LES CONSEQUENCES DU BLANCHIMENT SUR LE CONTRAT D’ENTREPISE

LES CONSEQUENCES DU BLANCHIMENT SUR LE CONTRAT D’ENTREPISE

Si le blanchiment de capitaux et le travail au noir ne doivent pas être confondus, ils peuvent être comparés dès lors que le premier est une fraude à la loi fiscale et le second à la loi pénale. La différence entre ces deux notions est une question de « stade ». Nous allons dès lors utiliser les décisions relatives au travail au noir dans le cadre du blanchiment. Dans le cas du blanchiment de capitaux, les capitaux sont illégaux et doivent être rendus légaux sous peine de perdre toute utilité pour leur titulaire ; leur origine doit être camouflée afin d’en jouir librement. Dans le cas du travail au noir, l’argent est déjà légal et la dissimulation ne vise qu’à éviter l’impôt.  Mais qu’en est-il si un vice de construction apparaît ? De quels recours dispose le maître d’ouvrage ? A t-il une action contre son entrepreneur ? Quels sont les risques juridiques auxquels le maître d’ouvrage et l’entrepreneur s’exposent ? Existe-t-il une action en répétition de l’indu ? L’entrepreneur peut-il invoquer l’enrichissement sans cause ? Pouvons-nous différencier selon que l’entrepreneur est de bonne ou mauvaise foi ? En 2012, la Cour d’appel de Liège85 a déjà dit pour droit qu’en cas de travail au noir, ni le maître d’ouvrage réclamant la réparation des malfaçons, ni l’entrepreneur réclamant sa rémunération ne peuvent prétendre au secours des tribunaux. Il s’agit d’une irrecevabilité qui est d’ordre public et que les cours et tribunaux doivent soulever d’office. mettre hors la loi et elles doivent en assumer les conséquences. Si, et c’est souvent le cas, une des parties est préjudiciée lors de l’exécution de la convention illicite, la réparation ne pourra en aucun cas être demandée devant les tribunaux eu égard à la violation d’une quelconque règle d’ordre public. La seule et unique demande que les parties pourront former est la nullité du contrat.  Pour le maître d’ouvrage, les conséquences dommageables peuvent être considérables. Certes, il a payé moins cher le travail fourni, mais si le travail s’avère mal exécuté et qu’un vice de construction apparaît, il se retrouve sans recours et peut même s’exposer à des poursuites de tiers. Sa situation sera d’autant plus précaire qu’il ne disposera probablement d’aucun écrit attestant des montants payés à l’entrepreneur. En réalité, le maître d’ouvrage peut avoir beaucoup plus à perdre qu’a gagner.

Les conséquences civiles dans le chef de l’entrepreneur

Comme la loi anti-blanchiment nous l’enseigne, lorsqu’une personne sait qu’elle a face à elle quelqu’un qui a l’intention de blanchir des capitaux, elle se doit de la dénoncer à la CTIF. Si la déclaration de soupçon intervient à temps, c’est-a-dire avant que l’entrepreneur commence les travaux, il ne souffrira aucun préjudice. En revanche, qu’en est-il si, de bonne foi, l’entrepreneur a déjà commencé à construire ou, pire, a déjà achevé la construction pour le maître d’ouvrage blanchisseur ? Il s’agit là d’argent criminel qui va devoir être saisi et d’un contrat contraire à l’ordre public qui va devoir être annulé. L’entrepreneur a beaucoup à perdre. Nous nous sommes posé la question de savoir si l’entrepreneur pouvait se prévaloir d’une action en répétition de l’indu et, dans l’affirmative, à quelles restitutions l’entrepreneur pourrait prétendre. La question ne se pose pas réellement dans le chef du maître d’ouvrage. L’article 505 du Code pénal stipule qu’en matière de blanchiment la confiscation est obligatoire, même L’article 1235 du Code civil dispose que tout paiement suppose une dette :« ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition ». Cette disposition doit être complétée par l’article 1376 qui énonce que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indument reçu ».  Un arrêt très intéressant rendu par la Cour d’appel de Bruxelles en 1978,93 illustre la marge de manœuvre laissée au juge pour corriger les effets « antisociaux » de la répétition de l’indu et assurer l’efficacité de la sanction en refusant la restitution intégrale. Dans cette affaire, les restitutions réciproques ont été prononcées malgré la nullité du contrat d’entreprise. En l’occurrence, le maître d’ouvrage s’est vu contraint de restituer par équivalent le bâtiment à l’entrepreneur.Nous en revenons à l’application des adages. Dès qu’une convention illicite se présente au juge, il dispose de cette marge de manœuvre que lui confèrent les adages en lui permettant de faire échec ou non à toute répétition. Pouvons-nous tirer la conclusion que l’entrepreneur est de bonne foi s’il n’a pas d’avantage à tirer de la convention de blanchiment et qu’il peut invoquer la répétition de l’indu ? Nous le pensons.

 

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