Le mythe de la Palestine questionné

Le mythe de la Palestine questionné

La chute du mythe Différents procédés participent à l’entreprise de déconstruction du mythe de la Palestine et de ses représentations. Le référent lui-même constitue l’un des éléments de déconstruction de son propre mythe. Cette partie cherche à étudier ces procédés de déconstruction du mythe. Afin de mettre en perspective les productions du corpus restreint et de mesurer leur singularité et leurs spécificités, l’étude s’appuie sur des œuvres qui apportent un éclairage, ou qui sont représentatives des productions. Ces productions, emblématiques, qui témoignent de représentations mythiques de la Palestine, établies dans le champ littéraire et au-delà, dans les imaginaires vivants et vivaces. 

Des représentations mythiques de la Palestine au théâtr

 Les représentations mythiques de la Palestine au théâtre se construisent sur une spatialité imaginaire. Cette spatialité est liée à la temporalité : temps mythique de la lutte pour la souveraineté et temps folklorique de l’affirmation de l’identité et de la revendication. 

Représenter le lieu et le mythe 

Le théâtre apparaît comme le lieu de l’affrontement entre le mythe et la réalité. Cette confrontation est exprimée de manière directe dans À portée à crachat :     » أليشَبحاربَاوصلَالمسرح ل ّما الحدث داير خارج المسرح؟ » « Pourquoi vouloir à tout prix arriver jusqu’au théâtre quand l’action se passe visiblement ailleurs que sur la scène ? »  L’interaction entre la réalité et la fiction sur scène sont décrite par le monologuant :  » عالمسرح. اتنفسَوصمد،َصمدَواتنفس.. التنفس،َالتنفس،َتنفسَهوا. تنفسَغاز. تنفسَريحةَالطخ. تنفسَأصواتَألطخ. » « Allez ! Au théâtre ! Respirer et tenir bon, tenir bon et respirer. Respirer, respirer les gaz lacrymogènes, L’odeur de la poudre, Le bruit des coups de feu. » 1335 Dans cet extrait, la guerre est mentionnée. Elle permet au monologuant, et ici à Taher Najib, de poser la question de la représentation, au théâtre et sur scène, et de ses limites. La réalité et la fiction se retrouvent et s’affrontent dans la guerre, elle-même une réalité dont la représentation scénique dépasse les limites de ce qui est représentable : « Ce théâtre [de la guerre], qui se joue sur des planches, est condensation, là où la guerre est expansion. L’un est par nature centripète, l’autre est centrifuge, puisque le plus souvent la guerre est impérialiste même lorsqu’elle se déclenche intra muros. Tandis que le spectacle théâtral, s’il est bon, enflamme le public, la guerre, si elle est mauvaise, incendie une région, un pays ou davantage encore. Le champ de bataille et la scène semblent inconciliables. Mais on sait que le théâtre ne s’arrête pas devant l’insoluble. Sa propension au défi, qui est le propre de tout travail de création, le conduit à contester une incompatibilité apparente qui ferait de la guerre un phénomène irreprésentable. » Cette inconciliabilité est représentée dans À portée de crachat au prisme du ressenti individuel. Elle est supportée par la nature monologuée du discours :9  » أليشَبحاربَاوصلَالمسرح ل ّما الحدث داير خارج المسرح؟ » « Pourquoi vouloir à tout prix arriver jusqu’au théâtre quand l’action se passe visiblement ailleurs que sur la scène ? » L’interaction entre la réalité et la fiction sur scène sont décrite par le monologuant :  » عالمسرح. اتنفسَوصمد،َصمدَواتنفس.. التنفس،َالتنفس،َتنفسَهوا. تنفسَغاز. تنفسَريحةَالطخ. تنفسَأصواتَألطخ. » « Allez ! Au théâtre ! Respirer et tenir bon, tenir bon et respirer. Respirer, respirer les gaz lacrymogènes, L’odeur de la poudre, Le bruit des coups de feu. » Dans cet extrait, la guerre est mentionnée. Elle permet au monologuant, et ici à Taher Najib, de