L’Économie sociale et solidaire

Le concept d’économie sociale

Dans l’ouvrage de Jean-Louis Laville et d’Antonio David Cattani, « Dictionnaire de l’autre économie », Jacques Defourny nous propose de remonter aux origines de l’économie sociale. Cette économie combine deux termes qui peuvent être antinomiques. En effet, « économie » renvoie à la production de biens ou de services comme forme d’organisation et contribuant à une augmentation nette de la richesse collective. Tandis que le terme « sociale » se rapporte à une société, à une collectivité humaine considérée comme une entité propre, à une rentabilité sociale et non purement économique de ces activités. Cette efficience s’évalue par des pratiques de citoyenneté active, par la contribution au développement démocratique et d’initiatives individuelles ou collectives. L’économie sociale contribue à l’augmentation de services qui permet une amélioration de la qualité de vie ainsi que du bien être de la population. L’économie sociale a donc une finalité non centrée sur le profit. L’auteur prend pour exemple Saint Simon ou encore Charles Fourier, considéré comme des « faiseurs de système ». Ces penseurs du socialisme utopique se sont organisés et ont créé des sociétés de secours mutuels, des comptoirs alimentaires ainsi que des coopératives de production. Ils ne recherchent pas la socialisation des moyens de production mais le développement d’organisations intermédiaires, constituant le produit d’initiatives volontaires. L’auteur du texte nous fait remarquer que l’origine de l’économie sociale remonte « aux formes les plus anciennes des associations humaines. » En France, comme le montrent les travaux de C. Rist et C. Gide, la notion de « socialisme associationniste» qui intègre le terme socialisme et économie sociale suppose que « la solution à la question sociale passe par un changement du milieu social au sein duquel les personnes agissent, l’objectif étant l’émancipation et la liberté individuelle. En encourageant les coopératives de producteur et en critiquant le principe de concurrence, ces derniers voient dans l’associationniste un moyen économique de substitution qui apporterait une réponse à la question sociale et qui conduirait à la liberté individuelle. » .

A partir d’un besoin émanant d’une communauté ou d’un groupe de personnes, une entreprise d’économie sociale commercialise un produit ou un service. Les bénéfices sont placés dans l’entreprise elle-même qui les utilise pour créer de nouveaux services ou de nouveaux marchés. Les bénéfices sont redistribués aux employés et aux membres de l’entreprise et bénéficient à la réalisation de nouveaux projets et la recherche du profit cède le pas aux intérêts de la collectivité.

D’un point de vue historique, le Christianisme a participé au développement de l’économie sociale en luttant contre l’isolement de l’individu dans l’État. En 1891, l’encyclique « Rerum Novarum » dont Léon XIII est l’auteur, en est l’exemple. Elle prônait la mise en œuvre des lois de justice redistributive au sein de l’État.

Par ailleurs, au cours du 19ème siècle, en Europe, l’économie sociale moderne s’est forgée au carrefour des grandes idéologies, aucune d’entre elles ne pouvant en revendiquer l’origine. Dans les années 1990, la création d’une conférence permanente des coopératives, mutualités qui représentent l’ensemble de l’économie sociale auprès des instances de l’Union Européenne met en exergue la contribution de l’économie sociale à l’emploi, à l’esprit d’entreprise, à l’inclusion sociale, aux services financiers, au développement rural et local ou à la cohésion sociale, parmi d’autres priorités. Les principes de l’économie sociale sont d’identifier les principales formes juridiques ou institutionnelles telles que les entreprises de types coopératif, les sociétés de type mutualiste ou encore les organisations associatives et ont des traits communs aux entreprises et organisations qu’elle rassemble. En effet, l’Economie Sociale et Solidaire a comme finalité de servir aux membres de la collectivité, elle possède une autonomie de gestion visant à distinguer l’économie sociale de la production des biens et services par les pouvoirs publics. Ce sont tous les membres qui détiennent le pouvoir et non seulement les actionnaires. Chaque personne peut participer aux décisions. Une primauté des personnes et de l’objet social sur le capital dans la répartition des excédents telles que la rémunération limitée du capital, la répartition des excédents entre les travailleurs, la mise en réserve de bénéfice pour le développement de l’activité et l’affectation à des fins sociales. L’économie sociale se renouvelle à travers les différentes générations. Elle joue un rôle historiquement important dans l’ensemble des économies capitalistes de marché moderne et développe une dynamique d’émergence nouvelle dans le champ des services comme le montrent aussi bien l’aide à domicile, l’action sanitaire et sociale, la culture, que les services financiers, bancaires, d’assurance et de prévoyance.

Cependant, l’économie sociale est l’objet d’un débat. En effet, l’idée est forte de confronter les principales organisations à l’économie solidaire qui serait perçue comme unique créatrice d’innovations sociales et d’effervescence démocratique sous la forme de services de proximité, d’aide aux personnes âgées ou en difficulté, du commerce équitable, de l’insertion professionnelle des peu qualifiés. « La notion d’économie sociale, quant à elle, est plus large en soulignant que la recherche de profits n’est pas exclue si l’affectation de ceux-ci et les modes de gestion des entreprises sont non capitalistes. »  Dans les années 1980-1990, l’économie solidaire s’est inscrite en complémentarité et en critique de l’économie sociale. C’est le cas aujourd’hui pour l’expression d’entrepreneuriat social qui vient questionner l’économie sociale et solidaire. Les activités économiques solidaires se sont principalement développées en direction de publics fragilisés et vulnérables. C’est cette évolution qui a permis d’enrichir la dénomination de ce secteur en « économie sociale et solidaire».

