L’éducation à la désobstruction rhino-pharyngée des nourrissons

L’éducation à la désobstruction rhino-pharyngée des nourrissons

INTRODUCTION

La rhinite du nourrisson est un motif fréquent de consultation en médecine générale. En 2009, selon l’observatoire de la médecine générale, les rhinites, rhinopharyngites et toux ont représenté 38% des consultations des enfants de moins de 2 ans (1,2). D’origine principalement virale, ce symptôme est plus fréquent l’automne et l’hiver. L’évolution de la rhinite est généralement favorable en quelques jours ou semaines. L’inconfort occasionné chez les nourrissons est lié au fait que la respiration avant 6 mois est principalement nasale et que les fosses nasales sont proportionnellement plus étroites (3). La rhinite peut se compliquer de surinfections (otite moyenne aiguë principalement), de troubles respiratoires (toux avec encombrement pulmonaire, dyspnée), de troubles du sommeil ou de difficultés alimentaires. Lorsqu’elle est provoquée par le virus respiratoire syncitial, la rhinite est accompagnée des autres symptômes de la bronchiolite (4). Des recommandations concernant la prise en charge de la bronchiolite ont été émises par la Haute Autorité de Santé (HAS) en 2000 (4). Elles recommandent la réalisation de désobstruction rhino-pharyngée (DRP) en cas de rhinite, ainsi que l’enseignement de sa technique aux parents : instillation de sérum physiologique narine par narine, l’enfant en décubitus dorsal, tête tournée sur le côté. Le mouche bébé est reconnu comme moins efficace. Le site internet de la sécurité sociale AMELI a d’ailleurs dédié une page d’information à la technique de réalisation de la DRP (5). La HAS propose de donner aux médecins traitants une place centrale dans la filière de soins notamment en favorisant la reconnaissance de leur rôle dans l’éducation pour la santé. Ce rôle s’applique autant vis-à-vis de la prévention de la transmission de la maladie que des soins familiaux. Notre travail de recherche s’inscrit dans l’actualité des nouvelles recommandations attendues en 2019. Des recommandations concernant la prise en charge de la toux du nourrisson ont été publiées par l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) en 2010 (6). Elles ont profondément modifié la prise en charge en contre-indiquant l’utilisation avant 30 mois des sirops mucolytiques, mucofluidifiants, antihistaminiques et sirops à base d’opiacés, le fenspiride et les suppositoires contenant des dérivés terpéniques. Les mesures hygiéno-diététiques recommandées comprennent la DRP au sérum physiologique plusieurs 10 fois par jour en cas d’encombrement nasal (notamment avant le repas et au coucher), l’éviction du tabagisme passif, une hydratation régulière et la température de la chambre limitée à 19-20°. Afin d’informer les parents et d’encourager le changement de leurs pratiques, l’AFSSAPS a mis au point une affiche « bébé tousse ? » ainsi qu’un document de questions/réponses permettant d’expliciter la prise en charge de la toux du nourrisson (7,8). Le mouche-bébé y est proposé en complément ou alternative éventuelle à la DRP. Devant la baisse du recours aux médicaments dans la prise en charge de la rhinite du nourrisson, il semble nécessaire de savoir quelle est la place du médecin généraliste dans la gestion de cette pathologie. Selon une étude menée dans le département du Nord en 2011, 98% des médecins déclaraient prescrire la DRP lors des consultations pour rhinite du nourrisson (9). Mais comment les médecins généralistes la prescrivent-ils ? Comment abordent-ils l’éducation à ce geste ? Quel rôle considèrent-ils avoir dans l’éducation à la DRP ? La DRP permet de drainer les voies aériennes supérieures, de fluidifier et d’évacuer les secrétions nasales (10). Les 4 techniques sont le mouchage externe, la DRP par instillation de quelques gouttes de sérum, la DRP volumétrique par instillation à pression moyenne de 5 à 10 ml et la DRP par aspiration en utilisant une pipette de sérum physiologique vide ou éventuellement un mouche bébé (11). Pour un souci de clarté, le terme « DRP » dans notre thèse se rapportera aux techniques par instillation ou volumétrique tandis que l’utilisation d’un mouche bébé sera précisée systématiquement.

Caractéristiques des entretiens et des médecins interviewés 

Au total, treize entretiens ont été menés. La suffisance des données a été atteinte au douzième entretien, vérifiée par un treizième entretien. Parmi les médecins contactés, trois ont refusé de participer car ils disaient ne pas faire de pédiatrie, huit ne nous ont pas recontactés après deux relances. Sept médecins n’ont pas été contactés car la suffisance avait été obtenue. Les entretiens ont duré de 20 à 45 minutes, avec une durée moyenne de vingtneuf minutes et quarante-cinq secondes. Ils se sont majoritairement déroulés au cabinet des médecins. Un entretien s’est déroulé au domicile d’un médecin. Deux entretiens ont eu lieu dans l’appartement d’une auteure. Les caractéristiques des médecins interviewés ont été résumées dans le tableau 1.

