Le molosse et sa déhontée façon de s’asseoir

Le cou chargé de carcans hérissés de sortilèges comme le sont de piquants acérés, les colliers du chien chasseur de cynocéphales

Cette nuit-là, les frénésies ne parvinrent pas à raviver Fama ; les craintes des colères de Salimata ne réussirent pas à le lever, il était fatigué, bien cassé, aussi coula-t-il dans le sommeil d’une pierre dans un bief. Et alors pour Salimata partit une nuit longue et hérissée d’amertume. Elle entretint et activa des pensées amères et brûlantes qui séchèrent le sommeil et remplirent le lit de cauchemars ; elle pleura et gémit comme si elle était traversée par un harpon qu’un tortionnaire pivotait.
À cette nuit succéda un soleil maléfique, pendant lequel elle ne souffla point, un jour de malheur qu’elle traversa, les yeux fixés sur son sort, les oreilles tendues à ses pensées et lorsque le jour tomba elle comprit Allah, convint de son sort. Elle avait le destin d’une femme stérile comme l’harmattan et la cendre. Malédiction ! malchance ! Allah seul fixe le destin d’un être.
Et cette journée-là débuta par un réveil trop matinal à la suite de la nuit mal dormie. Elle tournait dans le lit, le matin était encore loin, la lampe à pétrole sifflait, la flamme vacillait et par-ci, par-là, sur et au pied de la petite table, même dans l’encoignure, les sortilèges, les innombrables sortilèges. Salimata les avait agités et tournoyés pour se féconder. En vain. Fama ne s’était pas levé, ne s’était pas excité. Les sortilèges éparpillés avaient perdu chaleur et mystère et encombraient la case : bouteilles, mixtures, canaris, cornes de béliers et amulettes. Salimata caressa son abdomen. Un ventre sans épaisseur, ne couvrant qu’entrailles et excréments. Elle tira la couverture et écouta. Dehors les coqs n’appelaient pas encore le matin, le réveil du soleil. Elle referma les yeux, plongea le nez dans le matelas, se roula, se frotta contre Fama. Les ronflements de Fama ébranlaient ; il grognait comme un verrat, barrait comme un tronc d’arbre toute une grande partie du lit de ses avant-bras et genoux. Un éhonté de mari ! Salimata piquée lui enfonça le coude dans les côtes, sans troubler son sommeil. Rien ne le préoccupait, rien ne l’empêchait de dormir, ni l’impuissance, ni les pleurs de Salimata, ni le manquement aux devoirs conjugaux. Une petite démangeaison rampa à travers la gorge de Salimata. Elle souffla, aspira une bouchée d’air désagréable de moiteur, la toussa, la cracha. La salive avait un arrière-goût de baobab. Elle tira le pagne et se recouvrit la tête.
Le matin à sortir ! comme les autres ! ce ne sera pas le jour où Salimata se dira, me voilà grosse ! Sa tête gronda comme battue, agitée par un essaim de souvenirs. L’excision ! les scènes, ses odeurs, les couleurs de l’excision. Et le viol ! ses couleurs aussi, ses douleurs, ses crispations.
Le viol ! Dans le sang et les douleurs de l’excision, elle a été mordue par les feux du fer chauffé au rouge et du piment. Et elle a crié, hurlé. Et ses yeux ont tourné, débordé et plongé dans le vert de la forêt puis le jaune de l’harmattan et enfin le rouge, le rouge du sang, le rouge des sacrifices. Et elle a encore hurlé, crié à tout chauffer, crié de toute sa poitrine, crié jusqu’à s’étouffer, jusqu’à perdre connaissance. Elle ignorait le temps qu’a duré l’évanouissement. Quand les sens renaquirent les gens debout murmuraient au-dessus d’elle, la lampe à l’huile flamboyait à nouveau, ses jambes étaient ruisselantes de sang, la natte en était trempée, le sang avait commencé comme le matin ; sa maman s’épuisait en lamentations, en pleurs. Pauvre maman !… Pauvre maman !
