L’effet de l’hypnose dans la prise en charge de la douleur chez les patients adultes brûlés et hospitalisés

Les brûlures représentent 265’000 décès en 2014 dans le monde, ce qui évoque un problème mondial de santé publique (Organisation mondiale de la santé (OMS), 2016). Au niveau local, environ 130 à 150 personnes gravement brûlées sont traitées chaque année au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), l’un des deux centres de brûlés en Suisse, l’autre se trouvant à Zürich (CHUV, 2015). Les grands brulés hospitalisés au CHUV passent par un long chemin avant de rentrer à domicile. Selon la Filière des patients brûlés au CHUV (2015), le patient est d’abord pris en charge par une équipe pré-hospitalière, aux urgences, ensuite en soins intensifs, puis dans un service d’hospitalisation aigüe et finalement en réhabilitation.

Une brûlure est « une lésion de la peau ou d’un autre tissu organique principalement causée par la chaleur ou les rayonnements, la radioactivité, l’électricité, la friction ou le contact avec des produits chimiques. Les brûlures thermiques (dues à la chaleur) surviennent lorsque certaines cellules ou toutes les cellules de la peau ou d’autres tissus sont détruits par : des liquides bouillants ; des solides chauds (brûlures de contact) ; ou des flammes. » (Organisation mondiale de la santé, 2016). Elles peuvent être classées selon la profondeur de la lésion et l’étendue de la surface corporelle atteinte (Brunner & Studdarth, 2011). Une brûlure du premier degré est une atteinte de l’épiderme qui se manifeste par des picotements et de l’hyperesthésie. La guérison est complète en une semaine et il n’y a pas de cicatrice. Une brûlure du deuxième degré est une destruction de l’épiderme et d’une partie superficielle du derme qui se manifeste également par de l’hyperesthésie, de la douleur et de la sensibilité à l’air froid. La guérison s’effectue en deux à quatre semaines et peut laisser des cicatrices ainsi qu’une dépigmentation. Enfin la brûlure du troisième degré est une destruction de l’épiderme, du derme et parfois des tissus sous-cutanés qui peut atteindre les muscles et les os. Elle se manifeste par de la douleur (moins algique que lors du deuxième degré), des symptômes de choc, de l’hématurie et une probable hémolyse. La peau est sèche, blanche, semblable à du cuir ou même carbonisée. Elle est rompue, œdématiée, et le tissu adipeux est exposé. La plaie peut évoluer en escarre et une greffe peut être nécessaire pour une meilleure guérison. Il y aura présence de cicatrices, de déformations, de perte de fonctions, de contractions et même une probable amputation (Brunner & Studdarth, 2011).

Au niveau physiologique, la brûlure correspond à un évènement soudain qui comporte des répercussions à court terme, telle que la douleur (Fauerbach et al., 2002). Si cette dernière est mal prise en charge, elle fera état d’un stress métabolique, de l’hypermétabolisme et constituera un frein à la mobilisation, contribuant ainsi à aggraver la dénutrition et à retarder la cicatrisation. Il serait difficile de le prouver, mais selon la Fondation des Brûlés, il se pourrait que la douleur aggrave la morbidité, la mortalité et prolonge la durée de l’hospitalisation (Colpaert, Cuignet, Kirsten, Minguet & Muller, n.d.). D’après la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (2014), la douleur est « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite dans ces termes ». Les brûlures ont pour résultat une douleur importante qui est directement liée à la profondeur de celles-ci. La douleur suite à une brûlure résulte d’un excès de nociception lié à une sur-stimulation des nombreux récepteurs cutanés spécifiques. Lorsque les terminaisons des fibres nerveuses A et C sont stimulées, souvent à cause d’une température cutanée supérieure à 45 degrés Celsius, une sensation douloureuse est déclenchée. La douleur peut être classée en trois catégories distinctes : la douleur ressentie au repos sur les zones brûlées et les sites où il y a eu une greffe de peau ; la douleur au cours des activités simples tel qu’un changement de position dans le lit et, la douleur ressentie au cours des procédures de traitement des plaies qui sont effectuées quotidiennement, voire plusieurs fois par jour (Tengvall, Wickman, & Wengström, 2010). Les actes thérapeutiques tels que les soins de plaies, les bains et la réfection des pansements provoquent des douleurs décrites par les patients comme étant plus sévères et plus pénibles (Singer et al., 2015) .

Selon une étude Norvégienne, qui a analysé l’expérience de vie des patients après une brûlure, de nombreux troubles liés à la douleur dans plusieurs aspects de la vie quotidienne, comme une restriction dans l’amplitude des mouvements, des problèmes avec l’image de soi, des difficultés psychologiques ainsi que des soucis dans la vie professionnelle sont rapportés par les participants (Moi, Vindenes, & Gjengedal, 2008).

D’après une étude Américaine, qui a analysé l’expérience de la douleur des personnes ayant subit une brûlure, les patients décrivent une sensation douloureuse croissante et de plus en plus sévère dès leur arrivée aux urgences. Au moment de la prise en charge, les participants décrivent un état de choc et de confusion. Ils disent lâcher prise autant moralement que physiquement. Une fois hospitalisés en unité de soins intensifs, les participants à cette étude rapportent un certain inconfort, lié d’une part aux procédures de déplacement dans le lit, et d’autre part aux procédures de traitement des plaies comme le changement de pansement et les douches. Les patients relèvent que ces procédures engendrent la pire douleur jamais ressentie, décrite comme terrifiante et insupportable, elle est parfois même associée au terme de la torture. Certains participants décrivent ces procédures de soins comme l’image la plus marquante de leur vie. Ils ajoutent que par cette expérience, ils ont appris à faire face à la douleur par eux-mêmes, et qu’il n’y a aucun moyen de la contourner, ni d’influer sur elle, ce qui a créé en eux un sentiment de colère (Tengvall et al., 2010).