L’éducation à la DRP : un fond commun, des formes différentes

 Au cours des entretiens, trois méthodes d’éducation ont été rapportées par les généralistes : – L’explication orale, permettant d’améliorer la compréhension du traitement. – La démonstration par le médecin, favorisant l’apprentissage du geste grâce à la visualisation. Elle renforçait la confiance des parents devant l’efficacité immédiate. 16 Mais elle nécessitait de maitriser le geste, de ne pas craindre de perdre en crédibilité en cas d’échec. – La réalisation supervisée, c’est-à-dire la réalisation du geste par le parent sous le contrôle du médecin, rendant possible une évaluation fine des connaissances des parents et la délivrance de conseils adaptés à chaque pratique. Ces différentes méthodes d’éducation se basaient sur un socle commun (schéma 1). En effet, même si des approches éducatives différentes étaient utilisées par les médecins interrogés, ils se servaient de contenus similaires : – Le mode d’emploi, c’est-à-dire comment faire le geste de DRP. – L’argumentation, c’est-à-dire comment convaincre les parents de faire le geste de DRP.Le premier volet relevait de l’apprentissage d’un savoir-faire. Les médecins généralistes interviewés citaient notamment le type de produits utilisés. Une majorité se servait de sérum physiologique, préférant la galénique en unidose. La quantité de produit délivrée et la praticité dans la vie quotidienne des parents renforçaient le choix des médecins. 3 méthodes • L’explication orale : Accessible à tous, claire et maitrisée • La démonstration : Compréhension facilitée, risque d’échec • La réalisation supervisée : Evaluation objective, conseils adaptés 2 contenus • Le savoir-faire • L’argumentation 1 objectif • L’éducation 17 MG 5 : « Les petits je mets toujours du sérum phy. Mais je pense pour les petits, ce qui est important c’est pas, enfin, c’est pas la différence de produit, c’est la différence de contenant. Je leur mets toujours des monodoses. » D’autres privilégiaient les sprays nasaux, qu’ils estimaient plus efficaces ou plus maniables. MG 6 : « Le Stérimar, l’avantage, c’est que ça pulvérise. C’est plus facile à faire alors que le flacon plastique quand vous l’ouvrez … » Des médecins ont indiqué qu’ils précisaient également le rythme. Certains privilégiaient des moments adaptés aux plaintes des parents : avant les repas ou avant de dormir. D’autres ne verbalisaient pas de chiffres afin de laisser les parents juger de la fréquence adaptée. A contrario, un médecin a déclaré qu’il préférait le prescrire deux fois par jour maximum afin d’éviter l’agression de la muqueuse nasale. MG 13 : « Il faut juste limiter un peu les mamans parce qu’elles ont … elles ont tendance à faire du lavage de nez plusieurs fois par jour. Donc il faut leur expliquer que c’est une, deux fois. Mais qu’on agresse pas l’enfant avec du lavage de nez toutes les heures quoi !» Les médecins ont souligné qu’ils expliquaient aussi la position de l’enfant, en décubitus dorsal ou latéral, tête sur le côté, dans la narine du haut ou peu importe. La technique avec laquelle les parents étaient le plus à l’aise serait la meilleure selon un des médecins qui, dans ce but, proposait plusieurs techniques. MG 11 : « C’est ce que je dis aux parents d’ailleurs, l’important c’est de mouiller, la technique à utiliser finalement bon : fiez-vous un peu à ce que, là où vous êtes le plus à l’aise. On peut laisser pencher la tête du même côté. Et ceux qui arrivent pas parce que l’enfant bouge trop, je propose de prendre l’enfant dans l’autre sens avec la tête vers lui pour essayer de voir si ça marche mieux, si ça donne plus quoi. […] Ça m’a permis de voir qu’il y avait des techniques qui marchaient des fois et d’autres fois, elles marchaient pas. » Des médecins ont prévenu qu’il était possible qu’une technique fonctionne un jour et ne fonctionne pas le lendemain, qu’il ne fallait pas hésiter à varier les solutions. Les parents devaient s’approprier les techniques .

Table des matières

I. Introduction
II. Matériels et méthode
A. Type d’étude
B. Population de l’étude
C. Modalités de recrutement
D. Recueil des données
E. Analyses
F. Cadre éthique
III. Résultats
A. Caractéristiques des entretiens et des médecins interviewés
B. L’éducation à la DRP : un fond commun, des formes différentes
C. La transmission des techniques de lavage de nez : une éducation non Figée
D. Influence de la place du médecin généraliste dans son rôle d’éducateur
E. La relation médecin-parents-enfants au cœur de l’éducation
IV. Discussion
A. Résultats principaux
B. Un rôle d’éducateur par défaut lors de l’éducation à la DRP
C. Comment les médecins généralistes abordent-ils la DRP avec les parents ?
D. Une éducation pour la santé qui nécessite des compétences communicationnelles
E. Limites et forces de l’étude
V. Conclusion
VI. Bibliographie
VII. Annexes
A. Guide d’entretien
B. Critères COREQ
C. Information aux participants
Abréviations

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