À ce point, une punaise du lit piqua Salimata à la fesse, elle la rechercha jusque sur les pieds et les épaules de Fama, la rattrapa du côté des oreillers et l’écrasa. Entre ses doigts une puanteur d’excrément se colla. Vilaine bête ! elle rejeta la couverture ; il faisait chaud. Les ronflements de Fama remplissaient la pièce. Elle repensa encore à son excision, à ses douleurs, à ses déceptions et à sa maman…
Pauvre maman ! oui, la malheureuse maman de Salimata, que d’innombrables et grands malheurs a-t-elle traversés pour sa fille ! Et surtout lors de la dramatique cérémonie d’excision de sa fille ! Elle qui avait toujours imaginé sa fille de retour du champ de l’excision, belle, courageuse, parée de cent ornements, dansant et chantant pendant qu’elle crierait sa fierté. « Tu verras, disait-elle souvent alors que Salimata était une très petite fille ; tu verras, tu seras un jour excisée. Ce n’est pas seulement la fête, les danses, les chants et les ripailles, c’est aussi une grande chose, un grand événement ayant une grande signification. »
Mais quelle grande signification ?
« Tu verras, ma fille : pendant un mois tu vivras en recluse avec d’autres excisées et, au milieu des chants, on vous enseignera tous les tabous de la tribu. L’excision est la rupture, elle démarque, elle met fin aux années d’équivoque, d’impureté de jeune fille, et après elle vient la vie de femme. »
Quand poussèrent et durcirent les seins de Salimata, sa maman éclata de joie : « Ah ! te voilà jeune fille ! ce sera bientôt. » Et au milieu d’un hivernage : « Le jour est fixé, ce sera l’harmattan à venir. » Et le jour fixé arriva en effet, un matin de la dernière semaine de l’harmattan, un matin grisâtre et bâtard, un matin comme les autres sauf le feu au cœur de Salimata et l’appréhension et le pénible pressentiment qui étreignaient sa maman. Au premier cri du coq, fut battu l’appel des filles à exciser. « Ma fille, sois courageuse ! Le courage dans le champ de l’excision sera la fierté de la maman et de la tribu. Je remercie Allah que ce matin soit arrivé. Mais j’ai peur, et mon cœur saute de ma peur, j’implore tous les génies que le champ soit favorable à mon unique fille ! » Oui, les génies entendirent les prières de sa maman, mais comment ! et après combien de douleurs ! après combien de soucis ! après combien de pleurs !
Salimata n’oubliera jamais le rassemblement des filles dans la nuit, la marche à la file indienne dans la forêt, dans la rosée, la petite rivière passée à gué, les chants criards des matrones qui encadraient et l’arrivée dans un champ désherbé, labouré, au pied d’un mont dont le sommet boisé se perdait dans le brouillard, et le cri sauvage des matrones indiquant « le champ de l’excision ». Le champ de l’excision ! Salimata fut interrompue dans ses réflexions par une ruade de Fama sûrement piqué par une punaise. Il s’était détendu comme un arc et avait bousculé, fouetté avant de continuer à ronfler. La ruade alluma la colère de la femme. Un vaurien comme une crotte, vide la nuit comme le jour, pour lequel elle se cassait, se levait au premier chant du coq, préparait et vendait la bouillie pour avoir l’argent pour le nourrir, pour le vêtir, pour le loger, et à midi courir le marché, le plateau, vendre du riz et avoir l’argent pour les sortilèges, les médicaments, les marabouts et les sacrifices qui doivent procurer la virilité et la fécondité… Et la nuit ne connaître, ne recevoir que les ruades d’âne. Non ! Elle lui administra une fessée. Fama grogna, continua de ronfler et Salimata reprit ses réflexions.