Les patients ayant subit une grave brûlure sont parfois soumis à une rupture dans la continuité de leur existence. Certains patients rapportent une perte de mémoire quant au début de leur hospitalisation.

Cette perte de mémoire est perçue autant bénéfique par certains des participants, dans le sens où cela leur permet d’oublier une partie douloureuse de leur hospitalisation ; que mauvaise par d’autres, dans le sens où cela leur induit une source de confusion ainsi qu’un sentiment de tristesse (Moi et al., 2008). De plus, certains participants ont rapporté le fait qu’ils ont eu des cauchemars ainsi que des hallucinations qui ont perdurés pendant plusieurs mois après leur hospitalisation (Moi & Gjengedal, 2008). Finalement, l’anxiété est particulièrement présente dans les procédures de soins de plaies, telles que les changements de pansement et l’hydrothérapie (Berger et al., 2010).

En synthèse, les conséquences de la brûlure sont multiples. Les patients relèvent essentiellement un impact sur leurs activités de la vie quotidienne, des douleurs intenses qui engendrent un mal moral et physique ainsi qu’une rupture dans la continuité de leur existence, liée à des pertes de mémoire à court terme.

Le traitement de la douleur aigüe et chronique liée à une brûlure nécessite une approche multidimensionnelle (Berger et al., 2010). Cette approche se constitue de médecine conventionnelle ainsi que de médecine complémentaire ou alternative (MAC), car l’intégration des interventions pharmacologiques et non pharmacologiques sont nécessaires pour un plan de traitement efficace (Shakibaei, Harandi, Gholamrezaei, Samoei, & Salehi, 2008). En effet, d’après la Fondation suisse des médecines complémentaires (ASCA), (n.d.), « la médecine intégrative a pour ambition de garder la vision d’ensemble d’un patient en rapprochant la médecine conventionnelle des médecines complémentaires ». Au niveau de l’approche conventionnelle, les doses d’opioïdes administrées afin de limiter la douleur s’avèrent souvent très élevées, ce qui augmente le risque d’effets secondaires. En sus, la prise en charge de la douleur uniquement basée sur des approches pharmacologiques ont un important taux d’échec (Berger et al., 2010). Quant à la médecine complémentaire, elle est définie comme un vaste ensemble de pratiques de soins de santé qui ne font pas partie des mœurs du pays et qui ne sont pas intégrées au système de santé national. Les MAC ont diverses approches telles que la phytothérapie, l’homéopathie, l’acupuncture, l’aromathérapie et l’hypnose (Pallivalappila et al., 2014). Ces différentes techniques non pharmacologiques sont efficaces car la perception de la douleur comporte une forte composante psychologique (Berger, Raffoul, Maravic, Séchet, & Chioléro, 2004).

L’hypnose est l’approche complémentaire non pharmacologique la plus fréquemment citée dans les études de recherches pour la gestion de la douleur aigüe (Shakibaei et al., 2008). Il s’agit d’une technique de soin cognitivo-comportementale sans effet secondaire spécifique (Prensner, Yowler, Smith, Steele, & Fratianne, 2001). D’après Antoine Bioy, docteur en psychologie, « la façon dont l’hypnose agit est maintenant connue : elle permet, par un jeu attentionnel impliquant l’imaginaire des patients, de revisiter la réalité et la façon dont le patient la perçoit. Ceci a pour effet de diminuer l’importance des symptômes d’un certain nombre de pathologies, et de développer chez l’individu des comportements inédits, lui permettant de mettre à distance le motif d’une souffrance, voire dans certains cas, de la résoudre » (Bioy, 2013). Le processus de l’hypnose se caractérise en trois étapes. La première est l’induction durant laquelle le patient entre dans un état hypnotique. La durée de cette étape peut varier de quelques secondes à plusieurs heures. La seconde étape est l’approfondissement de la transe durant laquelle le patient entre en état hypnotique léger, moyen ou profond. Enfin, la dernière étape de l’hypnose est le réveil. Il s’agit du processus inverse de l’induction ; le patient sort de l’état hypnotique (Mohamed Nour, Pellaton, Prisse & Tschirren, 2005). L’hypnose modifie la perception de la douleur ainsi que la tolérance à celle-ci en interagissant avec l’activité corticale et sous corticale dans les régions du cerveau touchées. Des chercheurs ont examiné des études de neuroimagerie fonctionnelle sur la perception de la douleur sous hypnose et ont constaté que des modifications des fonctionnalités du cerveau se sont produites dans toutes les zones de celui-ci associé au réseau de perception de la douleur. La modulation de l’activité des circuits de la douleur sous hypnose serait liée à une activité du cortex cingulaire antérieur.

Table des matières

1. Problématique
2. Cadre théorique
3. Méthode
3.1. Critères d’inclusion et d’exclusion
3.2. Stratégie de recherche
4. Résultats
4.1. Lecture critique des articles
4.2. Résultats généraux des études
4.3. Synthèse des résultats
5. Discussion

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