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L’échelon des districts, des préfectures et des provinces : les Shi

DEUX STATUTS POUR DESIGNER LES UNITES URBAINES

Depuis 2001, l’Inde est divisée en 28 Etats et 7 Territoires de l’Union, eux-mêmes subdivisés en 593 districts 8 d’une superficie moyenne de 5 000 km et d’une densité moyenne de 500 habitants par km² (Census of India, 2001a; Kumar et Somanathan, 2009).
A cette même date, le pays comptait officiellement 5640 localités classées comme urbaines, dont 497 villes définies comme « cities », les cities étant définies comme des localités urbaines de plus de 100 000 habitants (Census of India, 2001b), dont 35 « million plus cities » ou villes de plus d’un million d’habitants en 2001 et 57 en 2011 (Census of India, 2011). En 2001, 384 agglomérations urbaines (et 475 en 2011) étaient également recensées en Inde, les agglomérations urbaines étant définies comme « a continuous urban spread constituting a town and its adjoining outgrowths (OGs), or two or more physically contiguous towns together with or without outgrowths of such towns. An Urban Agglomeration must consist of at least a statutory town and its total population (i.e. all the constituents put together) should not be less than 20,000 as per the 2001 Census. » (Census of India, 2011).
En 1901, une seule ville indienne, Kolkata, comptait plus d’un million d’habitants, alors qu’elles étaient 35 en 2001 et 57 en 2011. Leur nombre a augmenté à partir de 1951, et plus significativement à partir de 1991. Le Tableau 1 ci-dessous retrace l’évolution du nombre et de la population des « million plus cities » entre 1901 et 2001, les villes étant ici définies comme des agglomérations urbaines, qui sont constituées par une ou plusieurs villes et leur « Outgrowths » (villages, hameaux, campus universitaires, bases militaires etc.) dont le bâti urbain est continu et dont la population est d’au moins 20 000 habitants.
Le pays comptait enfin 638 365 localités rurales dont 19 041 de plus de 5 000 habitants, les plus grandes atteignant plus de 50 000 habitants – pour une vingtaine d’entre elles – voire exceptionnellement 100 000 habitants.
Entre 1901 et 2011, les définitions de la ville et des populations urbaines ont évolué. Dans les recensements indiens du XIXe siècle, les localités urbaines étaient définies soit comme des localités « d’au moins 5 000 habitants aux caractéristiques urbaines bien définies en un ensemble de maisons juxtaposées ou uniquement séparées par des rues », même si elles n’étaient pas gérées par des gouvernements municipaux, soit comme des localités abritant des Municipalités et des Cantonnements, quelle que soit la taille des localités (Bose, 1964; Bose, 1970; Véron, 1987; Bhagat, 2002; Bhagat, 2005). Toutefois, cette définition aux critères peu précis a laissé beaucoup de liberté aux surintendants des recensements des États quant à la désignation des entités urbaines (Bhagat, 2005) et « la convenance administrative [l’a alors emporté] sur la précision statistique et les autorités provinciales du recensement disposent de la liberté d’inclure ou d’exclure du champ des villes une localité quelle que soit sa taille » p 486, (Véron, 1987). D’autre part, comme plusieurs auteurs le soulignent, le manque d’uniformité des critères appliqués dans les différents Etats aurait conduit à une forte surestimation de la population urbaine lors du premier recensement effectué après l’Indépendance en 1951 (Sivaramakrishnan et al., 2007).
En 1961, les critères de désignation des unités urbaines indiennes dans les recensements ont été précisés pour l’ensemble des Etats indiens, et ont débouché sur la création de deux catégories d’unités urbaines : les Statutory Towns (villes statutaires) et les Census Towns (villes censitaires) (Sivaramakrishnan et al., 2007). Les villes– cities – sont définies comme des unités urbaines d’au moins 100 000 habitants.
Les Statutory Towns ont un statut urbain et sont gérées par un gouvernement municipal, à l’exception des cantonment towns (militaires) et de townships administrés par des entreprises, tandis que les Census Towns, en dépit de leurs caractéristiques économiques et démographiques « urbaines », sont administrées et gérées par des gouvernements ruraux (« “urban” by definition, but “rural” in governance », Census 2011).
Les Statutory Towns regroupent des Municipal Corporations ou Nagar Nigam9, villes de plus d’un million d’habitants, les Municipalities ou Nagar Palika, comptant entre 100 000 à 1 million d’habitants (Census of India, 2001b; Census of India, 2001a). Les Nagar Panchayat (appelés aussi Towns Panchayat), créés dans le cadre du 74e Amendement à la Constitution (Bhagat, 2005), se sont ajoutés aux Statutory Towns en 199210. Ces entités sont considérées comme des aires de transition entre le rural et l’urbain (Shaw, 2005) et abritent entre 20 000 et 100 000 habitants. S’y ajoutent les Notified Towns, qui sont des centres urbains compris entre 10 000 et 20 000 habitants. Enfin sont également comptés les Cantonment Boards, qui font figure d’exception : il s’agit d’aires urbaines comprenant des établissements militaires (Census of India, 2001b). Les Statutory Towns peuvent former des agglomérations urbaines qui délimitent un ensemble de bâti urbain continu, constitué d’une ou plusieurs villes principales, augmentées de leur « outgrowth11 », et/ou d’une ou plusieurs villes de plus petites tailles qui leur sont contiguës. Pour qu’un ensemble morphologiquement continu soit considéré comme une agglomération urbaine, la ville autour de laquelle elle s’articule doit être une Statutory Town et l’agglomération doit regrouper une population d’au moins 20 000 habitants selon le recensement de 1991 (Kundu et Basu, 1999).
Les seuils de population requis pour obtenir le statut de Statutory Town sont toutefois variables selon les Etats, de même que dans certains d’entre eux, il n’existe aucun Town Panchayat, comme c’est le cas au West Bengal (Palanithurai, 2002; Shaw, 2005; Denis et al., 2012).