… L’arrivée au champ de l’excision. Elle revoyait chaque fille à tour de rôle dénouer et jeter le pagne, s’asseoir sur une poterie retournée, et l’exciseuse, la femme du forgeron, la grande sorcière, avancer, sortir le couteau, un couteau à la lame recourbée, le présenter aux montagnes et trancher le clitoris considéré comme l’impureté, la confusion, l’imperfection, et l’opérée se lever, remercier la praticienne et entonner le chant de la gloire et de la bravoure répété en chœur par toute l’assistance. Salimata réentendait les échos amplifiés par les monts et les forêts, ces échos chassant les oiseaux des feuillages et réveillant le jappement des cynocéphales. Elle se rappelait qu’à ce moment, de ses entrailles grondait et montait toute la frayeur de toutes les histoires de jeunes filles qui avaient péri dans le champ. Revenaient à l’esprit leurs noms, le nom des succombées sous le couteau. Le champ ne retenait que les plus incomparables des belles (comme Salimata !). Était restée Moussogbê, de la promotion de sa maman, une beauté dont tout le Horogoudou se souvenait encore. N’en était pas revenue, il y avait quatre harmattans, Nouna dont le nez avait la rectitude du fil tendu. Salimata chercha en vain leurs tombes. Les tombes des non retournées et non pleurées parce que considérées comme des sacrifices pour le bonheur du village. La forêt avait couvert leurs sépultures. Salimata se rappelait quand vint son tour, quand s’approcha la praticienne. Chauffait alors le vacarme des matrones, des opérées déchaînées, des charognards et des échos renvoyés par les monts et les forêts. Le soleil sortait, rougeoyait derrière les feuillages. Les charognards surgissaient des touffes et des brouillards, appelés par le fumet du sang. Leurs vols tournaient au-dessus des têtes en poussant des cris et des croassements sauvages. La praticienne s’approcha de Salimata et s’assit, les yeux débordants de rouges et les mains et les bras répugnants de sang, le souffle d’une cascade. Salimata se livre les yeux fermés, et le flux de la douleur grimpa de l’entre-jambes au dos, au cou et à la tête, redescendit dans les genoux ; elle voulut se redresser pour chanter mais ne le put pas, le souffle manqua, la chaleur de la douleur tendit les membres, la terre parut finir sous les pieds et les assistantes, les autres excisées, la montagne et la forêt se renverser et voler dans le brouillard et le jour naissant ; la torpeur pesa sur les paupières et les genoux, elle se cassa et s’effondra vidée d’animation…
Ô chaude, étouffante, presque pimentée, l’atmosphère de la case ! Et puis les agaçants ronflements de Fama. Salimata se leva, renoua le pagne, poussa la porte pour regarder l’approche de la blancheur de l’aurore. Le frais de la nuit, quelques bruissements de la ville, une certaine nervosité de la brise de la mer l’accueillirent. Puis un aboiement lointain, un roulement sourd, plus lointain encore, d’une auto, si ce n’était pas le déferlement des vagues ; le va-et-vient des lumières du phare balayant toits et touffes. Un vent quelque peu décidé arriva, frappa les tôles, siffla dans la porte, caressa les joues et le visage de Salimata jusqu’à l’engourdir. Elle referma la porte, se recoucha, pour dormir le petit reste de la nuit.
Quand Salimata se releva, dans le champ de l’excision, le soleil était arrivé au-dessus des têtes, deux matrones l’assistaient. Le cortège était parti ! bien parti. C’est-à-dire que le retour des excisées avait été fêté, dansé, chanté, sans Salimata. Ah ! le retour, mais il faut le savoir, c’était la plus belle phase de l’excision. Les tam-tams, les chants, les joies et tout le village se ruant à la rencontre des filles excisées jouant les rondelles de calebasses. Salimata n’a pas vécu le retour triomphal au village dont elle avait tant rêvé. C’est à califourchon au dos d’une matrone par une piste abandonnée, une entrée cachée, qu’elle fut introduite dans le village et portée dans la case du féticheur Tiécoura, couchée sous protection du fétiche de Tiécoura. Et tout le restant du jour, aux pieds de la patiente, fumèrent les sacrifices, roulèrent les colas blancs et rouges pendant que sa maman pleurait. Salimata y passa la nuit, une nuit qu’elle n’oubliera jamais.
La case du fétiche était isolée, ronde, réduite, encombrée, grouillante de margouillats.
