L’enclouage centromédullaire des fractures supra-malléolaires du tibia

Les fractures métaphysaires distales du tibia de l’adulte ou fractures supra-malléolaires ont été individualisées par GERARD et EVRARD [15], ZUCMAN et ROUX [16] et UTHESA et al [17]. A caractère extra-articulaire, elles siègent anatomiquement dans une zone de transition entre la diaphyse triangulaire pourvue d’épaisses corticales et d’un canal médullaire défini et le pilon tibial, épaisse lame osseuse sous-chondrale quadrangulaire à cortex mince ; elles comportent donc un trait tibial situé en partie ou totalement dans le massif spongieux métaphysaire et s’associent inconstamment à une fracture fibulaire de niveau variable [2]. C’est une fracture peu fréquente : Court-Brown et Caesar [11] rapportent sur un collectif de 5953 fractures, une fréquence de 0,7 % des fractures du tibia distal ce qui correspond à 13 % de l’ensemble des fractures du tibia. Fan et al. [13] évaluent les fractures supra-malléolaires à 10% de l’ensemble des fractures tibiales. Elles sont rarement individualisées des fractures diaphysaires basses et des fractures du pilon tibial dont les conditions de traitement et le pronostic sont sensiblement différents, au sein d’une littérature souvent confuse et peu abondante [2] Graves par leur proximité de l’articulation de la cheville, elles exposent à un risque fonctionnel non négligeable, de même que les particularités anatomiques et vasculaires de cette région qui posent le problème d’ouverture cutanée, de retard de consolidation et de risques chirurgicaux relatif à la brièveté de ce segment épiphyso-métaphysaire [4]. Le traitement de ces fractures est controversé, l’éventail des moyens thérapeutiques est grand, ce qui rend le choix délicat. Classiquement on avait recours à l’ostéosynthèse par plaque vissée, mais cette technique avait posée beaucoup de complications surtout infectieuses et cutanées. Actuellement l’enclouage centromédullaire verrouillé à foyer fermé constitue un moyen thérapeutique solide avec moins de risques infectieux et cutanés [4].

HISTORIQUE : 

C’est à MALGAIGNE [31], en 1847, que revient le mérite d’avoir décrit pour la première fois, sous le nom de fracture supra-malléolaire, une fracture dont il est à peine question dans la littérature et qui siège deux à trois centimètres au-dessus de l’articulation tibio-tarsienne. En 1981, Fourquet [32] dénomme « fracture basse de la jambe » toute fracture où le trait empiète sur les cinq derniers centimètres au dessus de l’articulation tibio-talienne. Il choisit cette limite en fonction des possibilités d’ostéosynthèse par la plaque standard de l’AO. En 1951, MERLE D’AUBIGNE [33, 34] a fixé la limite supérieure de ces fractures à huit centimètres de l’interligne tibio tarsienne, quand à la limite inférieure, les fractures intéressants directement la surface articulaire tibio-astragalienne, et qui correspondent aux fractures du pilon tibial ont été exclues. Cette définition a été adoptée également par Gérard et Evrard [15]. Ultérieurement, les fractures supra-malléolaires ont été parfaitement décrites par UTHESA [17] et ZUCMAN [16], en 1972, comme étant des fractures extra articulaires qui siègent dans une zone de transition entre la diaphyse et la portion métaphyso-épiphysaire distale. La définition de MULLER [8], en 1990, du « carré épiphysaire » distal, permet d’en établir les limites. Ce carré a été par la suite calculé par Bonneviale [12] et estimé en moyenne à 52,6 mm.