LES 73E ET 74E AMENDEMENTS A LA CONSTITUTION

La gouvernance locale en Inde a été favorisée par les 73e et 74e amendements à la Constitution en 1992. Le 73e amendement a donné une grande autonomie aux Panchayati Raj en milieu rural – l’effectivité de cette autonomie restant toutefois très débattue et variable selon les régions – et le 74e amendement aux Urban Local Bodies (corps locaux urbains – unités urbaines) en milieu urbain par le biais de la décentralisation des structures de gouvernance (établissement de listes de compétences variables selon la catégorie ou la taille et les Etats). En particulier, le 74e amendement à la Constitution a délégué plus de pouvoirs aux organismes locaux urbains en termes de gestion des impôts, des taxes, d’allocations des budgets et de tenue des élections. Il a également conféré le pouvoir à chaque Etat de décider quel centre de peuplement serait urbain ou rural et d’instituer des Towns/Nagar Panchayats pour les zones de transition entre une zone rurale et une zone urbaine, des Municipal Councils pour les petites régions urbaines et des Municipal Corporations pour les grandes zones urbaines (Kennedy et Zérah, 2011; Constitution Indienne, 2013).
The broad criteria for specifying the said areas is being provided in the proposed article 243-0 «The 74th Constitutional Amendment Act, 1992»(Constitution Indienne, 2013)
La définition des Census Towns repose à la fois sur des critères démographiques – seuil de population et densité, et sur des critères économiques – seuil minimal de personnes travaillant dans le secteur non agricole. Depuis 1981, les Census Towns sont ainsi des localités dont la population est supérieure à 5 000 habitants, dont la densité est supérieure à 400 hab./km² et dont 75% des travailleurs masculins sont engagés dans une activité non agricole (Census of India Administrative Division, 2001). Cette définition dérive de celle établie en 1961, au sein de laquelle le critère de 75% de travailleurs engagés dans une activité non agricole était déjà en vigueur, mais en englobant à la fois les hommes et les femmes, la définition de 1981 introduisant un critère de genre. La définition de 1981 a également exclu les travailleurs engagés dans des activités comme la pêche, la chasse, les activités maraîchères et autres activités similaires, rendant la définition de l’urbain plus orientée vers l’industrie (Bhagat, 2005). Les critères de densité et de population active sont appréciés sur le recensement précédent :
• – Prior to Census an elaborate exercise is undertaken to identify Urban Area
◦ Updated list of villages and towns prepared after incorporating the jurisdictional changes that have taken place after 2001 Census and up to 31st December 2009
◦ Identification of Census Towns carried out by applying the urban criteria to all villages including Census Towns and Out Growths of Census 2001
The Census Towns are not declassified if they fail to meet the criteria on the basis of Census 2011. » (Chandramouli, 2013)
De nombreuses Census Towns sont situées à la périphérie de grandes villes, ayant le statut de Statutory Town, avec lesquelles elles forment un tout morphologiquement ou fonctionnellement cohérent (Kundu et Basu, 1999; Shaw, 2005).
Jusqu’au recensement de 2011, la plupart des villes figurant dans des recensements étaient des Statutory Towns et peu d’unités urbaines s’étaient vu accorder le statut de Census Town. La brusque augmentation du nombre d’unités urbaines en 2011, résultat de la multiplication par 3 du nombre de Census Towns entre 2001 et 2011 interroge quant à l’application systématique des critères de désignation des unités urbaines et laisse envisager une éventuelle sous-estimation du nombre de villes pour la période antérieure à 2011 (Figure 1).
Outre la variabilité temporelle de l’octroi du statut urbain aux localités indiennes, de fortes différences spatiales sont également observées, tant au niveau des Census Towns que des Statutory Towns. Les observateurs pointent d’ailleurs de nombreuses incohérences » dans les applications régionales des critères de désignation des entités urbaines (Sivaramakrishnan et al., 2007; Denis et Marius-Gnanou, 2011).