À l’intérieur le fétiche dominateur était un masque épouvantable qui remplissait une grande moitié ; une lampe à l’huile flambait, fumait et brillait juste un peu pour maintenir tout le mystère. Le toit de paille, de vieille paille noire de fumée était chargé de mille trophées : pagnes, panier, couteau, etc. Sur la nuit, sur la brousse, sur les mystères s’ouvrait la porte, elle aussi très petite et à laquelle pendait une natte. C’était là, au moment où le soleil commençait à alourdir les paupières, que la natte s’écarta, quelque chose piétina ses hanches, quelque chose heurta la plaie et elle entendit et connut la douleur s’enfoncer et la brûler et ses yeux se voilèrent de couleurs qui voltigèrent et tournèrent en vert, en jaune et en rouge, et elle poussa un cri de douleur et elle perdit connaissance dans le rouge du sang. Elle avait été violée. Par qui ? Un génie, avait-on dit après. On avait expliqué aussi les raisons. La maman de Salimata avait souffert de la stérilité et ne l’avait dépassée qu’en implorant le mont Tougbé dont le génie l’avait fécondée de Salimata. Salimata naquit belle, belle à emporter l’amour, à provoquer la jalousie du génie qui la hanta. On l’avait promise en mariage, on l’avait excisée sans avertir, sans calmer la passion du génie, par une adoration spéciale. C’était donc la jalousie et la colère du génie qui déclenchèrent l’hémorragie. C’était le génie sous la forme de quelque chose d’humain qui avait tenté de violer dans l’excision et dans le sang.
Un chant de coq éclata dans la cour voisine, premier cri du jour à naître. Salimata se précipita dehors, la lampe à la main ; elle assembla les bois dans le foyer de la cuisine attenante, frotta une allumette, la fumée murmura et fit graillonner la ménagère, avant de libérer la flamme bleue qui chanta. Le puits s’ouvrait au milieu de la cour, elle s’en alla y tirer deux seaux, les versa dans la marmite installée sur la flamme vacillante, s’assit sur un tabouret, les coudes sur les genoux, les mains sous le menton et sentit le ronflement du feu comme une touche murmurante de Fama pendant une nuit froide d’harmattan.
Mais Salimata ne savait pas ; elle n’a jamais su. Elle ne savait pas si en vérité ce fut le génie qui la viola. Elle avait bien vu l’ombre d’un homme, une silhouette qui rappelait le féticheur Tiécoura. C’était dans la case du féticheur qu’elle était couchée, il avait rôdé toute la journée autour « pour éloigner les chiens ». Dans la nuit, il était revenu, avait écarté la natte de la porte, avait salué Salimata et la matrone qui l’assistait. C’était quand la matrone s’était endormie, que le sommeil avait vaincu les paupières de Salimata, que la lampe avait été soufflée, qu’on s’était jeté sur ses parties douloureuses ; les jambes avaient été piétinées, l’ombre s’était échappée par la porte quand Salimata avait crié. Salimata ne savait pas si ce n’était pas le féticheur Tiécoura qui l’avait violée dans sa plaie d’excisée. Une salive de dégoût, un peu salée, remplit la gorge de Salimata. Elle la cracha dans le foyer.
Oui, elle n’a jamais su ; mais resta dans l’intérieur et l’âme de Salimata une frayeur immense qui naissait et la raidissait quand un rien rappelait Tiécoura. Pour Salimata, Tiécoura le féticheur demeura plus qu’un totem ! un cauchemar, un malheur. En vérité, quand même il n’aurait pas rappelé le viol, Tiécoura dans la réalité nue était un bipède effrayant, répugnant et sauvage. Un regard criard de buffle noir de savane. Les cheveux tressés, chargés d’amulettes, hantés par une nuée de mouches. Des boucles d’oreilles de cuivre, le cou collé à l’épaule par des carcans de sortilèges comme chez un chien chasseur de cynocéphales. Un nez élargi, épaté, avec des narines séparées des joues par des rigoles profondes comme celles qui se creusent au pied des montagnes. Des épaules larges de chimpanzé, les membres et la poitrine velus. Et avec en plus les lèvres toujours ramassées, boudeuses, les paroles rapides et hachées, la démarche dandinante, les jambes arquées. Fils et petit-fils de féticheur né et nourri dans les sacrifices et les adorations, il traînait, harmattan et hivernage, le fumet des égorgements et des brûlis, il ruminait le silence des mystères et le secret des peines. Un homme dont l’ombre, la silhouette et l’effluve même de très loin suffisaient pour que Salimata ait la nausée, l’horreur et le raidissement.