poser la question de la représentation, au théâtre et sur scène, et de ses limites. La réalité et la fiction se retrouvent et s’affrontent dans la guerre, elle-même une réalité dont la représentation scénique dépasse les limites de ce qui est représentable : « Ce théâtre [de la guerre], qui se joue sur des planches, est condensation, là où la guerre est expansion. L’un est par nature centripète, l’autre est centrifuge, puisque le plus souvent la guerre est impérialiste même lorsqu’elle se déclenche intra muros. Tandis que le spectacle théâtral, s’il est bon, enflamme le public, la guerre, si elle est mauvaise, incendie une région, un pays ou davantage encore. Le champ de bataille et la scène semblent inconciliables. Mais on sait que le théâtre ne s’arrête pas devant l’insoluble. Sa propension au défi, qui est le propre de tout travail de création, le conduit à contester une incompatibilité apparente qui ferait de la guerre un phénomène irreprésentable. » Cette inconciliabilité est représentée dans À portée de crachat au prisme du ressenti individuel. Elle est supportée par la nature monologuée du discours : نجيبَطاهر ,op. cit., p. 5.  Taher Najib, op. cit., p. 11.نجيبَطاهر ,op. cit., p. 6. Taher Najib, op. cit., p. 12. Westphal, Bertrand, « La guerre au théâtre : stratégie et dramaturgie », Revista de Literaturas Modernas, 2004, p. 9‑22, p. 10‑11. 370  » عشرينَممثلَبنزلواَلغرفَالمالبسَيتنفسوا. انا مشقادر اميّز بين الريحه اللي جاي من الخشبة والريحه الي فايته من الشباك. تصفياتَبالشارع،َوانتقامَعالخشبه. معداتَحربَبالشارع،َوعألخشبهَعرقَسايل. الفرقَالوحيدَانهَعالعرضَالليَبالشارعَوالَواحدَاشترىَتذكره. » « Vingt comédiens sortent de scène et regagnent leurs loges pour respirer. Je n’arrive plus à faire la différence entre l’odeur qui monte des planches et celle qui entre par les fenêtres. Liquidations ciblées dans la rue, actes de vengeance sur scène. Engins de guerre dans la rue, transpiration sur scène. La seule chose, c’est que, pour le spectacle qui se donne dehors, personne n’a payé de billet. » Pour le monologuant d’À portée de crachat, la temporalité spécifique de la guerre marque également la dramaturgie, alors incapable de retranscrire scéniquement ces moments. Le réel prend le dessus :  » مشَقادرَاحسَالفرقَالزمنيَبينَالمسرحَوبراته. مشقادرَاالقيَالخيطَالرفيعَوالشفافَالليَبفشقَعنهَلماَبطلعَعالخشبه. فضاء المسرح بين، فاتح ثمه ومحّول كل شارع ركب لمسرح ضخم فيو بتحدثَالمأساه. زمنيَمتخربطَبالزبطَمثلَاحاسيسيَتجاهَالفصلَالثاني. » « Je n’arrive plus à faire la différence entre le temps de la scène et le temps de la rue. Je n’arrive plus à situer la ligne, mince et transparente, qu’il me faut enjamber pour monter sur scène. La scène s’ouvre, béante, et transforme la rue Roukab en un immense théâtre où se joue la tragédie. Le temps et l’espace s’embrouillent, tout comme mes sentiments envers ce deuxième acte. »  . C’est finalement par la fictionnalisation de la guerre que l’individu trouve un refuge au réel :  » ماَبديَافكرَبعدَبالصحَوالغلط. بديَأحطمَكلَالمعايير،َاتعرىَواتقمصَشخصيهَبتفكرَغيرَشكلَعني,َأجرأَمنيَوبتعرفَاحسنَمنيَكيفَ نطلعَمنَالدوامهَهاي. شخصيهَبتسألشَزيادهَعنَاللزومَاسئله ومعندهاشَأيَاعتبارَاخالقي. فشَحاجهَبعدَاوجدَمبررَاخالقيَلفعلَغيرَاخالقي. الليله،َعالخشبه،َمشمالقيَصدمتي 0  » عشرينَممثلَبنزلواَلغرفَالمالبسَيتنفسوا. انا مشقادر اميّز بين الريحه اللي جاي من الخشبة والريحه الي فايته من الشباك. تصفياتَبالشارع،َوانتقامَعالخشبه. معداتَحربَبالشارع،َوعألخشبهَعرقَسايل.  