UN DESEQUILIBRE AU SEIN DES ETATS INDIENS

Les critères de désignation des Statutory Towns sont propres à chaque Etat indien the declaration of statutory status is a state prerogative, supposedly dependent upon the level of economic development, financial health and perceived level of urbanization»12p154 (Shaw, 2005), et les logiques régionales sous-jacentes à ces désignations induisent une forte variabilité spatiale dans l’octroi du statut de Statutory Town (Bhagat, 2005). Ainsi, des Etats peu urbanisés tel l’Uttar Pradesh ont accordé le statut de Town (Nagar) Panchayat à de nombreuses localités, tandis que des Etats pourtant plus urbanisés tels le Maharashtra et le West Bengal n’en comptent aucun, alors même que l’évolution rapide des zones voisines des grandes villes métropolitaines de ces Etats s’y prêterait (Shaw, 2005). Parallèlement, certaines Statutory Towns ont acquis ce statut bien que leur population compte moins de 5 000 habitants et parfois seulement quelques centaines (Denis et Marius-Gnanou, 2011).
La variabilité interétatique de l’octroi du statut de Statutory Town pourrait en partie s’expliquer par le fait que ce statut est extrêmement lié aux stratégies politiques des différents Etats et à des « opportunités fiscales ». En effet, les gouvernements des territoires ruraux ou Gram Panchayats reçoivent des subventions de la part du Gouvernement, provenant pour une grande part du Ministère du développement rural, destinées au développement et à l’entretien de réseaux d’eau, de routes, d’écoles ou de services de santé. Selon certains auteurs, dans la mesure où parallèlement, les fonds et les subventions des programmes du Ministère du développement urbain sont dérisoires, les gouvernements de certains Etats trouveraient donc plus avantageux de ne pas désigner des localités comme  urbaines, les localités urbaines ayant de plus une fiscalité plus contraignante (Aziz, 1998).
Les logiques et les enjeux du classement urbain ou non étant multiples et très variables selon les régions, car émanant soit de décisions régionales soit de demandes ou d’oppositions locales, nous ne pouvons pas énoncer de conclusions fermes et générales quant aux mécanismes de désignations des entités urbaines, tant pour les Statutory Towns que pour les Census Towns.
Le même problème se pose pour la désignation des Census Towns, dont les critères sont relativement imprécis et de surcroît parfois inadaptés à la diversité régionale indienne, d’autant plus que comme nous l’avons déjà précisé, les critères de densité et de population active sont appréciés à partir des recensements de la décennie précédente. Par exemple, les formes d’urbanisation et la densité de population ne sont pas homogènes sur l’ensemble du territoire indien et le critère de 400 habitants par km² ne peut pas toujours être respecté. De plus, les catégories d’emplois ne sont pas suffisamment précises pour désigner avec exactitude celles qui sont indépendantes de l’agriculture. Enfin, comme pour les Statutory Towns, les différences entre les politiques menées au sein des Etats conduisent à une variabilité très importante des critères de désignation des Census Towns en fonction des Etats et des périodes de recensement (Sivaramakrishnan et al., 2007; Denis et Marius-Gnanou, 2011; Ramachandran, 2011). En 1991, cette variabilité a été accrue lorsque les directeurs des opérations de recensement, qui ont le pouvoir de déclarer une agglomération urbaine en consultation avec les gouvernements des États et le commissaire de recensement de l’Inde (Bhagat, 2005), ont été autorisés à désigner certaines zones comme urbaines, même si ces zones n’en présentaient pas les caractéristiques, ce qui a eu pour conséquence des désignations parfois arbitraires (Denis et Marius-Gnanou, 2011).