Cela aucun ne l’a compris, aucun ne l’a entendu lorsque Salimata se refusa à Baffi (ce fut le premier mari de Salimata). Baffi puait un Tiécoura séjourné et réchauffé, même démarche d’hyène, mêmes yeux rouges de tisserin, même voix, même souffle ; il résonnait en Salimata et la raidissait. La retraite de l’excision finie (après la nuit de viol Salimata rejoignit la case de retraite des excisées, et cloîtrée avec les autres collègues elle vécut trois semaines de soins, de fêtes et d’instructions initiatiques), à la fin de la retraite de l’excision, la jeune fille malinké guérie est conduite au mariage. Salimata, transie de frayeurs, fut apportée un soir à son fiancé avec tam-tams et chants. La lune jaune regardait dans les nuages, les réjouissances des noces chauffaient et secouaient le village et la forêt ; sa maman tremblait et pleurait, Salimata ne voyait et n’entendait rien, la peur seule l’occupait. Les cérémonies se terminèrent trop tôt à son gré ; et trop rapidement on lava sa tête et elle se trouva dans la case nuptiale avec deux matrones au pied du lit pour l’éducation sexuelle et pour témoigner qu’elle était vierge. Baffi entra, s’approcha, tenta, elle se ramassa, se serra, se refusa, les matrones accoururent et la maîtrisèrent et il a désiré forcer et violer ; elle a crié ! Elle a crié comme la nuit de son excision et la peur et l’horreur de Tiécoura remontèrent dans son nez et sa gorge, elle a crié très haut puisque les aboiements des chiens ont éclaté de cour en cour et ont épouvanté tout le village ; les matrones ont lâché, elle a sauté du lit pour s’enfuir par la porte, on l’arrêta et elle s’effondra, se vautra dans les peines et pleurs sur le seuil. Le mari se culotta, Salimata ne remarqua même pas que Baffi balançait une volumineuse hernie qui l’accablait de la démarche d’écureuil terrestre de Tiécoura. Les conseils des anciens et des vieilles, les assurances et même les menaces de la maman, n’amoindrirent ni la peur ni l’horreur. On recommença et tenta une autre nuit de noces et des nuits de noces, en vain. Il montait, elle hurlait et s’accrochait à la hernie étranglée. On comprit qu’il fallait arrêter les épreuves
pour qu’elle ne le tue pas. D’ailleurs c’était inutile, vraiment inutile, elle appartenait au diable, elle demeurait toujours hantée par le génie, le même génie qui l’avait violée ; il s’opposait à tout rapport de Salimata avec les hommes, d’où les cris, les horreurs, les actes criminels (le coup de main dans la hernie). Mais la dot étant payée, le mariage célébré, Salimata vivra dans la cour de son mari comme une femme pour la cuisine, les lougans, mais pas comme une épouse avec une part des nuits du mari, donc sans aucun espoir d’enfant. Louange à Allah ! Seigneur des mondes, bienfaiteur miséricordieux ! La hernie étranglée terrassa son homme qui soupira et succomba. Quatre hivernages de mariage blanc ! Salimata fut cloîtrée trois mois dans la case du veuvage.
La marmite ronronnait ; Salimata leva la lampe, l’eau chaude pétillait, elle en remplit un seau, le porta derrière la case. Fama ronflait, le nez dans la couverture, dispersé, toujours inutile, vide, sans compassion pour la grande folie de sa femme d’avoir un ventre. Elle le secoua, il tourna et se laissa crouler dans un sommeil de pierre. Irritée, de toute la largeur de la main droite elle visa et une fois claqua la fesse gauche de son mari qui ne faisait pas tout son devoir, deux fois la fesse droite d’un vaurien qui ne connaissait que dormir, une fois encore mais bien appuyée, la droite de ce gros mangeur qui n’apportait rien.

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