Le perfectionnisme et la motivation des adolescents en contexte scolaire

La motivation

Avant de se pencher sur la question de ce qui peut contribuer au développement du perfectionnisme, il est important de comprendre qu ‘est-ce que la motivation et sur quelle théorie de la motivation l’étude actuelle est basée. La motivation se définit comme étant l’étude des forces internes et externes qui influent sur le comportement humain (Vallerand & Thill, 1993). II existe deux grands types de motivation. La motivation intrinsèque, qui est générée par la pratique d’une activité pour le plaisir et la satisfaction qu ‘on en retire, et la motivation extrinsèque qui est engendrée par un engagement dans une activité dans le but de retirer quelque chose de plaisant ou d’ éviter quelque chose de déplaisant (Oeci & Ryan, 1985a, 1985b). Les motivations extrinsèque et intrinsèque sont généralement influencées par trois facteurs : la situation, la personnalité et le type d’activité (Oeci & Ryan, 1985a, 1985b, 2000; Vallerand, 1997). Selon la théorie de l’ autodétermination (TAO; Oeci & Ryan, 2000), l’être humain est de nature proactive et il est à la recherche de situations pouvant lui permettre de nourrir ses besoins psychologiques fondamentaux qui sont le désir d’ interagir efficacement avec l’environnement (compétence), le désir d’ être à l’ origine de son propre comportement (autonomie) et le désir d’ être en relation avec des personnes importantes pour nous (appartenance sociale).

Un des postulats fondamentaux de la TAO est que les différents types de motivation d’un individu se regroupent sur un continuum d ‘ autodétermination. Allant respectivement du niveau le plus élevé d’autodétermination au niveau le plus bas. On peut regrouper les motivations associées à la pratique d’une activité en cinq catégories:

1) la motivation intrinsèque;

2) la régulation identifiée;

3) la régulation introjectée;

4) la régulation externe; et

5) l’amotivation.

L’ amotivation correspond à l’absence complète de motivation envers une activité et donc, d’intention de l’ entreprendre. La personne ne pratique pas l’ activité et si elle la pratique, c’ est sans motivation. L’ activité est jugée inintéressante et aucune raison ne semble valable ou suffisante pour la pratiquer. Comme l’amotivation représente l’absence de motivation, la personne ne se régule pas et donc il n’est pas question de motivation plus ou moins autonome, mais bien d’absence de motivation. Pour sa part, la motivation extrinsèque réfère au fait de pratiquer une activité pour des raisons qui sont séparées de celle-ci. L’ activité est pratiquée dans le but d’arriver à ses fins et non pour le plaisir de la pratiquer. L’individu est motivé extrinsèquement à accomplir une activité lorsqu ‘ il anticipe que la pratique de cette dernière lui permettra d’obtenir une récompense dans l’avenir. Selon la TAD, la motivation extrinsèque regroupe trois styles d’ autorégulation, soit la régulation externe, introjectée et identifiée.

La régulation externe implique un sentiment de pression entièrement extérieur à soi face à l’ action; la personne agit dans le but de satisfaire une demande ou de recevoir une récompense extérieure. L’ action n’a pour but que la récompense, la diminution de la pression ou l’évitement d’une conséquence négative. Par exemple, une personne peut travailler dans le but d ‘ avoir de l’ argent. Dans le cas de la régulation introjectée, la pression est davantage interne. La personne agit pour éviter des émotions négatives, telle que la culpabilité, l’anxiété ou la honte. Bien que les raisons derrière le comportement puissent venir de soi (p. ex., vouloir se sentir fier ou éviter de se sentir coupable), ce style d’autorégulation n’ est pas entièrement interne. La personne n’est pas encore motivée pour des raisons personnelles, elle est toujours sous l’ influence de pressions externes, qu’ elle a internalisées. La régulation identifiée se situe, quant à elle, à un niveau d’autonomie plus avancée sur le continuum d’autodétermination .