La désignation de « Census Towns» pose un problème de comparaison dans le temps : de nombreuses localités sont successivement classées comme urbaines puis déclassées comme rurales au gré des recensements. Ainsi au Tamil Nadu, 61 Andhra Pradesh, entre 1991 et 2001, la déclassification de 79 agglomérations a représenté une diminution de 7% de la population urbaine et la création de 35 nouvelles villes a généré une augmentation de 2% de la population urbaine (Denis et Marius-Gnanou, 2011).
La variabilité de l’appréciation du caractère urbain ou rural d’une entité en fonction du contexte politico-culturel de l’Etat dans lequel elle est implantée conduit à un fort déséquilibre du nombre de villes entre les Etats : celui-ci étant tantôt surestimé, tantôt artificiellement bas.
La Figure 2 illustre l’inégale répartition entre les différents Etats indiens des Statutory Towns, des Census Towns, et des Villages dont la population est comprise entre 10 000 et 100 000 habitants. Les contrastes sont particulièrement marqués au Sud de l’Inde, entre le Kerala, qui abrite de très nombreux Villages, comptant pour certains jusqu’à près de 50 000 habitants, mais très peu de Statutory Towns et de Census Towns alors que le Tamil Nadu compte de nombreux Statutory Towns et Census Towns, d’une taille équivalente à celle des Villages Keralais, mais très peu de localités ayant le statut de Village – ceci change en 2011 avec la reconnaissance de plus de 500 Census Towns au Kerala.
Enfin, le Maharashtra, le Gujarat, ainsi que les Etats de la diagonale la moins urbanisée de l’Inde, le Rajastan, le Madhya Pradesh, Chhattisgarh et l’Orissa, et les Etats du Nord Est de l’Inde comptent une majorité de Statutory Towns. Le Tamil Nadu se démarque des autres Etats par sa proportion élevée de Census Towns (Figure 2).

EN CHINE, LA VILLE APPARAIT A TOUS LES ECHELONS ADMINISTRATIFS

Le système administratif chinois contemporain se compose de quatre principaux échelons administratifs (Dengji, 等级) : le niveau des Provinces (Sheng, 省), le niveau des Préfectures (Diqu, 地区), le niveau des Districts (Xian, 县) et le niveau des Xiang ( 乡 ), traduit en français par Canton (Blayo, 1997) ou Commune (Gentelle et Pelletier, 1994), échelon administratif rural (Figure 3). Dans ce système, la ville correspond à des entités politiques de différents niveaux administratifs, allant du niveau local au niveau provincial, lequel peut être équivalent en surface à celui d’Etats européens (Chan, 2007). Nous allons détailler les différents échelons avec lesquels la ville peut être définie, en commençant tout d’abord par l’échelon le moins élevé, afin de préciser la logique de coupure d’avec le monde rural, puis en suivant l’ordre de la hiérarchie administrative urbaine.

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