
Le Npt2 échange un phosphate monovalent (HPO42-­‐) contre 3 Na+.
Ce cotransporteur joue un rôle majeur dans l’approvisionnement de phosphate inorganique nécessaire à la minéralisation osseuse. Le phosphate inorganique, l’épinéphrine, le facteur de croissance dérivé des plaquettes ou PDGF (Platelet Derived Groth Facteur), l’IGF-­‐1 (Insulin Like Growth Factor) et le facteur de croissance des fibroblastes (FGF) ont tous une action modulatrice sur ce cotransporteur.
Récemment, on a découvert l’implication de cette molécule dans des processus pathologiques tels que la calcification du tissu vasculaire en cas d’hyperphosphatémie et l’ostéoarthrite.
Le Npt3 se trouve à la surface des hépatocytes, des pneumocytes et dans les cellules glandulaire de la glande mammaire. Dans la glande mammaire, le Npt3 transporte le Pi du sang vers les secrétions luminales (mécanisme inconnu à l’heure actuelle).
Cette protéine comporte 9 à 11 domaines transmembranaires etles extrémités NH2 et COOH se trouvent dans l’espace extracellulaire. (80)

Mécanismes de régulation de la phosphatémie

Les mécanismes du contrôle de la phosphatémie sont beaucoup moins précis que ceux qui contrôlent la calcémie. On peut affirmer que le phosphore sanguin varie énormément en fonction du phosphore alimentaire assimilé, tandis que ceci n’est pas aussi vrai avec le calcium. (7)
La concentration de phosphore plasmatique résulte de l’effet combiné de la filtration et de la réabsorption rénale (principal régulateur), de l’absorption intestinale et de la résorption et de l’accrétion osseuse. (33)
Les grands acteurs de la modulation des flux de phosphore au sein des trois organes régulateurs cités ci-­‐dessus sont la PTH et la vitamine D. La PTH diminue la réabsorption rénale et stimule la synthèse de vitamine D. La vitamine D augmente l’absorption intestinale de phosphore. (33) Cette régulation est détaillée ci-­‐dessous (cf. figure 9).
De plus, le calcitriol favorise l’absorption intestinale de phosphore alors que les glucocorticoïdes ou les régimes riches en magnésium ont tendance à réduire celle-­‐ci. (8)
Figure 9 : Schéma bilan : régulation du phosphore (33)

Excrétion/réabsorption rénale

Le rein est l’organe majeur de régulation de la phosphatémie.
Dans des conditions physiologiques, la quantité de phosphore inorganique excrétée par le rein correspond à peu près à la quantité de phosphates absorbés par l’alimentation. (48) L’excrétion rénale est déterminée par le taux de filtration glomérulaire et le taux maximum de réabsorption tubulaire (saturable par la concentration en phosphore dans les fluides tubulaires). Environ 90% du phosphore plasmatique est filtré par le glomérule. 80 à 90% du phosphore filtré est réabsorbé par le tubule rénal (en majeure partie par le tubule proximal et une faible proportion est réabsorbée par le tubule distal. (33, 48, 70)Ainsi, 90 % du phosphore alimentaire est excrété par le rein. (70)
L’excrétion rénale résulte donc de l’équilibre entre la filtration glomérulaire passive et non contrôlée et la réabsorption tubulaire active et régulée. (48)
Le tubule rénal est capable de s’adapter rapidement au changement de concentration de phosphore absorbé à partir de l’alimentation via les variations de la phosphatémie.
En cas de privation de phosphate inorganique, la quantité de cotransporteur de type 2a à la surface des cellules de la bordure en brosse du tubule rénal et la quantité de cotransporteur de type 2b à la surface des entérocytes de la bordure en brosse de l’intestin grêle augmentent conjointement à la réabsorption de phosphate.
Ces modifications d’expressions des cotransporteurs à la surface des cellules se mettent en place en quelques heures et sont indépendants de la PTH, de la vitamine D active ou de la calcémie. Expérimentalement, les inhibiteurs de la synthèse protéique (actinomycine D ou cyclohexidine) n’inhibent pas cette expression rapide de Npt2a. Cette première adaptation (augmentation de l’expression du Npt2a en cas de privation de phosphore) repose donc sur des réserves cellulaires pré-­‐existantes en Npt2a. A long terme (4 jours de privation de phosphore), l’expression du Npt2a est inhibée par l’actinomycine D et la cyclohexidine. Cette seconde adaptation repose en revanche sur la modification de l’expression protéique cellulaire. (35)
Des facteurs hormonaux et non-­‐hormonaux modifient et contrôlent la réabsorption tubulaire proximale du phosphore. Pour chacun de ces facteurs, il existe une régulation physiologique axée sur la modification de l’expression du cotransporteur Na-­‐Pi de la bordure en brosse (de type 2a). (48)

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