Cette motivation demeure toutefois de nature extrinsèque car l’ activité n’ est toujours pas pratiquée pour ses propres attraits, mais bien pour les bénéfices qui y sont associés. Comme la pratique du comportement concorde avec des buts personnels importants, il s ‘ agit du type de motivation extrinsèque le plus autonome car l’ individu commence à ressentir qu’ il a choisi d ‘ entreprendre le comportement lui-même et pour des raisons personnelles qui concorde avec ses aspirations. Par exemple, un étudiant peut détester un cours, mais choisira de le compléter, car celui-ci lui permettra d’ être diplômé dans une profession qu’ il aime. Son choix est donc personnel. Pour terminer, la forme de motivation la plus autonome, et la seule qUI soit entièrement interne, est la motivation intrinsèque. La motivation intrinsèque fait référence à la pratique d ‘une activité pour le simple plaisir que celle-ci procure, sans attente d’ autre bénéfice. Lorsque la motivation est intrinsèque, aucune forme de récompense ni de punition ne pousse la personne à pratiquer l’ activité, autre que le plaisir et la satisfaction inhérents à la pratique de celle-ci. 11 est à noter que pour simplifier la catégorisation des différents types de motivation associés au continuum d’autodétermination, les régulations de type identifiée et intrinsèque sont généralement regroupées sous l’étiquette de la « motivation autonome» alors que la régulation introjectée, la régulation externe et l’amotivation sont généralement regroupées sous l’ étiquette de la « motivation contrôlée» (Deci & Ryan, 2000).

La relation entre le perfectionnisme et la motivation

En partant de l’idée que le style de perfectionnisme d’un individu peut être influencé par sa motivation et selon différentes caractéristiques qui impliquent que la motivation devient autonome ou pas, nous pouvons nous demander si le perfectionnisme pourrait être influencé par des facteurs similaires à ceux qui déterminent la motivation. Par exemple, selon les intérêts d’un individu, son contexte, ses valeurs, etc.? Dans cette optique, est-ce que la recherche de hauts standards personnels et les préoccupations perfectionnistes pourraient être reliées à la fois à la motivation intrinsèque et extrinsèque, dépendamment des facteurs qui les déterminent? De plus, est-ce que le style de motivation peut prédire différemment les grands facteurs du perfectionnisme? Le perfectionnisme et la motivation semblent varier selon le contexte et les facteurs qui les influencent. En effet, le concept de préoccupation perfectionniste suggère le désir d’ éviter des conséquences négatives et des émotions négatives et nous mène à l’ idée de motivations extrinsèques. La recherche de hauts standards personnels suggère par ailleurs le besoin d’ agir en fonction de ses valeurs (p. ex., Hewitt & Flett, 1991a; Stoeber et al., 2009). Hewitt et Flett (1991 a) ont étudié les dimensions du perfectionnisme et ce qui les caractérisent.

Ces auteurs rapportent que le perfectionnisme orienté vers soi (recherche de hauts standards personnels) est principalement lié à la motivation intrinsèque alors que le perfectionnisme socialement prescrit (préoccupations perfectionnistes) est principalement lié à la motivation extrinsèque. Stoeber et al. (2009) ont également étudié la relation entre deux formes de perfectionnisme (c.-à-d., orienté vers soi et socialement prescrit) et la motivation intrinsèque de même qu’extrinsèque. Ils ont démontré que le perfectionnisme socialement prescrit (concept qui se rapproche des préoccupations perfectionnistes) était corrélé positivement à la motivation extrinsèque alors qu’ il était négativement corrélé à la motivation intrinsèque. Le perfectionnisme orienté vers soi (qui se rapproche assez de la recherche de hauts standards personnels) était positivement associé à la motivation intrinsèque. L’étude comporte cependant des limites au plan méthodologique. Puisqu’un devis transversal a été utilisé, les prédictions ne peuvent pas être interprétées dans un sens longitudinal ou causal. De plus, l’étude se base sur un échantillon plutôt restreint si l’on considère les analyses statistiques qui ont été effectuées et comprend un nombre insuffisant de participants de sexe masculin (11,43 %).

Pour leur part, Miquelon et al. (2005) ont examiné quelles étaient les relations entre le perfectionnisme orienté vers soi (proche de la recherche de hauts standards personnels) et socialement prescrit (proche des préoccupations perfectionnistes) et le type de motivation associé à la poursuite des études universitaires. Leurs résultats ont démontré que le perfectionnisme orienté vers soi était positivement associé à une motivation autonome (c.-à-d., un score global des items de la motivation intrinsèque et identifiée) alors que le perfectionnisme socialement prescrit était positivement associé à une motivation contrôlée (c.-à-d., un score global des items de la motivation introjectée et externe) à poursuivre des études universitaires. Bien que les auteurs aient utilisé un devis prospectif à trois temps de mesure dans une de leurs deux études, la nature corrélationnelle de leur étude ne permet pas de statuer sur des inférences causales entre les variables examinées. Les auteurs expliquent qu ‘ il faudrait utiliser un devis expérimental pour faire de telles inférences. Par ailleurs, leur étude longitudinale offre une meilleure compréhension du rôle médiateur de la motivation académique dans la relation entre le perfectionnisme multidimensionnel et l’ajustement psychologique qui était mesuré avec The General Health Questionnaire (GQH; Goldberg & Hillier, 1979).