DEFINITION : 

Les fractures supra-malléolaires siègent au niveau de la métaphyse qui est un secteur anatomique intermédiaire entre l’os compact et l’os spongieux. Leur limite inférieure passe approximativement au-dessus du tubercule antéro-externe de l’épiphyse. C’est donc la ligne horizontale qui sépare la métaphyse de l’épiphyse et elle se situe à environ 15mm au-dessus de l’interligne articulaire. Pour la limite supérieure, on a choisi ici comme repère l’endroit où l’os cortical interne devient, pratiquement, aussi épais que celui du secteur diaphysaire sus jacent ; c’est la limite choisie par DE LA CAFFINIERE [18] et MULLER [8]. La ligne horizontale qui passe par ce point est facile à repérer sur une radiographie de face du côté indemne. Elle est située à environ 50 mm au-dessus de l’interligne articulaire. Ainsi les fractures métaphysaires distales seraient celles qui occupent ce secteur osseux trapézoïde d’une hauteur maximale de 40 mm

DISCUSSION DE LA SERIE : 

Bien que l’enclouage centromédullaire soit accepté comme méthode pour stabiliser les fractures de la diaphyse tibiale, son rôle dans le traitement des fractures de la métaphyse distale n’a pas été bien défini, et reste controversé. L’ostéosynthèse par ECM est une technique bien connue par la plupart des chirurgiens, et les modifications récentes qu’a subies ont permis d’élargir le spectre de ses indications thérapeutiques. Les inquiétudes concernant les difficultés de la réduction, la propagation distale de la fracture, l’échec du matériel, et la fixation distale insatisfaisante menant au mal alignement, ont ralenti l’acceptation de l’ECM comme traitement pour les fractures de la métaphyse distale du tibia. Actuellement avec l’avènement de nouveaux systèmes de verrouillage et les problèmes cutanés rencontrés dans cette région anatomique mal vascularisée ont favorisé l’émergence de ces techniques percutanées qui respectent non seulement la peau mais probablement aussi la vascularisation osseuse [1, 4]. Pour évaluer l’efficacité de cette technique nous avons comparé les résultats de notre série aux plus grandes séries de la littérature rapportant des fractures supra-malléolaires du tibia traitées par enclouage centromédullaire.

Les séries adoptées sont les suivantes :
➤ Une série indienne, la plus récente, M.M. Sengodan et al. [2] publiée en 2014 dans l’ISRN Orthopedics : c’est une série de 20 cas de fracture métaphysaire distale du tibia traités par enclouage centromédullaire verrouillé associé à un nouveau système « vis de blocage ».
➤ La série de P. Boyer et al. [3] publiée en 2014 dans la revue de chirurgie orthopédique et traumatologique concernant 41 patients ayant une fracture distale du tibia traitée par enclouage centromédullaire verrouillé avec un nouveau système de verrouillage « verrouillage à stabilité angulaire ».
➤ La série d’Ehlinger et P. Adam [4] publiée en 2010 dans la revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (RCOT) : c’est une série de 51 cas de fracture métaphysaire distale du tibia traités par enclouage centromédullaire verrouillé.
➤ La série d’O.Dahmani [22] du service de chirurgie traumatologique et orthopédique du CHU Hassan II de Fès publiée en 2009 : série prospective de 41 cas de fracture du quart inférieur de la jambe traités par enclouage centromédullaire.
➤ La série de SEAN et COLL comportant 36 cas publiée en 2006 dans Le journal américain JBJS [28] (THE JOURNAL OF BONE AND JOINT SURGERY).
➤ La série de Fan et al [13] publiée dans Injury 2005 concernant 20 cas de fracture métaphysaire distale du tibia traités par enclouage centromédullaire.
➤ La table ronde de la société d’Orthopédie de l’Ouest (SOO) de 1998 [38] a publié également une série de fractures du quart inférieur de la jambe avec 250 cas dont 97 enclouages centromédullaires et 64 traitements par plaque vissée.
➤ La série de Bonnevialle [12] publiée en 1996 dans la revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (RCOT) comportant 38 cas de fracture distale de jambe traités par enclouage centromédullaire verrouillé.
➤ La série de Robinson [14] publiée en 1995 comportant 63 cas de fracture métaphysaire distale du tibia traités par enclouage centromédullaire.