الفرقَالوحيدَانهَعالعرضَالليَبالشارعَوالَواحدَاشترىَتذكره. » « Vingt comédiens sortent de scène et regagnent leurs loges pour respirer. Je n’arrive plus à faire la différence entre l’odeur qui monte des planches et celle qui entre par les fenêtres. Liquidations ciblées dans la rue, actes de vengeance sur scène. Engins de guerre dans la rue, transpiration sur scène. La seule chose, c’est que, pour le spectacle qui se donne dehors, personne n’a payé de billet. » Pour le monologuant d’À portée de crachat, la temporalité spécifique de la guerre marque également la dramaturgie, alors incapable de retranscrire scéniquement ces moments. Le réel prend le dessus :  » مشَقادرَاحسَالفرقَالزمنيَبينَالمسرحَوبراته. مشقادرَاالقيَالخيطَالرفيعَوالشفافَالليَبفشقَعنهَلماَبطلعَعالخشبه. فضاء المسرح بين، فاتح ثمه ومحّول كل شارع ركب لمسرح ضخم فيو بتحدثَالمأساه. زمنيَمتخربطَبالزبطَمثلَاحاسيسيَتجاهَالفصلَالثاني. » « Je n’arrive plus à faire la différence entre le temps de la scène et le temps de la rue. Je n’arrive plus à situer la ligne, mince et transparente, qu’il me faut enjamber pour monter sur scène. La scène s’ouvre, béante, et transforme la rue Roukab en un immense théâtre où se joue la tragédie. Le temps et l’espace s’embrouillent, tout comme mes sentiments envers ce deuxième acte. » . C’est finalement par la fictionnalisation de la guerre que l’individu trouve un refuge au réel :  » ماَبديَافكرَبعدَبالصحَوالغلط. بديَأحطمَكلَالمعايير،َاتعرىَواتقمصَشخصيهَبتفكرَغيرَشكلَعني,َأجرأَمنيَوبتعرفَاحسنَمنيَكيفَ نطلعَمنَالدوامهَهاي. شخصيهَبتسألشَزيادهَعنَاللزومَاسئله ومعندهاشَأيَاعتبارَاخالقي. فشَحاجهَبعدَاوجدَمبررَاخالقيَلفعلَغيرَاخالقي. الليله،َعالخشبه،َمشمالقيَصدمتي.  نجيبَطاهر ,op. cit., p. 6.  Taher Najib, op. cit., p. 11.  سعيدَخالدة ,op. cit., p. 7.  Taher Najib, op. cit., p. 13. 371  بصدمنيشَانيَببيدَقبيلهَكامله،َوهايَالحالهَصادمتني. » « Assez, je ne veux plus penser à ce qui est bien, à ce qui est mal. La scène est le seul lieu qui me permet de briser les conventions, de changer de costume et d’incarner une personne qui pense autrement que moi, qui ose autrement que moi et qui, lui, aurait su se sortir de cette situation inextricable. Un personnage qui ne se pose pas trop de questions et ne s’embarrasse pas de considérations morales. Inutile d’inventer des justifications à des actes qui n’en ont pas. Ce soir, sur scène, je ne ressens plus d’indignation. Ça ne me choque plus de massacrer une tribu entière. » Ici, c’est justement en raison de cette inconciliabilité au théâtre, entre le réel et la scène, que la réalité, dans sa difficulté et sa laideur, peut être vécue. La réalité n’est pas niée ou mythifiée, elle n’est simplement pas représentée. Cela s’inscrit dans une volonté de déconstruire le mythe littéraire de la Palestine, commune aux textes du corpus restreint étudié. Au contraire, le corpus large composé des textes collectés trouve une cohérence autour des représentations mythiques et stéréotypées de la Palestine et des Palestiniens dans le temps et dans le lieu. Dans son ouvrage consacré à l’étude des différentes figures du Palestinien, Elias Sanbar distingue trois catégories de représentation d’une population qu’il désigne comme victime « d’une identité supposée éternelle et immuable. » : « Gens de la terre sainte », « ‘Arab Filastîn, Arabes de Palestine », et « Le Palestinien invisible, l’Absent » . Contre le caractère « supposé inaltéré et continu, alors que la constance de l’identité de devenir naît de sa capacité à se reproduire en d’autres figures », l’auteur cherche à définir les éléments communs qui permettent le mouvement du devenir de ces figures : « Comment sommes-nous, de figure en figure, devenus d’autres figures ? Comment avonsnous ainsi, voyageurs mobiles, porteurs et portés, réussi à détenir un visage sans jamais connaître les traits de nos visages à venir ? Comment demeurons-nous identifiables, reconnaissables au fil des temps ? Quels furent nos paysages, ceux nés de nos figures successives ? »