Mills et Blankstein (2000) ont aussi examiné les relations entre les dimensions du perfectionnisme et la motivation académique chez des étudiants universitaires. Premièrement, ils ont observé que le perfectionnisme socialement prescrit était associé à des construits négatifs. Par exemple, ce type de perfectionnisme était positivement relié à des stratégies d’ apprentissage scolaire mésadaptées (sentiment d’ inefficacité par rapport à l’ apprentissage et à la performance, moins bonnes stratégies cognitives d’ apprentissage et gestion inefficace des ressources). Cette dimension du perfectionnisme semblait aussi davantage motivée par la reconnaissance des autres. Par contre, les résultats ont montré que le perfectionnisme orienté vers soi ne présentait pas des patrons de corrélation aussi clairs. D’ un côté, les auteurs ont observé que le perfectionnisme orienté vers soi (recherche de hauts standards personnels) était significativement et positivement associé à la motivation intrinsèque des élèves de même qu’à des stratégies d’ apprentissage scolaire adaptées (sentiment d’ autoefficacité par rapport à l’ apprentissage et à la performance, meilleures stratégies cognitives d’ apprentissage et de gestion efficace des ressources). D’un autre côté, les auteurs ont aussi observé que le perfectionnisme orienté vers soi était relié à la motivation extrinsèque. Selon Mills et Blankstein, la relation positive du perfectionnisme orienté vers soi (recherche de hauts standards personnels) avec la motivation intrinsèque et extrinsèque pourrait s’expliquer par le fait qu ‘ il est possible que le perfectionnisme orienté vers soi passe d’abord par une motivation extrinsèque pour devenir ensuite intrinsèque.

Discussion

Cette étude avait pour principal objectif de vérifier la relation entre le profil de motivation et le profil de perfectionnisme chez l’ adolescent. Elle visait aussi à examiner dans quelle mesure le type de motivation pouvait prédire la variance des deux composantes du perfectionnisme. Il était attendu que la recherche de hauts standards personnels et les préoccupations perfectionnistes se présenteraient sur le continuum de la motivation, allant des motivations intrinsèques à des motivations extrinsèques (introjectée, identifiée, régulation externe). La recherche de hauts standards devrait être davantage associée aux motivations qui se rapprochent de l’ autodétermination et les préoccupations perfectionnistes devraient être associées aux formes de motivation contrôlées du continuum. Les résultats des analyses corrélationnelles partielles, qui contrôlaient pour la variance des préoccupations perfectionnistes, appuient la première hypothèse de cette étude selon laquelle la recherche de hauts standards personnels serait liée positivement aux motivations autonomes (c.-à-d., intrinsèque et identifiée) chez l’adolescent. En effet, les résultats indiquent que la recherche de hauts standards personnels est liée positivement, allant du lien le plus fort au plus faible, à la motivation identifiée et intrinsèque. Autrement dit, ces résultats corroborent ceux obtenus par Miquelon et al. (2005), de même qu’en partie ceux de Vanasse-Larochelle et al. (2009) qui confirmaient un lien entre la recherche de hauts standards personnels et la motivation intrinsèque, mais aucun lien avec la motivation identifiée alors qu’ ils contredisent ceux de l’étude de Joly et al. (2011) qui ne démontre aucun lien entre ces variables. Les résultats indiquent aussi que la recherche de hauts standards personnels est liée positivement, mais plus faiblement à la motivation introjectée et à la régulation externe.

Table des matières

Sommaire
Liste des tableaux
Remerciements
Introduction
Contexte théorique
Le perfectionnisme
La motivation
La relation entre le perfectionnisme et la motivation
Les manifestations du perfectionnisme chez les adolescents
Le perfectionnisme et la motivation des adolescents en contexte scolaire
Objectifs et hypothèses
Méthode
Participants et procédures
Instruments de mesure
Questionnaire d’informations générales
Questionnaire sur le perfectionnisme révisé
L’échelle de motivation globale (EMG-28)
L’échelle d’évaluation de l’anxiété et de la dépression (HAOS)
Échelle de satisfaction de vie (ESOV -5)
Résultats
Description des analyses
Présentation des résultats
Discussion
Autocritique du projet
Conclusion
Références

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