L’effet de la complexité économique sur la pollution de l’air

L’effet de la complexité économique sur la pollution de l’air

Une autre approche de la Courbe Environnementale de Kuznets

Le changement climatique principalement dû à l’accumulation de gaz à effet de serre, dont le principal est le dioxyde de carbone (CO2), représente aujourd’hui un problème sérieux pour l’humanité25. Une progression sensible de la pollution apparaît depuis les trois dernières décennies. Les émissions de CO2 en provenance des pays de l’OCDE ont doublé sur la période 1984-2014 avec néanmoins une légère diminution suite à l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto (2005). L’émission des pays de l’OCDE est significativement supérieure à la quantité de CO2 émise par les autres régions du monde, à l’exception des pays de l’Asie du Sud-Est. La région méditerranéenne, l’Amérique latine et l’Afrique subsaharienne ont, elles, doublé leurs émissions de CO2 sur la période 1984-2014, et leurs émissions ne représentent qu’1/6 de la quantité émise par les pays de l’OCDE et d’Asie du Sud-Est (annexe 1, graphique 1). Si l’on envisage les émissions par habitant, la région MENA figure parmi les économies en développement les plus émettrices de gaz à effet de serre, mais elle reste néanmoins largement derrière les pays de l’OCDE (annexe 1, graphique 2).

L’impact du développement économique sur la qualité de l’environnement a été largement discuté dans la littérature économique. L’étude de Grossman et Krueger (1991, 1994, 1995) notamment a fait l’objet d’un consensus grandissant sur l’existence d’une relation en forme de U inversé entre le revenu par habitant et la pollution : on parle alors de la courbe environnementale de Kuznets (CEK). A la suite de ce travail théorique, de nombreuses études empiriques ont justifié l’hypothèse de la CEK (Stern et al., 1996 ; Ekins, 1997 ; Stern et Common, 2001…). Toutefois elles ont pu être critiquées de différentes manières. En particulier, les types d’activités économiques à la base de la croissance ont des intensités de pollution qui diffèrent (Antweiler et al., 2001). Ainsi, il peut être judicieux de déterminer si la réduction relative de la pollution observée dans les pays.

L’effet de la complexité économique sur la pollution de l’air

Dans ce travail, nous utilisons le cadre théorique de la CEK pour tester l’effet sur l’environnement de la structure sectorielle et de l’usage de produits moins polluants, en considérant un panel dynamique de 133 pays. Notre démarche est singulière dans le choix de l’indicateur relatif à l’effet de structure : il s’agit de l’indice de complexité économique (ICE) (Hidalgo et al., 2009) qui reflète les capacités d’exportation d’une économie basée sur la « qualité des produits ». Cet indicateur est en règle générale utilisé pour caractériser la place des pays dans le commerce international mais jamais sur les questions environnementales. ICE intervient comme variable explicative en complément du revenu par habitant dans la CEK. En testant la complexité économique, nous essayons de démontrer des trajectoires autres que la CEK classique puisque nous introduisons un élément plus particulier qui joue sur l’environnement au-delà du simple revenu par habitant. Nous réalisons des estimations sur l’ensemble des pays considérés mais aussi pour les groupes de pays à revenu élevé, intermédiaire, faible, ainsi que les pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient (MENA). Il apparaît en particulier que le groupe des pays à revenu élevé connaît une intensité de pollution par habitant plus importante dans ses premiers stades de transformation structurelle et qui tend à diminuer au-delà d’un certain seuil.

Notre travail est organisé autour de 4 sections. Dans la deuxième section, nous exposons les éléments de littérature consacrés au modèle CEK et notamment la caractérisation des effets d’échelle, technique et de structure pouvant conditionner les émissions de CO2. Dans une troisième section, nous proposons une nouvelle spécification du modèle CEK introduisant notamment l’indice de complexité économique, et qui est estimé en nous basant sur un panel de 133 pays sur la période 1984-2014. La quatrième section est consacrée à l’analyse des résultats en considérant l’ensemble des pays puis les groupes de pays selon leur niveau de développement. La section 5 conclut.

Kuznets (1955) tend à déceler une relation en U inversé entre le niveau de revenu par tête et les inégalités sociales. Transposé dans le domaine de l’environnement, différentes études ont laissé apparaître une relation en U inversé entre la pollution et le niveau de revenu par tête des pays. On parle alors de « courbe environnementale de Kuznets » (Grossman et Krueger, 1991 ; Panayotou, 1993). A des niveaux de revenu par habitant très faibles, la quantité et l’intensité de pollution d’origine anthropique se limitent à l’impact des activités économiques de subsistance. Avec l’urbanisation, l’intensification de l’agriculture et le décollage industriel, les émissions de polluants augmentent fortement. Dans les pays en développement, la partie montante de la CEK est la conséquence de l’augmentation du PIB par tête. De manière générale, l’évolution de la courbe en cloche a pu être expliquée par trois effets. Le premier est l’effet d’échelle, où une augmentation de l’activité économique conduit, en elle-même, à une pression plus forte sur l’environnement : plus de production nécessite plus d’inputs et crée ainsi plus de déchets et d’émissions polluantes. Le deuxième est l’effet de composition sectorielle, où à mesure que les richesses s’accumulent la structure du système productif d’une économie évolue. Par exemple, le déclin de la part des industries lourdes intensives en énergie et le développement des secteurs de services intensifs en technologie et en capital humain desserrent la contrainte écologique en diminuant l’intensité des émissions.

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