Temps mythique de la lutte pour la liberté et la souveraineté

 La première catégorie définie par Elias Sanbar, qu’il nomme « gens de la terre sainte », s’inscrit dans un temps mythique marqué par la lutte pour la liberté et la souveraineté. Ce temps correspond à la période d’avant la création de l’État d’Israël, et plus particulièrement jusqu’au début de la Première Guerre Mondiale (1914) qui entraînera la chute de l’Empire ottoman (1923), quand la Palestine est encore désignée ainsi, avant qu’elle ne change de nom et que celui-ci ne disparaisse : « La Palestine est donc à sa place, c’est-à-dire en ses lieux, dans son identité et sa langue » . Ce changement de nom est central et commun aux récits de Palestiniens de leur exil. Il s’exprime par la voix du monologuant dans Taha lorsqu’il raconte le moment du retour en Palestine qui est devenue Israël . Dans son récit, le changement de nom s’apparente à un changement de nature puisqu’il ajoute que « même l’air n’avait plus la même odeur ». Le poète ne reconnaît plus sa terre dont il est dépossédé. Cette mention fait écho à la description faite, également à la première personne, par le narrateur du Peptimiste déjà évoqué : « « Bienvenue dans Medinah Israël », dit le soldat. Je crus qu’ils avaient changé le nom de ma ville bien-aimée, et qu’elle était devenue Madînat Isrâ’îl, la Ville d’Israël. Mon cœur se serra, comme il se serra plus tard quand nous passâmes par Wâdî Salîb, et que la rue m’apparut vide de ses passants et du sifflement des balles auquel nous étions si bien habitués, les derniers mois, avant quand ne tombent mon père et Haïfa. (…) Je voulus leur montrer que j’étais bien arabe, afin de les incliner en ma faveur, et je déplorai que l’on eût transformé le nom de Haïfa en Medinah Israël. Ils échangèrent des regards ébahis. « Et idiot, en plus ! » soupira l’un d’eux. Ce n’est qu’au moment de la campagne électorale que je compris pourquoi ils m’avaient cru idiot : c’est alors seulement que je me rendis compte que le mot medinah, en hébreu, veut dire « Etat », comme dawla en arabe. En réalité, ils avaient laissé son ancien nom à Haïfa, parce qu’il apparaît dans la Bible. » Émile Habibi évoque à nouveau ce traumatisme vécu par les Palestiniens face au changement de nom et à la disparition du terme « Palestine » avec la fondation de l’État d’Israël : « C’est au printemps que j’ai rencontré Tantûriyyeh. Ce n’était pas son vrai nom ; on l’appelait ainsi du nom de son village natal, al-Tantûra, où elle était venue au monde, treize ans avant que son lieu de naissance ne soit rayé de la carte. L’exode la surprit alors qu’elle se trouvait en visite dans la famille de sa mère, dans un village nommé Jisr az-Zarqâ qui se trouve lui-aussi sur la côte ; elle y resta jusqu’au moment où elle vint partager mes peines, et où je vins, de mon côté, partager avec elle une courte période de ma vie. Etrange histoire que celle de Jisr az-Zarqâ ! Comment ce village a-t-il pu survivre aux malheurs de la guerre et de l’exode, en même temps que le village de Fraydîs (Paradis), alors que la tempête a emporté tous les villages arabes du littoral entre Haïfa et Tel Aviv : Têra, ‘Ajzam, ‘Ayn Ghazâl, Tantûra, ‘Ayn Hawd, Umm az-Zênât ? Serait-ce qu’il aurait des racines plus profondes, ou un tronc plus solide ? » 

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