EPIDEMIOLOGIE : 

Fréquence :
C’est une fracture peu fréquente : Court-Brown et Caesar [11] rapportent sur un collectif de 5953 fractures, une fréquence de 0,7 % des fractures du tibia distal ce qui correspond à 13 % de l’ensemble des fractures du tibia.

Robinson [14] enregistre dans sa série la fréquence la plus élevée qui est de 14,5% alors que M.M. Sengodan et al. [2] note le taux le moins élevé de 9%. Ehlinger [4] rapporte une fréquence de 11%, SEAN et COLL [28] un taux de 14%, Fan et al [13] 10% et Bonnevialle [12] une incidence de 12,7%. D’après les données de la littérature, la fréquence des fractures supra-malléolaire varie entre 14,5% et 9% avec une moyenne de 11,75%.

Age et sexe :
La fracture supra-malléolaire survient souvent chez un sujet de sexe masculin et en activité physique. Dans l’étude de M.M. Sengodan et al. [2] les hommes représentaient 80% des cas, P. Boyer et al. [3] rapportent un taux de 68%. Dans la série de SOO [38], on note une prédominance masculine de 65%. Même constat a été relevé dans la série de SEAN et COLL [28] avec un pourcentage de 67% et dans la série d’Ehlinger [4] avec un pourcentage de 61%. O.Dahmani [22], rapporte une fréquence de 66%, FAN et al. [13] 70% et Bonnevialle [12] 68,4%. Cette prédominance est retrouvée également dans les résultats de notre série qui est de 80%.

Etiologies :
Les trois principales étiologies, causant les fractures supra-malléolaires sont représentées par les accidents de la voie publique, les chutes et les accidents de sport. Dans notre série les accidents de la voie publique sont, de loin, l’étiologie la plus fréquente, par un taux de 75%. Cette prédominance est retrouvée également dans les études de P. Boyer et al. [3], d’O.Dahmani [22] (Fès) et de BONNEVIALLE [12], elle reflète le triste record mondial d’accidents de la route que détient notre pays. Les autres études, montrent la prédominance des chutes dans l’étiologie de ces fractures, probablement en rapport avec l’âge élevé de la plus part de leurs patients.

Table des matières

INTRODUCTION
MATERIELS ET METHODES
I- MATERIELS
1. CRITERES D’INCLUSION
2. CRITERES D’EXCLUSION
3. OBSTACLES ET DIFFICULTES
II- MATHODES
RESULTATS
I- EPIDEMIOLOGIE
1. FREQUENCE
2. SEXE ET AGE
3. TERRAIN
4. CIRCONSTANCE DU TRAUMATISME
5. LE COTE ATTEINT
II- ETUDE CLINIQUE
1. LES SYMPTOMES
2. LES LESIONS ASSOCIEES
III- ETUDES RADIOLOGIQUE
1. NIVEAU DU TRAIT
2. TYPE DU TRAIT
3. LE DEPLACEMENT
4. LES LESIONS DU PERONE
IV- TRAITEMENT
1. TRAITEMENT D’ATTENTE
2. DELAI DE PRISE EN CHARGE CHIRURGICALE
3. MODALITES TECHNIQUES DU TRAITEMENT
4. SOINS POST-OPERATOIRES
5. DUREE D’HOSPITALISATION
6. LA REEDUCATION
V- EVOLUTION
1. LE RECUL
2. L’APPUI
3. LA CONSOLIDATION
4. LES COMPLICATIONS
5. LA REPRISE CHIRURGICALE
6. LES RESULTATS ANGULAIRES
7. LES TROUBLES DE ROTATION
8. LES RESULTATS FONCTIONNELS
DISCUSSION
I- HISTORIQUE
II- DEFINITION
III-DISCUSSION DE LA SERIE
1. EPIDEMIOLOGIE
2. ANATOMIE PATHOLOGIQUE
3. DIAGNOSTIQUE CLINIQUE
4. EXAMENS PARACLINIQUES
5. TRAITEMENT
6. L’EVOLUTION ET COMPLICATIONS
CONCLUSION

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