Le concept d’économie solidaire 

L’économie solidaire revient sur le devant de la scène à la fin du 20ème siècle en réactualisant les principes de l’associationnisme. Ce concept a été développé en particulier par Jean-Louis Laville, professeur et titulaire de la Chaire « Economie Solidaire » du CNAM, pour désigner « l’ensemble des activités économiques soumises à la volonté d’un agir démocratique où les rapports sociaux de solidarité priment sur l’intérêt individuel ou le profit matériel : elle contribue ainsi à la démocratisation de l’économie à partir d’engagements citoyens. »  Face au chômage de masse et de longue durée provoqué par le dérèglement de l’économie et la libération des mouvements de capitaux, l’économie solidaire développe cette idée de solidarité par opposition à l’individualisme qui caractérise les sociétés capitalistes.

La loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire initiée par Benoit Hamon reconnaît l’économie sociale et solidaire comme un mode d’entreprendre spécifique. C’est-à-dire que « le projet de loi s’inscrit dans le cadre de l’initiative de la Commission européenne pour promouvoir ce secteur comme un acteur à part entière d’une « économie sociale de marché hautement compétitive. Il vise à en conforter la place au sein d’une économie plurielle, en synergie avec les initiatives européennes, à lever les obstacles à son développement et à prévoir les dispositifs visant à assurer le déploiement et la croissance de ces structures sur les territoires.» La loi redonne du pouvoir d’agir aux salariés, permet un renforcement des politiques de développement local, consolide le réseau et donne des outils de financement aux acteurs. L’économie solidaire cherche donc à concilier l’activité économique avec la solidarité et l’équité sociale. Elle s’adresse aux personnes qui cherchent à mettre l’économie au service de l’humain et d’un projet de société, plutôt que du seul intérêt de l’enrichissement individuel.

A cet effet, l’économie solidaire a des spécificités qui lui sont propres. La promotion d’une solidarité entre les différents acteurs par la pratique de l’autogestion, c’est-à-dire l’égalité des droits au sein des organisations de l’économie solidaire. C’est la pratique d’une solidarité avec les travailleurs en général et en particulier avec les plus défavorisés afin de tenter d’organiser des coopératives constituées de chômeurs, de personnes en situation de précarité.

Elle a également une double dimension, économique et politique. La dimension économique se situe sur le plan d’un engagement réciproque entre les individus. Les biens et les services font l’objet d’un consensus démocratique. La dimension politique concerne le désir des personnes de constituer « un être ensemble » élaboré sur la répartition d’activités économiques gérées démocratiquement. Afin de comprendre l’origine de l’économie solidaire, Paul Singer propose de remonter aux prémices de ce concept. En effet, pour lutter contre la révolution industrielle du 19ème siècle, des coopérations ouvrières se forment lors des luttes de résistances. Le mouvement coopératif ouvrier structuré par Robert Owen à partir de 1825, tente de repenser la société sur un mode communautaire afin de remédier aux inégalités de l’ère capitaliste et industrielle et cela afin d’assurer l’équité entre les classes et une situation économique favorable. Des mouvements similaires à celui d’Owen ont émergé tels que les mouvements des communautés généralement agricoles qui assurent le principe de répartition et pratiquent la solidarité dans tous les domaines de la vie sociale.

Table des matières

Introduction
I. Un territoire hétérogène
1. La Polynésie française
a. Situation géographique
b. Repères historiques
c. Colonisation
d. Cadre Institutionnel actuel
e. Tahitien d’hier et d’aujourd’hui
f. Le nucléaire, la fin de l’Éden ?
2. Moorea
3. Une question préoccupante : la malnutrition
a. L’alimentation des Polynésiens
b. Des facteurs concomitants
c. Si rien ne change
II. L’Économie sociale et solidaire
1. Un enchaînement de concepts
a. Le concept d’économie sociale
b. Le concept d’économie solidaire
c. Le concept d’économie sociale et solidaire
2. L’économie sociale et solidaire en Polynésie Française
3. Le développement local
III. L’économie sociale et solidaire, atout pour la Polynésie ?
1. L’économie sociale et solidaire : une alternative adaptée
a. Le Foodlab
b. Mon enquête, une intervention probante
c. Dans le « faapu »
d. En quête de savoir
e. Analyse
2. L’économie sociale et solidaire, une alternative favorable
a. Le Cooklab
b. Le Cooklab, tourisme culinaire
c. Au village de l’alimentation et de l’innovation
3. L’économie sociale et solidaire, une alternative satisfaisante
a. La communication digitale
b. L’atelier de co-cooking
c. Outils de développement local
d. Une réparation…paradisiaque
e. De la réparation au stade de la prévention
4. Évaluation
a. L’économie sociale et solidaire comme atout de développement local
b. Mon action
Conclusion

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